Un peu plus de cinquante après sa mort, la figure de Mgr Jacques Haas est remise en lumière dans un livre. Fondateur de trois paroisses à Lausanne, ce prêtre à l’activité débordante reste surtout une figure marquante du monde des médias.
André Kolly, ancien directeur du Centre catholique de radio et télévision (CCRT) vient de consacrer une biographie à son prédécesseur. Au-delà de la personnalité de Jacques Haas, il donne aussi à voir l’histoire du catholicisme au milieu du XXe siècle.
Quelle a été la genèse de cet ouvrage consacrée à Jacques Haas?
André Kolly: J’avais commencé à travailler sur les archives de Jacques Haas il y a quatre ans. Mais je n’ai alors pas senti d’intérêt de la part des responsables ecclésiastiques aux plans cantonal et diocésain. J’ai a été pris de doutes sur l’utilité et l’intérêt de cette démarche. Mais l’an dernier, à l’occasion du 50e anniversaire du décès de Jacques Haas, j’ai été sollicité pour ‘prêcher’ dans quatre paroisses. J’ai alors remis la chose en route.
Comment avez-vous travaillé?
Après la mort prématurée de Jacques Haas en 1973, ses dossiers ont été mis dans des cartons qui ont toujours été déplacés de déménagement en déménagement sans jamais être ouverts. Comme il était assez méthodique, ses archives étaient bien classées selon les différents thèmes allant de la construction d’églises, aux mariages et aux baptêmes, en passant par la radio et le CCRT. J’ai découvert une personnalité très riche s’intéressant à une foule de sujets.
Une autre source importante a été les bulletins de paroisse à travers lesquelles on voit bien la vie des communautés. Sans compter bien sûr les archives du CCRT et de la RTS.
La richesse de la personnalité et le rayonnement de Jacques Haas, qui fréquente souvent les grands de ce monde, peuvent faire penser qu’il est issu d’une famille vaudoise bien établie depuis toujours.
Pas du tout, il est le fils d’un immigré du Luxembourg qui est pâtissier confiseur. Il a donc une forte sensibilité populaire, même s’il est à l’aise dans tous les milieux. C’est aussi une force de travail exceptionnel.
Au départ rien ne semblait destiner le jeune prêtre qui arrive à Lausanne à faire carrière en radio.
En effet, Jacques Haas a d’abord suivi un cursus tout à fait classique. Mais dès l’époque de son collège, il a cette curiosité journalistique. Il collectionne les coupures de presse sur le pape ou sur les écrivains, il invite ses camarades à venir écouter la radio dans le salon familial. En 1936, lorsqu’il fait ses premiers pas en radio, il est déjà bien connu à Lausanne. Normalement, les ›causeries catholiques’ sur Radio Lausanne sont tenues par l’évêque, mais bien vite Mgr Marius Besson délègue cette tâche à quelques-uns des ses prêtres. Le fait que Jacques Haas soit sur place a aussi certainement facilité la chose.
En cette première moitié du XXe siècle, l’arrivée de la messe à la radio romande fut aussi une étape décisive.
Oui. Dès le début de la radio en 1922 les protestants ont le culte. Mais à Rome on refuse de transmettre des messes à la radio pour éviter que les fidèles n’aillent pas à l’église. Les premières messe diffusées à la radio, notamment à Noël 1926 à Genève, se font par ›effraction’. Le programme indique une émission musicale avec toute la liste des chants, mais sans dire qu’il s’agit de la messe.
Dans les années 1930, le curés du district d’Echallens se plaignent de ne pas avoir de messe radio. En 1931, le pape Pie XI installe Radio-Vatican et le barrage finit par céder. Radio-Paris sur les ondes longues donne la messe régulièrement jusqu’en 1936 au moment où, séparation Église-État oblige, cette retransmission n’est plus tolérée. La messe s’exile alors au Luxembourg sur RTL jusqu’à l’arrivée de la guerre en 1939. Le Luxembourg est occupé par les Allemands, la station de radio détruite. Pour ne pas laisser les Romands frustrés, Mgr Besson négocie avec la radio et l’Abbaye de St-Maurice pour diffuser la messe du dimanche. Jacques Haas qui a un lien étroit avec St-Maurice en sera un des animateurs.
L’implication de Jacques Haas dans l’aventure de la télévision est beaucoup plus directe.
Dès 1951, la technique de la télévision existe, mais il n’y a ni autorisation légale ni structure. En 1951, avec le pasteur Ferrari, Jacques Haas organise une première expérience de TV à la paroisse St-Joseph à Lausanne. Il sera donc parfaitement dans le coup lorsque la Télévision Suisse Romande naît en 1954. Le premier culte télévisé a lieu Genève en 1954. La première messe à Romont en 1955.
Il est intéressant de noter que Jacques Haas ne s’occupe pas seulement des messes et de émissions religieuses, mais qu’il est très réguliérement sollicité pour des commentaires et des reportages sur des sujets ecclésiaux mais aussi politiques.
Dans les années 1950, la carrière de Jacques Haas prend une dimension internationale.
Unda l’organisation internartionale de radio catholique, installée à Fribourg connaît une grave crise et est menacée de disparition. Jacques Haas est appelé à la rescousse et se démène pour sauver et restructurer l’organisation dont il devient le président mondial en 1962. Il effectue dans ce cadre de très nombreux voyages, entres autres en Amérique du Sud ou en Afrique.
L’oeuvre majeure de Jacques Haas reste la création du Centre catholique de radio et télévision CCRT.
En 1958, il lance un appel en vue de la création d’un Centre catholique de radio et télévision avec pour mission d’alimenter la réflexion sur les médias et de produire des émissions. Ce sera chose faite en 1960. Le CCRT s’installe d’abord dans la cure de Boisy, puis dans la maison voisine acquise grâce à divers soutiens. Jacques Haas s’entoure d’une équipe de collaborateurs et de bénévoles qui assurent son fonctionnement.
Cette période est aussi celle du Concile Vatican II.
En tant que président d’Unda Jacques Haas jouera un rôle significatif dans la réflexion sur le rôle des médias. Il participe à chacune des sessions du concile. Unda, OCIC (cinéma) et UCIP (presse) apporteront leurs compétences pour la création du Conseil pontifical pour les communications sociales et pour la rédaction de l’instruction pastorale Communio et progressio de 1971.
La mort inattendue de Jacques Haas, au retour d’un voyage en Afrique en 1973, crée un choc.
Oui, car il n’a pas encore 65 ans. Les hommages pleuvent de tout les milieux. Dans le livre, j’ai retenu entre autres celui du président du CCRT, Bruno de Kalbermatten: «Il y a ceux qui ne finissent pas de mourir leur vie durant. Et il y a ceux qui n’en finissent pas de vivre, même après leur mort.» (cath.ch/mp)
André Kolly: Mgr Jacques Haas (1908-1973) la passion de communiquer, St-Maurice 2024, 199 p. Editions St-Augustin
Dissolution du CCRT-Solidaire
66 ans après sa fondation en 1958, par Mgr Jacques Haas à Lausanne, le Centre catholique de radio et de télévision (CCRT) a acté sa dissolution le 22 novembre 2024. Depuis la création en 2015 du Centre catholique des médias Cath-Info, le CCRT-Solidaire n’avait conservé pour tâche que la gestion des biens et immeubles.
Le CCRT solidaire a tenu sa dernière assemblée à la paroisse St-Joseph fondée par Jacques Haas en 1935. La mission du CCRT-Solidaire qui consistait à soutenir financièrement Cath-Info est confiée désormais à la Fondation Jacques Haas qui devient officiellement propriétaire des immeubles du chemin des Abeilles. Afin de conserver la trace historique des activités du CCRT, son site internet a été transféré sur celui de la fondation.
L’assemblée a été suivie d’une célébration d’actions de grâce à l’église St-Joseph, où collaborateurs anciens et actuels et amis du CCRT ont exprimé leur reconnaissance pour les plus de 60 ans d’activité. Plus qu’une simple institution, le CCRT a développé un esprit de famille basé sur la confiance et la liberté héritées de la personnalité de son fondateur. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/jacques-haas-la-passion-de-communiquer/