Une croix en forme d’ancre s’élevait derrière le pape François lors de sa visite à Ajaccio, en Corse, en décembre 2024. L’objet était réalisé par l’association SOS calvaires. «Le diocèse d’Ajaccio nous a demandé de fabriquer le mobilier liturgique pour la visite du pontife, cela a été une grande fierté et un grand honneur pour nous», confie à cath.ch Jeanne Cumet, responsable communication de SOS calvaires.
L’association basée au Lion-d’Angers, au nord-ouest de la France (Maine-et-Loire), a plus l’habitude de redonner leur splendeur aux choses anciennes que d’en réaliser de nouvelles. La commande du diocèse d’Ajaccio était donc quelque peu inhabituelle. Elle est cependant venue conforter les membres de SOS calvaires sur la notoriété dont commence à bénéficier leur association.
La démarche a effectivement connu un fort développement au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, plus de 4000 bénévoles sont à l’œuvre dans pratiquement toute la France.
Et le recrutement ne fait pas défaut. «Beaucoup de gens ont à cœur la préservation des monuments près desquels ils ont grandi, qui ont une signification pour eux, qui représentent l’histoire de leur région, du pays.» La motivation peut bien sûr être religieuse. «Beaucoup de bénévoles sont des catholiques, mais pas que. De nombreux non croyants comprennent aussi l’importance de la conservation de ce patrimoine et sont très actifs dans l’association.»
Les bénévoles sont plutôt jeunes, la moyenne d’âge des membres de SOS calvaires étant autour de 30 ans. «Ce sont souvent des étudiants ou de jeunes professionnels. Ils trouvent aussi dans cette activité un aspect de fraternité, les groupes de bénévoles sont un peu comme de grandes familles.»
SOS calvaires a débuté en 1987 à un niveau local. Un groupe de retraités de Lion-d’Angers, attristés par l’état de délabrement du petit patrimoine religieux de leur région, ont décidé de passer à l’action. L’un des premiers chantiers a été la restauration d’une croix de bois, pour laquelle ils ont engagé un menuisier. Après la disparition des fondateurs, le menuisier a pris le relais.
La formule a progressivement été reprise dans d’autres départements, tout d’abord en Haute-Savoie. Il faut dire que la France est particulièrement riche de ce petit patrimoine religieux. On évoque un million d’oratoires, de calvaires ou d’autres chemins de croix qui sont dans maints endroits menacés de délabrement, faute de moyens financiers permettant de les remettre en état.
Concrètement, les bénévoles dans les 95 antennes réparties sur le territoire, repèrent des monuments ayant besoin d’être restaurés. L’inventaire fait aussi partie de la mission de SOS calvaires. «Les travaux se font d’habitude sur place, par les bénévoles locaux, explique Jeanne Cumet. Mais lorsque les choses sont un peu plus compliquées, il arrive que des bénévoles d’autres régions arrivent à la rescousse ou que la centrale doive participer.» Dans les cas ou des travaux de menuiserie, de ferronerie ou autres sont impératifs, certaines pièces peuvent être envoyées au Lion-d’Angers, où des professionnels font le nécessaire.
Les diverses antennes régionales ont souvent à leur disposition des artisans qui peuvent soit conseiller, soit réaliser eux-mêmes les tâches. «Lorsqu’il le font, nous les payons comme le ferait une entreprise ordinaire», précise la chargée de communication.
Parfois, les démarches nécessitent l’action de dizaines, voire de centaines de bénévoles. C’est ainsi qu’en juillet 2022 à Persac, dans la Vienne, plus de 800 personnes ont œuvré à la restauration de la plus grande croix de France.
Une démarche de restauration commence par l’accord du propriétaire. Il peut s’agir d’un particulier ou d’une collectivité publique. «Il arrive que les propriétaires participent aux frais, souligne Jeanne Cumet. Mais souvent, les mairies n’en ont pas les moyens. Il faut dire que le petit patrimoine se trouve parfois sur le terrain de toutes petites localités.»
En général, les travaux sont de l’ordre du nettoyage. La plupart du temps, il s’agit de débarrasser les monuments de la mousse ou de la végétation qui les envahit. «En fait, même s’il y a des professionnels parmi les bénévoles, la plupart n’ont pas de qualifications particulières. Tout le monde peut facilement participer.»
La dimension spirituelle et solennelle des démarches n’est jamais oubliée. «Lorsqu’une croix, un oratoire ou autres est restauré, nous demandons toujours au curé local de venir bénir le monument. Nous trouvons très important de respecter les traditions dans ce domaine et la sensibilité des populations locales.» Par exemple, lors de la bénédiction de la croix de Persac, le christ en fonte, qui avait été enlevé pour être restauré, a été porté en procession de l’église jusque sur la colline surplombant la bourgade.
Des cérémonies qui sont autant d’occasions de rassemblement pour les communautés paroissiales et villageoises. «Dans certaines petites localités, à part la messe du dimanche, il y a souvent peu d’événements qui permettent aux habitants de se rencontrer. Les bénédictions donnent lieu à de petites fêtes qui rassemblent les générations. Les bénévoles, d’habitude jeunes, côtoient des personnes plus âgées, qui sont ravies de voir que des jeunes se préoccupent de sauvegarder la mémoire et les racines de leur pays. Dans une société qui va très vite, on remarque que les personnes sont attachées à ces repères qui représentent quelque chose de durable et de sacré.»
Depuis 2021, le développement de SOS calvaires a été si rapide que huit salariés travaillent désormais à plein temps pour l’association. Dès 2022, la mission s’est faite internationale, alors qu’une équipe a posé son premier khatchkar (stèle rectangulaire arborant une croix) en Arménie. Une extension hors des frontières qui n’est certainement pas prête de s’arrêter puisque l’association a reçu des appels pour fonder des antennes en Belgique, en Espagne, en Irlande et même au Brésil et au Mexique. (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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