«Je ne suis pas un 'je-sais-tout'»: Anselm Grün fête ses 80 ans

Le pape François lui-même a recommandé les livres d’Anselm Grün. Auteur prolixe d’ouvrages de spiritualité, traduits dans de nombreuses langues, le bénédictin allemand fête ses 80 ans. Il revient sur ce qui le motive encore à écrire. «Je ne suis pas un je sais-tout», explique-t-il.

Hannah Krewer kna / traduction-adaptation Maurice Page

Moine depuis 60 ans à l’abbaye de Münsterschwarzach, en Franconie, Anselm Grün est l’auteur de nombreux de best-sellers. Ses livres atteignent des millions de lecteurs. A 80 ans, il continue son travail d’écriture et prépare un ouvrage sur l’espérance.  

Père Anselm, lorsque vous vous rendez à des manifestations, une foule se forme souvent autour de vous. Aimez-vous cette agitation?
Anselm Grün: Je dois m’y attendre. Mais je n’ai pas forcément besoin de cette agitation autour de moi. Ce n’est pas toujours agréable non plus.

Comment êtes-vous venu à l’écriture?
Je suis entré à Münsterschwarzach en 1964. Pendant la révolution étudiante de 1968, nous aussi, les bénédictins, avons commencé à chercher de nouvelles voies. Avec quelques confrères, j’ai découvert la méditation zen ainsi que la psychologie de Carl Gustav Jung. En 1976, nous avons organisé un congrès au cours duquel nous avons partagé les expériences des premiers moines avec des psychologues et des religieux – une approche alors totalement nouvelle.

«Je ne veux pas seulement écrire sur l’espérance dans la Bible, mais aussi sur ce qu’elle signifie pour moi et comment je la ressens.»

Cela a donné lieu à mes premières conférences et à mes premiers articles. En 1977/78, ce travail d’écriture a commencé et n’a cessé de se développer lorsque de grandes maisons d’édition comme ‘Herder’ ont voulu mes livres. Plus tard, il s’est agi de nombreuses questions existentielles: comment gérer l’anxiété, la dépression, soi-même?

Quelques-uns de la trentaine de livres d’Anselm Grün

Lequel de vos livres est-il particulièrement important pour vous?
Jésus thérapeute avec pour sous-titre La force libératrice des paraboles. J’ai voulu montrer comment la Bible parle aux hommes de manière thérapeutique et quelle sagesse elle recèle. Mais pour chaque livre, j’ai le sentiment que c’est justement celui-ci qui est important.
Je suis également fier de mon travail sur les évangiles. Pour cela, j’ai étudié de nombreux commentaires et essayé de traduire leur contenu de manière théologiquement correcte dans un langage compréhensible.

«J’ai un langage simple, mais pas banal, que les gens comprennent. Je ne polarise pas et je ne suis pas un ‘je-sais-tout’.»

Quels sont vos projets actuels?
Actuellement, j’écris sur l’espérance. C’est un thème important pour moi depuis longtemps. Les philosophes aussi s’en préoccupent. Je ne veux pas seulement écrire sur l’espérance dans la Bible, mais aussi sur ce qu’elle signifie pour moi et comment je la ressens.

Comment expliquez-vous que vos livres soient si bien accueillis?
J’ai un langage simple, mais pas banal, que les gens comprennent. Je ne polarise pas et je ne suis pas un ‘je-sais-tout’. Je n’écris pas de guides, mais sur la manière dont je m’approche des thèmes. En outre, j’essaie de penser aux lecteurs. L’écriture est pour moi une sorte de conversation qui se poursuit. Ce n’est pas un travail, mais cela me maintient en éveil.

Si l’on veut vous inviter comme orateur, il faut un an et demi de délai. Sur quels thèmes vous sollicite-t-on le plus souvent et par quels groupes?
Les entreprises et les banques s’intéressent aux thèmes du leadership ou à l’approche des valeurs dans l’économie. Les associations de soins palliatifs souhaitent que soient plutôt abordées les questions relatives à la mort et au deuil. Avec le théâtre d’Ulm, qui a joué Perceval, j’ai parlé de rituels de guérison.

Vous avez aussi eu des rendez-vous inhabituels?
J’ai visité un jour une entreprise de hackers qui détecte les failles de sécurité dans les entreprises sans lancer d’attaques. Les jeunes étaient très intéressés par des questions telles que: Comment puiser dans des ressources intérieures pour éviter le stress? Qu’est-ce qui favorise une bonne cohabitation, comment puis-je transmettre de l’espoir par mon travail?

«Je puise dans le christianisme, j’apporte des textes bibliques et je parle de valeurs telles que la foi, l’espérance et l’amour».

Ainsi, ils se rendent souvent compte de l’utilité de leur activité et de l’énergie qu’elle procure, ce qui leur redonne du plaisir. Le ministère du Travail de Berlin est venu deux fois, j’ai également parlé à des représentants du ministère de l’Économie, du Service fédéral de renseignement et de la Police fédérale. Dans ce contexte, je rencontre une ouverture d’esprit de la part de personnes marquées par l’Église et d’autres.

On vous reproche parfois d’être trop ‘dans l’air du temps’.
Le message doit atteindre les gens et être perçu comme une aide. Je puise dans le christianisme, j’apporte des textes bibliques et je parle de valeurs telles que la foi, l’espérance et l’amour. Ce faisant, je montre comment ces valeurs peuvent marquer le travail: Est-ce que je parle un langage qui inspire la confiance dans l’entreprise ou est-ce que je suis pessimiste et blessant?

«Je suis favorable au sacerdoce féminin. Mais cela prend du temps».

Outre les valeurs et la spiritualité, ne faut-il pas aussi parler plus concrètement de l’institution de l’Église?
Depuis 33 ans, j’accompagne des hommes et des femmes qui travaillent dans l’Église. Il s’agit souvent de choses très concrètes. Il ne s’agit pas de refouler les problèmes. Mais plutôt de ne pas donner trop de pouvoir aux problèmes. J’ai mon opinion. Je suis par exemple favorable à l’exemption du célibat, car de nombreux prêtres abandonnent leur vocation pour une femme mais pourraient rester bons prêtres. Je suis également favorable au sacerdoce féminin. Mais cela demande aussi du temps.

Comment célébrez-vous votre 80e anniversaire?
Le jour même avec le couvent. Le 18 janvier, il y aura un symposium avec différents interlocuteurs, tous des gens avec lesquels j’ai écrit des livres. Le soir, il y aura une lecture en concertation.

«Les opinions radicales propagées au nom des religions montrent l’importance du dialogue.»

Parmi les personnes avec lesquelles vous avez écrit des livres, il y a l’islamologue Ahmad Milad Karimi. Quelle est l’importance du dialogue interreligieux pour vous?
Il devient de plus en plus important. J’ai écrit plusieurs livres avec Karimi. Nos discussions sont très enrichissantes. Un tel échange réduit les fronts. Les opinions radicales propagées au nom des religions – par exemple par les islamistes ou, en Amérique, au nom du christianisme – montrent l’importance du dialogue. Il ne s’agit pas d’amalgame, mais de respect mutuel de la tradition. Les musulmans ont parfois des difficultés avec la croix, mais lorsque j’ai expliqué à Karimi ce qu’elle représentait pour moi, il a été touché et a pu la respecter sans y croire.

Rétrospectivement, y a-t-il quelque chose que vous auriez fait différemment dans la vie?
Je suis reconnaissant pour toute la vie. Bien sûr, j’ai aussi fait des erreurs, mais on en tire des leçons. (cath.ch/kna/mp)

Maurice Page

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