Elles ne sont pas moins de quatre bénévoles pour recevoir le journaliste à la paroisse catholique de Payerne. Toutes font partie de la Conférence Saint-Vincent de Paul mise en place il y a un an dans l’unité pastorale valdo-fribourgeoise de Saint Barnabé. «Nous sommes encore en phase d’apprentissage», avouent Marie-Jeanne, Véronique, Danièle (1) et Danièle (2).
Marie-Jeanne est enseignante retraitée. «Je me suis beaucoup occupée de ma maman et de ma soeur aujourd’hui décédées et j’ai voulu continuer à rendre service. C’est ainsi que j’ai répondu à l’appel de la paroisse. Véronique vient aussi de l’enseignement. «Je suis maman et grand-maman et j’ai été sollicitée par ma soeur Catherine qui est agente pastorale ici à Payerne. Quand mes enfants étaient petits j’avais été catéchiste. Dans l’enseignement, nous faisons beaucoup de social mais pas tout à fait dans ce sens-là.»
Danièle (1) est arrivée à Payerne il y a trois ans. «J’ai connu la conférence St-Vincent de Paul par une amie de Fribourg et je garde de très bons contacts avec les Filles de la charité. Je m’occupe du secrétariat du groupe.» Danièle (2), ancienne infirmière, avait déjà d’autres engagements bénévoles. «En fait je suis réformée et j’ai même été présidente de la paroisse protestante, mais l’idée de travailler de manière œcuménique m’a plu.»
Avant leur engagement, les quatre femmes ne connaissaient pas le travail des Conférences St-Vincent de Paul fondées à Paris au milieu du XIXe siècle par Frédéric Ozanam pour venir en aide aux miséreux. Bien implantées dans le canton de Fribourg, les conférences ne l’étaient encore que peu dans le canton de Vaud. «Nous avons passé une journée à Fribourg chez les Filles de la charité qui nous ont introduites à l’esprit des conférences.»
Toutes les quatre se considèrent comme des ‘privilégiées’ et pour elles il a été tout naturel, une fois la retraite arrivée, de ‘rendre’ un peu de ce qu’elles avaient reçu. «La foi, ce sont les actes. Mon engagement découle de ma foi que j’ai retrouvée après avoir perdue ma confiance en l’Église pendant quelques années», raconte Danièle (1). Marie-Jeanne parle de la fraternité qui lie tous les humains. Véronique évoque «le lien avec la tradition. Mes enfants ont été baptisés et confirmés. Je ne suis pas forcément une pratiquante très régulière, mais maintenir ce lien est important. Cet engagement me permet aussi de garder des liens sociaux.» «C’est une manière de vivre ma foi en essayant d’apporter quelque chose aux autres, mais aussi en recevant beaucoup d’eux», complète Danièle (2).
L’aspect personnel et humain prime ainsi sur l’aide matérielle. «Nous essayons de comprendre et d’aider, par exemple à faire un budget ou à solliciter une aide officielle. Pour moi c’est une découverte, parfois difficile aussi. La misère matérielle est souvent sociale. Nous rencontrons beaucoup de solitude, relève Danièle (2).
«Nous faisons toujours nos visites chez les gens à deux. Ensuite, nous rapportons le cas lors de la réunion de la conférence et nous pouvons décider des mesures à prendre. Les aides sont le plus souvent ponctuelles. L’idée étant, le plus possible, de donner aux personnes les moyens de s’en sortir», renchérit Véronique. «Dans ce sens, aller à domicile et ne pas convoquer les gens dans un bureau est important.»
«Nous ne pouvons pas aider tout le monde, mais tout le monde peut aider quelqu’un»
Ronald Reagan
Les conférences St-Vincent de Paul ne font aucune distinction de religion, de nationalité ou de classe sociale. Elles veillent aussi à protéger l’anonymat et la vie privée des bénéficiaires. Leur clientèle est très variée: familles mono-parentales, personnes âgées isolées, jeunes à la dérive, victimes d’addictions. «Les gens dans la précarité se coupent de la vie sociale, à cause des difficultés ou par honte. Certains sont découragés et se laissent aller. Nous essayons de leur donner un coup de pouce», explique Danièle (2). Comme à cette maman et son fils de 15 ans qui vit de sa petite rente AI et dont le mari est parti à l’étranger. Elle avait, de plus, une grosse facture de dentiste. Dans l’attente du versement de sa rente, elle n’arrivait pas à boucler son mois. «Ces visites nous obligent aussi à réfléchir aux situations, à nous questionner, à ne pas porter de jugement. A admettre qu’il n’y a pas de solution miracle. «
«Les questions financières sont souvent complexes, avoue Marie-Jeanne. Heureusement nous avons dans l’équipe une assistante sociale qui nous donne les bons tuyaux et nous aide à obtenir les aides officielles, c’est souvent beaucoup de paperasse, de documents, de formulaires, de signatures…»
Les membres de la conférence répondent essentiellement aux appels téléphoniques des personnes dans le besoin. «Nous assurons une permanence grâce à un téléphone portable que nous nous passons entre nous. Nous essayons de répondre aux sollicitations dans la semaine. Cette réaction et cette souplesse sont importantes, car obtenir une aide officielle peut demander des semaines, voire des mois. Cela peut aller d’un bon d’achat au règlement d’une facture, voire à une contribution pour le payement d’une voiture pour une personne habitant un hameau isolé, ou encore à signaler la personne aux cartons du cœur.»
Les bénévoles ne cachent pas non plus quelques désillusions face à certains ‘professionnels’ de l’aide. Elles sont aussi conscientes de ne pas devoir attendre une forte reconnaissance. «D’un côté, c’est très bien, si ce que nous recherchons est que les personnes s’en sortent par elles-mêmes. Nous ne sommes pas un service social, dont nous n’avons ni les moyens ni les compétences. «
Pour financer ses engagements, la Conférence St-Vincent peut compter sur des contributions des paroisses et des communes, sur des quêtes ou des dons privés. Enfin, cette année la conférence bénéficiera du produit d’une vente de chocolat à la sortie des églises. «C’est l’occasion de glaner quelques sous mais aussi de nous faire connaître. Certains préfèrent le chocolat au lait, d’autres aux noisettes, mais la plupart de gens sont assez généreux.» Sur l’emballage du chocolat elles ont écrit une devise attribuée l’ancien président américain Ronald Reagan: «»Nous ne pouvons pas aider tout le monde, mais tout le monde peut aider quelqu’un». (cath.ch/mp)
Les conférences St-Vincent de Paul
Les Conférences de Saint-Vincent de Paul forment une association chrétienne caritative. Elle agissent sur le terrain et dans le monde entier. Le nom provient de saint Vincent de Paul, qui s’engageait déjà au 17e siècle en France en faveur des pauvres, des malades. En 1833, le laïc Frédéric Ozanam a fondé à Paris la première conférence. Depuis, le mouvement vincentien s’est étendu à plus de 140 pays et rassemble quelque 800’000 bénévoles.
En Suisse, la première conférence a été fondée en 1846 à Genève. Jusqu’en 1900, des conférences ont été créées dans plusieurs régions de Suisse.
Chaque association agit de manière indépendante. Elle décide elle-même de la manière dont l’aide est apportée et des projets qui sont réalisés. Les conférences sont regroupées par région. Des événements annuels servent à échanger des expériences et à renforcer l’action commune.
Les personnes de tout âge, sexe ou origine qui souhaitent participer aux activités caritatives et les soutenir sont les bienvenues. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/benevolat-rendre-un-peu-de-ce-nous-avons-recu/