Elles sont chrétiennes, mères et portent le souci de leurs enfants. Près de 1000 femmes en Suisse participeraient chaque semaine à la Prière des mères. Un engagement important, mais aux retombées spirituelles bénéfiques, confient deux participantes au réseau, par ailleurs coordinatrices du mouvement.
Quelle mère ne s’inquiète pas pour ses enfants, exposés aux dangers du monde ou au désarroi spirituel? Quelle mère ne se sent pas dépassée de temps en temps par leurs choix? Remettre son enfant à Dieu, en toute confiance, devient alors source de réconfort voire de joie. Cet «abandon» au Très-Haut est au cœur de la Prière des mères. Ce réseau international, actif en Suisse depuis une vingtaine d’années, plus particulièrement dans les cantons romands, est placé depuis 2023 sous la coordination mondiale de la française Anne-Céline Asselin.
La Prière des mères se vit par petits groupes de deux à huit femmes. Chaque semaine, elles se réunissent durant une heure pour prier pour leurs propres enfants et les enfants du monde. Les rencontres ont lieu au cœur des foyers, soit au domicile de l’une des participantes, un lieu neutre sur le plan confessionnel.
Ce temps de partage en prière suit un protocole précis. La méthodologie et le livret de prières (traduit en 45 langues) ont été développés en Angleterre par Veronica Williams, une mère de famille catholique. Profondément secouée par les dangers (drogue, alcool, violence, pornographie…) auxquels sont confrontés les jeunes, elle lance avec sa belle-sœur protestante, en 1995, le mouvement œcuménique de la Prière des mères.
«Depuis un certain temps, je ressentais le besoin croissant de m’engager davantage à prier pour les enfants. (…) Je voulais faire quelque chose, mais me sentais si démunie et si petite par rapport à tous les grands problèmes… Cependant, je savais profondément que la réponse était la prière», écrit-elle dans son ouvrage de référence La joie de s’abandonner à Lui.
«Je voulais faire quelque chose, mais me sentais si démunie et si petite par rapport à tous les grands problèmes…»
Veronica Williams
Depuis, la Prière des mères a gagné tous les continents et se pratique sur plus de 120 pays. «Grâce aux fuseaux horaires, nous sommes quasi sûres qu’il y a toujours quelque part des mères qui prient», se réjouit Christine Delalande, coordinatrice genevoise de la Prière des Mères.
Cette mère de quatre enfants anime depuis 2000 un groupe qui se réunit dans son salon. C’est là qu’a lieu la rencontre avec cath.ch, en présence de Caroline de Liedekerke, venue de Lausanne, coordinatrice nationale du mouvement depuis 2023 et elle aussi mère de quatre enfants. «C’est difficile d’expliquer la démarche, c’est bien mieux de la vivre quelquefois avant de lancer un groupe», explique celle-ci.
Sur la table préparée pour l’occasion et faisant office d’oratoire, sont posées une croix, une bougie symbolisant la lumière du Christ, une bible pour rappeler que Dieu est la Parole vivante, et une corbeille contenant des petits ronds en papier sur lesquels sont inscrits les noms des enfants des participantes. Y figurent, parfois, les noms de bébés qui n’ont pas pu naître…
Commence alors la lecture, à tour de rôle, des neuf prières qui composent le livret de la Prière des mères, dont la première est adressée à l’Esprit saint pour qu’il vienne diriger la réunion. Elles sont à chaque fois suivies par une pause, marquée par un temps de silence ou une évocation personnelle.
«Ces évocations sont placées sous le signe de la confidentialité et ne sont jamais discutées, souligne Christine Delalande. On ne se donne aucun conseil et franchement, c’est libérateur! Nous ne sommes pas chargées de nous consoler mutuellement puisque tout est remis au Seigneur, les joies comme les peines d’ailleurs.»
Chacune ensuite va s’agenouiller devant la croix et déposer devant elle les ronds représentant chacun de ses enfants. Le cœur de la démarche réside dans cet «abandon», souligne Caroline de Liedekerke: «Nous remettons nos enfants entre les mains du Seigneur, et nous prions pour tous les enfants du monde.» Ces rendez-vous hebdomadaires s’accompagnent de beaucoup d’émotion et souvent de larmes, assurent les deux coordinatrices. «On met aussi un paquet de mouchoirs sur la table!»
«Nous ne sommes pas chargées de nous consoler mutuellement puisque tout est remis au Seigneur!»
Christine Delalande
«Le rond représente tant l’amour infini du Seigneur que l’histoire de l’enfant qu’Il m’a confié, qu’Il m’a chargée d’élever, d’enseigner, d’aimer, et que je Lui remets durant la prière, parce qu’Il sait infiniment mieux que moi ce dont il a besoin, renchérit Christine Delalande. Cette représentation a été intuitivement donnée à notre fondatrice Veronica Williams.»
De manière plus étonnante, il arrive que le nom d’un prêtre ou d’une religieuse, confié par le Seigneur à la prière d’une des mères présentes, apparaisse sur un petit rond. Une éventualité prévue par la fondatrice anglaise du mouvement, comme un fruit second de la Prière des mères. Cette forme de «maternité spirituelle», comme l’appelle la coordinatrice genevoise, est là pour aider dans sa vocation le prêtre, le religieux ou la religieuse.
Le fait que les prières aient lieu en groupe est aussi stimulant. «Bien sûr nous pouvons prier seules à la maison mais il n’y a pas que l’apport de Dieu dans nos rencontres!, s’exclame Caroline de Liedekerke. Jésus a d’ailleurs envoyé les apôtres deux par deux, jamais tout seuls. Et puis, je pense que notre côté féminin a encore plus besoin que les hommes de la rencontre.»
Comment et pourquoi ces deux femmes ont-elle rejoint le réseau? «De par mon éducation, j’ai toujours été consciente de la chance que j’avais. Cela s’est révélé culpabilisant. Je me disais qu’il me fallait prier pour les autres et non nécessairement pour moi», témoigne Christine Delalande.
Mais au début des années 2000, la Genevoise se rend à une conférence donnée la paroisse St-Paul par Veronica Williams. «J’ai eu l’impression qu’elle disait quelque chose que j’avais en moi mais que je ne savais pas: que je pouvais moi aussi prier pour mes enfants et les confier à Dieu. Que ce n’était pas ›d’abord les autres’. Je ne savais pas que j’étais aimée à ce point. J’ai été instaurée en tant que mère par cette prière, et j’ai réalisé que je pouvais participer au plan de Dieu.»
«J’avais des amis qui participaient déjà à un tel groupe à Lausanne, raconte à son tour la coordinatrice suisse, mais je ne me sentais pas particulièrement intéressée à les rejoindre. J’avais arrêté de travailler en Belgique pour m’occuper des enfants, puis j’avais suivi mon mari à Lausanne. Quand mes enfants sont partis en internat à 220 kilomètres de la maison, je me suis dit: à quoi je sers maintenant? Avec la Prière des mères, je pouvais faire quelque chose pour eux.»
Les deux coordinatrices romandes mettent cependant en garde: il ne faut pas attendre des résultats particuliers quand on s’adonne à ces prières. Il y en aura, mais ce ne seront pas nécessairement ceux qu’on souhaite dans le secret de son cœur… D’autant plus que le temps de Dieu n’est pas celui de l’Homme. S’il leur reste difficile d’abandonner leurs enfants à 100%, avouent-elles, cet acte de foi débouche sur la paix du cœur. «C’est véritablement un exercice spirituel qui fait grandir», insiste Christine Delalande.
Comme toute prières régulières, la Prière des mères transforme ceux qui s’y adonnent et se prolonge en cours de journée par des ›petits rappels’ de lâcher-prise et de connexion à Dieu. «Ma famille n’était pas nécessairement priante quand j’ai commencé avec la Prière des mères, cela a changé», témoigne la coordinatrice genevoise. Et de se référer finalement à Marie. N’est-elle pas la mère par excellence?
«Lors de sa grossesse ›spéciale’, ce qui a aidé Marie à reconnaître le mystère, c’est le fait d’être envoyée à la rencontre de sa cousine Anne, qui elle aussi vivait une grossesse spéciale. La visitation, c’est une prière des mères. Tout commence avant l’événement et se termine bien plus tard.» (cath.ch/lb)
Pour découvrir la Prière des mères
Un temps de prière pour les enfants des participantes et tous les enfants du monde est ouvert chaque semaine, à Lausanne et à Genève, aux femmes qui souhaitent découvrir la Prière des mères ou la vivre de manière ponctuelle: à la paroisse Saint-Etienne de Lausanne, les mercredi, et à la chapelle St-François de la basilique Notre-Dame de Genève, les jeudi. Elles y seront accueillies et accompagnées par deux «mères en prière» chevronnées. Certaines participantes seront ainsi appelées à fonder peut-être leur propre groupe. lb
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
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