D’après sa forme allongée et sa couverture de sucre-glace, le Stollen est censé rappeler le lange dans lequel l’enfant Jésus était emmailloté dans la crèche. Cette pâtisserie festive était déjà appréciée au Moyen Âge. Elle est attestée pour la première fois en 1329, mais sa recette a beaucoup évoluée depuis, rapporte le site katholisch.de.
A l’époque médiévale, en effet, l’Avent qui précède Noël, était, à l’instar du carême, une période de jeûne. Les règles alimentaires strictes du jeûne ecclésiastique ne permettaient pas d’utiliser du lait, des œufs, ou du beurre pour la préparation de la pâte. Les produits de boulangerie étaient donc pétris avec de la farine d’avoine, de l’eau et une huile végétale, généralement de l’huile de graines betterave ou d’olive. Les boulangers inventèrent des recettes raffinées qui contournaient ces interdictions de jeûne en ajoutant divers ingrédients.
Une autre solution fut de demander au pape ou à l’évêque une exception pour obtenir la permission de consommer du beurre en période de jeûne. C’est ainsi que se développa la pratique des ‘lettres de beurre’. Une telle lettre datant du milieu du XVe siècle est conservée aux archives de Schwytz. Elle émane de l’évêque Henri IV de Constance qui autorise, au nom du pape Calixte III, en 1456, les habitants des trois cantons de Lucerne, Schwytz et Zoug à utiliser du beurre comme graisse de cuisson, «au cas où il ne serait pas facile de se procurer de l’huile d’olive dans la région».
En effet, les pays du nord ne connaissant pas la culture de l’olivier, son huile était donc rare et chère. Par contre, à cette époque, l’élevage laitier commença à se développer, rendant le beurre plus facilement accessible.
Dans une autre ‘lettre de beurre’ datant de 1467, le cardinal Philipp Calandrini, responsable des grâces et des indulgences à la Cour de justice du Vatican, autorise les habitants de Rapperswil (SG) à consommer des produits laitiers pendant le carême.
Les archives municipales de Freiberg, en Saxe, conservent la plus célèbre ‘lettre de beurre’ qui jouera un rôle particulier dans l’histoire de la recette du Christstollen de Dresde. Le prince-électeur Ernst de Saxe et son frère, Albrecht avaient adressé une requête au pape. Innocent VIII leur délivra en 1491 l’autorisation de «consommer librement et sans état d’âme le beurre normalement interdit les jours de jeûne», dans l’évêché de Meissen. Ce qui permit d’intégrer le beurre dans la recette du Stollen.
L’indult était dans un premier temps limité à une durée de vingt ans. Et le pontife posait une condition à cette dérogation: quiconque souhaitait consommer ou utiliser du beurre devait s’acquitter d’une taxe annuelle d’un vingtième d’un florin d’or rhénan, ce qui correspondait à peu près à une journée de salaire à l’époque. L’argent devait être utilisé pour la reconstruction de la collégiale de Freiberg, détruite par un incendie. Certains historiens voient dans cette taxe un des prémisses du commerce des indulgences contre lequel s’élevèrent les Réformateurs quelques décennies plus tard.
Cette autorisation s’étendit à tous les pays dépendant des princes saxons. Pour recevoir les dons de ceux qui voulaient faire usage de la bulle, des «boîtes à beurre» devaient être placées dans les églises paroissiales de la ville et dans les campagnes. A l’époque, il était courant de prélever de cette manière des contributions financières pour l’Église. Il existait notamment des impôts sur le sel et sur le vin.
On trouvait de telles pratiques dans de nombreuses villes germaniques, jusqu’au moment où le pape Jules III a finalement assoupli, en 1552, les règles strictes de consommation les jours de jeûne pour tous les chrétiens. L’interdiction de manger de la viande pendant le carême fut maintenue, mais les plats à base de lait furent désormais autorisés et pouvaient être préparés avec tous les ingrédients nécessaires. Personne ne devait plus se priver de beurre, de fromage ou de lait. En 1569, le pape Pie V autorisa même la consommation de chocolat amer. La marche triomphale du Stollen qui perdure aujourd’hui pouvait commencer.
Au début du 17e siècle, chaque conseiller municipal de Dresde se voyait offrir à Noël deux Stollen de Siebenlehn. En 1615, les boulangers voisins de Meissen se défendirent contre la concurrence indésirable de Siebenlehn en allumant des torches incendiaires, ce qui entra dans l’histoire de la pâtisserie sous le nom de Stollenkrieg. La recette quasi définitive du Stollen se fixa vers le milieu du XVIIe siècle. Le Stollen s’invita à la cour du prince électeur de Saxe puis à la cour royale.
Le Stollen est un pain à la levure lourde, souvent farci de pâte d’amande, avec des fruits secs et confits. Il intégra aussi les nouvelles épices des Indes comme la muscade, la cannelle et la vanille. Le Christstollen et le Weihnachtsstollen sont habituellement consommés pendant la période de l’Avent et le jour de Noël en Allemagne et fabriqués quelques semaines plus tôt. (cath.ch/katholisch.de/mp)
Maurice Page
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