Œcuménisme! Un nouveau souffle, S.V.P.

L’œcuménisme s’essouffle. Il est même en grave difficulté respiratoire. C’est ce que j’entends dire autour de moi. C’est aussi ce que je constate parfois. L’élan a faibli, l’intérêt a baissé, l’investissement est devenu marginal, les rassemblements sont maigres. Il faut le reconnaître: dans les communautés chrétiennes chez nous, la tête et le cœur sont ailleurs.

Tentons une explication.

L’œcuménisme est peut-être victime de son propre succès. Après le concile Vatican II, et portée par d’ardents pionniers et témoins, la passion pour l’unité de l’Église a provoqué de féconds rapprochements. Les hauts responsables des Églises se sont souvent rencontrés dans une cordiale fraternité. Les spécialistes en exégèse et en théologie ont dialogué avec des compétences partagées, jusqu’à produire des documents de remarquable convergence, voire des accords bénis. Et le peuple a largement suivi, que ce soit dans la prière en commun, dans des hospitalités liturgiques, dans des actions solidaires au cœur de la société. Un frémissement pentecostal a soulevé des optimismes inédits, jusqu’à des enthousiasmes bienfaisants. N’était-on pas à la veille de la grande réconciliation des Églises, pour parvenir enfin à l’unité de l’Église du Christ, telle qu’il la veut et comme il la veut?

Il y avait peut-être un piège caché dans une certaine euphorie œcuménique. Tant de progrès bienvenus ont pu faire croire que nous touchions au but, au point de pouvoir se reposer au bord du chemin en estimant que le statu quo actuel était bien suffisant. Pourquoi chercher plus loin, pourquoi relancer des dialogues compliqués, alors que la nouvelle coexistence pacifique -et même fraternelle- semble convenir à tous?

«Surgissent certains réflexes de survie qui incitent à se concentrer sur des identités très singulières»

Mais le Seigneur, qui a prié pour le rayonnement de l’unité de ses disciples sur le modèle trinitaire, ne veut-il pas davantage, à savoir l’unanimité dans la foi et la pleine participation aux sacrements dans une communion profonde, quoique plurielle? Il ne faut pas nous arrêter en notre marche, car l’Esprit Saint a encore de beaux souffles en réserve pour nous pousser ensemble vers plus de fidélité à son utopie œcuménique pour l’Église.

Je pressens encore d’autres obstacles sur cette route. Même si les statistiques ne disent pas tout, certaines constatations ne mentent pas. Du moins chez nous en Occident de plus en plus sécularisé, nos Églises traversent des temps très difficiles. Les dits «pratiquants» se font rares, les ministères sont en crise, les bénévoles pour l’évangélisation et le témoignage semblent de plus en plus fatigués. Dans cette conjoncture, surgissent certains réflexes de survie qui incitent à se concentrer sur des identités très singulières, sur des réaffirmations crispées, sur des traditions conçues comme des bouées de sauvetage. Certains mouvements néo-conservateurs distillent l’illusion que tel est le meilleur avenir pour l’Église ballotée au creux de la tempête.

Mais une espérance vraiment théologale ne devrait-elle pas nous encourager à dresser les voiles de la barque-Église pour avancer précisément vers des destinées plus œcuméniques? Puisque nos Églises partagent si souvent les mêmes épreuves en ces traversées périlleuses, ne devraient-elles pas se rassembler en plus intense fraternité? Ne peut-on pas imaginer une accélération du pèlerinage œcuménique au lieu de céder à la tentation de l’enlisement par confort ou par désespoir? Plus d’œcuménisme et non pas moins: ce me semble être là le juste chemin d’amour ecclésial vers la lumière de la vérité évangélique.

«Remobilisons-nous tous, dans l’élan de la grâce de Dieu»

J’ai besoin de le dire. Portés par la prière, stimulés par les désirs du peuple de Dieu et les espérances des autres peuples aussi: remobilisons-nous tous, dans l’élan de la grâce de Dieu. Ainsi le rappelle le pape François, pour faire de l’année sainte 2025  «…une invitation à toutes les Églises et communautés ecclésiales à poursuivre le chemin vers l’unité visible, à ne pas se lasser de chercher les formes adéquates pour répondre pleinement à la prière de Jésus ’Que tous soient un.. pour que le monde croie’.» (Indiction de l’année jubilaire no 17).

J’ose le souhaiter: au travail, avec les énergies de l’Esprit! Les responsables, pour d’heureuses rencontres prophétiques; les commissions de dialogue théologique, pour de nouveaux consensus doctrinaux, à l’instar du Groupe des Dombes; les pasteurs, pour de belles initiatives de fêtes et de célébrations interconfessionnelles; les fidèles de nos communautés, pour des prières ferventes et des actions de solidarité au service de la société. Etc…

Pour le jubilé de l’Espérance, le pape François a relancé les Missionnaires de la Miséricorde (Cf no 23). Pourquoi pas aussi celles et ceux de l’unité œcuménique ?

Claude Ducarroz

8 janvier 2025

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