Un miracle, qu’est-ce ?

L’état actuel de nos connaissances est tel que, plus que jamais, la notion de miracle est devenue loufoque. Pourtant, dans la foi, nombreux sont celles et ceux qui ont vécu des instants qui pourraient s’apparenter à un miracle.

Avant de poursuivre, entendons-nous avant tout, sur ce que nous comprenons lorsque nous parlons de miracle. Longtemps cette notion a altéré la crédibilité de mes études de théologie face à mes ami.es en faculté de droit, lettres ou médecine. «Tu crois au miracle?», m’auscultaient-ils, presque inquiets que je réponde par l’affirmative. Je louvoyais en évoquant le caractère symbolique de certains miracles.

«Mais tu crois que la mer s’est ouverte en deux?», persévéraient-ils. Je détestais me retrouver acculée, incapable de soutenir une argumentation étayée. Tout cela parce qu’en réalité, je ne m’avouais pas, à l’époque, que les miracles me posaient autant de problèmes qu’à mes amis. Mon esprit tout logique soupçonnait le miracle d’être, comme l’écrivait le philosophe David Hume, «une violation des lois de la nature». Cette approche empiriste de Hume fonde nos croyances sur des expériences. Nos expériences façonnent notre compréhension de la nature et de ses lois. Or, la mer qui s’ouvre en deux et se referme sur commande est une expérience très rare à vivre.

De sorte que le doute plane sur la matérialité et l’exactitude d’un tel événement. Il n’a connu qu’une seule occurrence, autant dire qu’il n’a aucune force de loi. Avec cet empirisme de Hume s’amalgamait chez moi aussi l’idée que les miracles auraient pu être des coïncidences extraordinaires revisitées par une volonté de croire en Dieu.

Un reportage à la télé avait tenté d’expliquer scientifiquement l’ouverture de la mer en deux: phénomène météorologique et combinaison de facteurs climatiques plutôt crédibles et désarçonnant à mes yeux. De surcroît, ajouterait Hume, nous sommes enclins à croire en des choses merveilleuses sans véritable preuve. Besoin d’attribuer une signification divine aux événements; sentiment que tout est habité de Dieu; foi en sa présence poussent alors à interpréter et à vivre le monde et ses occurrences de manière particulière.

J’en restais là. Il y a ceux qui croient en Dieu et qui par conséquent appréhendent le monde autrement. «Mais, en définitive, tu y crois ou pas à ce miracle?», revenaient sans cesse à la charge mes amis. J’esquivais en invoquant la dimension du mystère et celle de la complexité de l’univers qui nous résiste. Oui, les témoignages de celles et ceux qui avaient vécu cette expérience étaient propre à eux. La Bible est un recueil de témoignages constitués d’expérience personnelle donc subjective. Qui peut censurer ou démentir ce qu’un autre a vécu? Si j’ai froid, j’ai froid et le fait que tu as chaud, voire qu’il fasse chaud, n’y changera rien.

«Il y a ceux qui croient en Dieu et qui par conséquent appréhendent le monde autrement.»

Bien plus tard, grâce à l’étude de différents auteurs, j’élargissais et j’affinais ma conception du monde, des choses, de la réalité et de l’être. Je remarquais qu’un miracle ne violait pas les lois de la nature. Au contraire, il s’appuyait sur elles. La mer est déjà là. Le vent aussi. La séparation de la mer est une chose potentiellement envisageable. Certes l’événement est étonnant, inhabituel et bouleversant. Cependant, il ne contredit en rien la structure rationnelle de la réalité. La structure rationnelle de la réalité, de notre réalité que nous expérimentons depuis la nuit des temps. A ce propos, dernièrement dans l’univers une planète qui remettait en cause les connaissances actuelles au sujet de leur formation a été découverte. Notre expérience du monde est imparfaite. Il y a de la place pour le mystère.

Notre réalité est subjective dépendante de nos sens humains, de notre entendement limité. Dieu, mystère de la vie, ou selon la terminologie de Tillich, mystère du fondement de l’être nous pousse à admettre que la réalité objective, illimitée et exacte de l’univers n’est pas à notre portée. Nous sommes limités dans notre vision des choses.

Et un miracle restera une expérience subjective, une interprétation personnelle, une compréhension individuelle d’un événement. Dans la foi, le mystère est serein. Lorsque l’opacité de nos journées sera accablante, je nous souhaite de vivre des miracles qui seront des trouées vers ce mystère, ce fondement de l’être, vers Dieu.

Nadine Manson

17 décembre 2024

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