La Saint-Nicolas, ancrée dans l’âme de Fribourg

La Saint-Nicolas, célébrée le premier samedi de décembre, fait partie de l’ADN de Fribourg. Coup d’œil sur les coulisses et les origines d’une manifestation portée à bout de bras par une foule d’acteurs anonymes.

Sept mille biscômes, plus de 400 travailleurs, 30’000 visiteurs… L’organisation de la St-Nicolas jongle avec les grands chiffres. C’est tout cela que doit gérer Hicham Frossard, administrateur du Collège St-Michel. De par sa fonction, il est traditionnellement chargé de mener à bien la manifestation. Il s’agit pour lui de la première édition, et il avoue à cath.ch découvrir «l’ampleur de la tâche».

L’établissement scolaire fribourgeois est depuis toujours au cœur du grand événement annuel. Hicham Frossard préside un comité d’organisation qui rassemble les principaux partenaires que sont la Ville de Fribourg, l’Office du tourisme local, ainsi que les associations musicales, qui jouent toujours un grand rôle dans la manifestation, agrémentée de plusieurs concerts.

Engouement à St-Michel

Mais qui a l’honneur de revêtir le costume du «vrai» saint Nicolas? Il s’agit obligatoirement d’un élève du Collège St-Michel, désigné par un comité interne d’étudiants. Le groupe élit aussi les interprètes des deux «patronnes», accompagnatrices de l’évêque, que sont sainte Barbe et sainte Catherine. Le choix des trois personnages se fait démocratiquement au sein du comité, sur la base des dossiers de candidatures transmis par les élèves intéressés.

«Nicolas est chez lui, dans cette ville, depuis que la ville existe» – Alex E. Pfingstag et Jean Steinauer

Le cortège, qui part du Collège pour se rendre à la cathédrale, où le patron de Fribourg tient son discours, est aussi essentiellement composé d’étudiants. Un événement qui suscite toujours un fort engouement au sein du Collège. «Les élèves viennent s’inscrire spontanément dès la rentrée scolaire, assure Hicham Frossard. Il n’y a pas de difficulté à trouver des participants.»

Saint Nicolas, protecteur des enfants

Les étudiants de St-Michel participent aussi en réalisant la fameuse carte de la Saint-Nicolas. Le comité est chargé de retenir l’œuvre la plus convaincante parmi toutes celles produites dans le cadre du cours d’arts visuels. Elle est ensuite imprimée à 3000 exemplaires. Les bénéfices de la vente vont en faveur des associations pour la petite enfance que soutient traditionnellement la manifestation. Car l’évêque de Myre, qui aurait ressuscité trois enfants trucidés par un boucher, est étroitement associé à la protection et au bien-être des enfants.

Le cortège de la Saint-Nicolas, Fribourg, 06.12.15 (Photo: Pierre Pistoletti)

En parallèle, plus de 1800 grands biscômes spécialement confectionnés pour l’occasion seront distribués à des enfants ou vendus au bénéfice des associations. 7000 autres de ces pains d’épices, plus petits et plus maniables, seront, comme d’habitude, jetés dans la foule depuis le cortège.

La sécurisation des 30’000 personnes attendues est aussi un grand défi, relève Hicham Frossard. La coordination avec la police locale et cantonale représente une part importante de son travail. L’administrateur doit aussi gérer les plus de 150 bénévoles à l’œuvre pour le cortège. En tout, près de 400 personnes travaillent autour de la manifestation.

Nicolas, chez lui à Fribourg

Un engagement de taille mais indispensable pour faire perdurer une tradition sans laquelle Fribourg ne serait plus Fribourg. Un point d’orgue dans la vie de la cité qui trouve des racines profondes dans son histoire. Car «Nicolas est chez lui, dans cette ville, depuis que la ville existe», notent les auteurs Alex E. Pfingstag et Jean Steinauer dans l’ouvrage Saint Nicolas à la carte (1991). Le fondateur Berthold IV lui-même paraît en effet avoir installé le culte du saint à Fribourg, avec la dédicace du premier sanctuaire, en 1182. La famille de Zaerhingen a montré dans plusieurs villes – à commencer par l’autre Fribourg (en Brisgau) – sa prédilection pour l’évêque de Myre.

«En 1906, un groupe d’étudiants du Collège Saint-Michel ressentit l’envie de faire revivre l’antique tradition»

Le saint était à vrai dire particulièrement populaire en Occident à partir du 10e siècle, grâce à l’influence de marchands et de pèlerins venant (ou revenant) d’Orient. En France, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, ainsi que dans l’Est de l’Europe, une myriade de traditions locales se sont développées en lien à saint Nicolas de Myre dont la fête été fixée dès le 9ᵉ siècle au 6 décembre, date correspondant au jour traditionnel de sa mort.

Tradition disparue

Des manifestations qui ont pris un aspect théâtral dès le Haut Moyen-Âge. A une époque où la population dans son ensemble était illettrée, il fallait trouver d’autres moyens que le texte pour instruire les fidèles et graver dans les esprits des attitudes conduisant à la prière. Les cortèges de saints, en préparation de la célébration liturgique, sont ainsi devenus populaires dans de nombreuses villes d’Europe.

A Fribourg, cela a été le cas du cortège des jeunes filles, à la Sainte-Catherine (25 novembre), ou de la Marche à l’Étoile, ainsi que de la Saint-Nicolas. Cette dernière tire ses origines d’une grande foire bien plus ancienne, la «Foire aux étrennes», qui avait lieu au début de l’hiver. Mais la cohabitation d’une foire et d’un cortège religieux ne fut pas facile, note le site res.friportail.ch, les excès de l’une faisant du tort à l’autre. C’est ainsi que par un édit du Petit Conseil de Fribourg, du 3 décembre 1764, le cortège fut supprimé.

Farce d’étudiant

Mais, à l’approche de l’hiver 1906, un groupe d’étudiants du Collège Saint-Michel ressentit l’envie de faire revivre l’antique tradition. Ils se préparèrent donc dans le plus grand secret, pensant organiser une farce et redoutant que la Direction du Collège ne la trouve pas à son goût. Contrairement à leur crainte, un immense succès couronna leur initiative.

Depuis lors, la fête s’est régulièrement déroulée, hormis quelques exceptions durant les premières années et durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que pendant la pandémie de Covid. La manifestation a pris peu à peu un caractère officiel et solennel, aussi bien pour les étudiants du Collège Saint-Michel et pour toute la population fribourgeoise. Si bien que plusieurs dizaines de milliers de personnes supportent facilement chaque année d’attendre des heures avec les pieds gelés, afin de ne voir parfois qu’une lointaine silhouette au balcon de la cathédrale. (cath.ch/arch/rz)

Saintes Barbe et Catherine donneront de la voix dans la cathédrale
Les deux saintes patronnes de la ville de Fribourg que sont sainte Barbe et sainte Catherine auront également droit, le vendredi 6 décembre au soir, à leur cortège aux flambeaux, rapporte La Liberté le 4 décembre. Elles partiront de Saint-Michel à 19 h 15 et rejoindront le Bourg par les escaliers du Collège. Les deux martyres investiront ensuite la cathédrale pour un spectacle d’environ une heure, avec le chœur et la fanfare du Collège. Ces figures féminines sont inclues dans le cortège de la Saint-Nicolas depuis 2019.
Agathe van den Wildenberg (Barbe) et Angèle Dumont (Catherine), deux étudiantes du Collège, se préparent depuis plusieurs semaines à donner voix aux deux saintes. Elles liront un dialogue poétique écrit par Joëlle Richard ainsi que des textes et poèmes de leur choix. Elles rappelleront que ces héroïnes de la foi ont aussi été des «femmes invisibilisées» par la violence masculine de leur époque. PC

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/la-saint-nicolas-ancree-dans-lame-de-fribourg/