La première question porte sur le choix de l’évêque pour cette fonction. «On m’a élu parce que – compte tenu notamment de l’âge de plusieurs membres de la Conférence – j’étais le seul éligible. C’est vrai», déclare Mgr Morerod. La Suisse comporte six diocèses et seul un des six évêques diocésains peut devenir président de la CES.
Dans le détail, Joseph Maria Bonnemain (Coire) a 76 ans, Jean-Marie Lovey (Sion) a 74 ans, la succession de Markus Büchel (St-Gall) est en cours, Alain de Raemy (Lugano) est administrateur apostolique, et Felix Gmür (Bâle) au terme du deuxième mandat de présidence, ne peut pas en briguer un troisième, selon les statut de la CES.
Certains reprochent à l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg une «communication partielle» à propos de la lettre de Rome, qui lui a été adressée en septembre 2024, au terme d’une enquête canonique qui concernait plusieurs évêques suisses. «Dans un premier temps, les évêques concernés ont décidé en commun de ne pas publier, car on risquerait de toujours devoir faire paraître ce qui arrive de Rome, reconnait Charles Morerod. Après discussion à la CES, je publie [maintenant] la lettre qui m’était adressée personnellement. On y voit à la fois des marques de confiance et deux reproches».
La copie de la lettre romaine a été jointe au communiqué du 6 décembre 2024 adressé aux médias. «Un examen approfondi de la documentation n’a pas révélé d’omissions substantielles de votre part dans le traitement des cas signalés, ni de dissimulation ou de malveillance dans vos actions», avait écrit dans la lettre en italien Mgr Robert Francis Prevost, préfet du Dicastère des évêques. «La confiance porte sur l’absence de dissimulation, et confirme d’ailleurs ce qu’avait publié le Procureur général du canton de Fribourg après dialogue avec ses collègues romands, commente Mgr Morerod. La lettre me remercie de ma proximité avec les victimes».
«Étant donné que vous avez fait preuve d’une vigilance croissante dans le traitement des cas d’abus et que vous vous êtes montré très proche des victimes et leur avez apporté votre soutien, je suis convaincu que vous continuerez à traiter cette question avec une attention vigilante et dans le respect de l’équité, y compris dans le respect des procédures», poursuit la lettre.
Car le premier reproche de Rome à Mgr Morerod est d’ordre procédural. «Je n’ai pas toujours ouvert une enquête canonique car, à la demande de victimes, j’ai privilégié d’autres voies, se défend le Fribourgeois. Environ 4 mois après être devenu évêque, j’ai rencontré des victimes qui m’ont dit ne plus faire confiance aux procédures internes à l’Église, et demandaient la création d’une commission indépendante. Je les ai en effet aidés à mettre sur pied la CECAR, et j’ai tenu compte de leurs remarques sur les procédures internes, en m’adressant à la justice de l’État. C’est aussi en lien avec les demandes des victimes que, depuis près de 10 ans, je dis que je communique les plaintes à la justice, même si la victime ne le veut pas, afin d’éviter d’autres victimes».
Le deuxième reproche de Rome: avoir manqué de discernement en engageant des collaborateurs. «L’absence de vérification préalable de l’aptitude de certains candidats aux charges ecclésiastiques sur la base de critères objectifs et prédéterminés, ainsi que l’absence d’écoute des collaborateurs prévus par le règlement canonique, ont été incorrectes et ne doivent certainement pas être répétées», prévient le courrier.
Cela touche actuellement le vicaire général Bernard Sonney, également concerné par la lettre de Rome. Dans le communiqué du 18 octobre, cath.ch apprenait que Mgr Sonney «a décidé de faire recours auprès du Vatican, ignorant les actes sur lesquels porte la réprimande».
Mais Charles Morerod rectifie la situation à cath.ch: «Il n’existe à ce jour aucune procédure en cours du Vatican contre lui. J’ai eu l’occasion, depuis ma dernière communication à ce sujet, de parler de lui au signataire de la lettre, le cardinal Prevost. Mgr Sonney demande comment se défendre d’une accusation qu’il ne connait pas précisément, et comment on lèverait une prescription pour une parole adressée à un homme majeur. Suivant les indications du cardinal Prevost, j’ai appris qu’on ne reprochait pas un délit à Mgr Sonney, et que le laisser en fonction dépendait du choix de l’évêque».
Mgr Sonney continue son ministère de prêtre tout en restant vicaire général. «Nous verrons ensemble quelle forme donner à cette reprise. Nous sommes en chemin», précise Charles Morerod. (cath.ch/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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