Homélie du 17 novembre 2024 ( Mc 13, 24-32)

Père Luc Ruedin – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Chers amis, chers sœurs et frères,
Nos trois récits évoquent en langage imagé la fin de notre monde et la venue du Fils de l’homme venant dans les nuées.
Certains croient naïvement à l’imminence de cet événement et se nourrissent du scénario catastrophe qui fait la une des journaux. D’autres spéculent sur sa date à partir de l’Ecriture ou de données pseudo-scientifiques. Pour la plupart enfin, ce n’est qu’une fable : le monde tourne tant bien que mal et il continuera de tourner…


De fait, il y a méprise : si « derniers temps » il y a, nous sommes en plein dedans ! Dans un langage imagé, nos textes dévoilent la face cachée de notre réalité quotidienne. « Ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées ». Ces jours-là, n’est-ce pas, chers amis, hélas trop souvent, notre pain quotidien ? Quand un événement imprévu et difficile nous plonge dans la détresse ? Quand un échec nous meurtrit ? Quand le mal nous atteint ? Ne sommes-nous pas alors déboussolés ? Le socle de notre existence ne semble-t-il pas s’être retiré ? Notre horizon tout entier ne s’est-il pas effacé d’un coup ? Notre terre ne s’est-elle pas désenchaînée de son soleil ? Où allons-nous maintenant ? Vers quel chaos sommes-nous entraînés ?

Le langage apocalyptique parle de notre présent


La preuve que Jésus ne parle pas de l’avenir ? L’Evangile de saint Marc nous dit que « cette génération ne passera pas avant que tout cela arrive ». À la vue du jour qui s’est levé ce matin sur Lausanne, force est de constater que, voici 2000 ans, Jésus s’est trompé ! Le langage apocalyptique ne parle pas de l’avenir, mais du présent, de notre présent. Il nous en révèle la face cachée. Sur le théâtre du monde, il dévoile les facettes dissimulées – jalousies, envies, lutte de pouvoir, trahisons, et j’en passe… – de la pièce que nous sommes en train de jouer. En fait, il nous révèle ce qui se passe de manière invisible sur le théâtre visible de notre monde. Sous la surface des événements – guerres, conflits, drames personnels – c’est la lutte entre la Lumière et les ténèbres qui se joue. Et nous en sommes les acteurs parfois ténébreux… parfois lumineux…

Avouons qu’en ce mois de novembre où la nuit gagne sur le jour, l’impression est que la face sombre semble gagner sur la face claire, que le mal semble gagner sur le bien. Le mal n’est souvent réellement perçu que lorsqu’il nous affecte concrètement. Que lorsqu’il s’installe au cœur même de notre vie alors douloureusement éprouvée : injustices, séparations, rumeurs, calomnies… Sinon il n’est qu’une abstraction ! Il suffit de penser à notre manière de réagir à des événements tels que ceux de Gaza, de l’Ukraine, aux cataclysmes ou tout simplement à ce qui arrive à nos voisins, à nos amis… Tant que nous ne sommes pas personnellement affectés, il provoque tout au plus abattement ou indignation. Dans le meilleur des cas, il éveille une compassion qui peut mener à l’action. La plupart du temps pourtant, nous poursuivons simplement notre petit train de vie. Personne ne peut nous aider. Personne ? Sauf mystérieusement, au fond de notre cœur, le Christ qui par son Esprit vient consoler le réprouvé. Du moins est-ce notre foi ! En effet, nul, à part Lui, ne peut vivre la souffrance à la place de l’éprouvé ! Seule la victime en connaît et en mesure le poids et l’aspect destructeur.

Le silence de la prière : un espace «préservé»


Mais me direz-vous quels rapports avec nos lectures ? J’en vois trois : La force de la vraie prière, l’Espérance et la relation à Jésus-Christ.
1) La prière tout d’abord. En paraphrasant Fabrice Midal nous pouvons dire que :
« C’est dans ce silence de la prière que peut s’ouvrir un espace « préservé ». En effet, qui ne s’est jamais trouvé un moment démuni au moment de prier ? A mes yeux, c’est là que peut naître une prière authentique. Comment prier ? Que dire ? Que demander ? Ne pas pouvoir répondre est signe d’une grande richesse au sens que ce « vide » peut ouvrir de nouveaux horizons. En effet, ce vide est une ouverture au Tout-Autre qui peut alors réaliser par son Esprit ce qui semble impossible à mes yeux. Ne plus chercher ainsi à être soi-même la mesure de tout, voilà ce que nous apprend la prière. Qu’un tel mouvement d’accueil soit possible, voilà la plus grande espérance pour notre temps ».

La prière ouvre à l’Espérance, force venue de Dieu


2) Oui par cette ouverture, par ce mouvement d’accueil, la prière ouvre à l’Espérance. La petite sœur Espérance est une force venue de Dieu lui-même. Car trop facile, pour nous les humains, est la pente du… désespoir nous rappelle Péguy. L’Espérance elle, est difficile écrit-il. Ne faut-il pas alors se rendre attentif, en ce vide créé par la prière, aux petites pousses fragiles, vulnérables du figuier, arbre symbolisant notre vie ? « dès que ses branches deviennent tendres et que sortent ses feuilles vous avez que l’été est proche ». Quelles sont les branches de ma vie qui, grâce à mes racines saines enfouies dans la terre, promettent un renouvellement, une nouvelle saison pour moi ? Quelles sont aussi les branches qui ont été blessées et qui, avec le temps nécessaire à tout pardon véritable, pourront refleurir ? Quelle fécondité la situation difficile que je suis en train de vivre recèle-t-elle donc ? À quel nouvel horizon m’ouvre-elle ? Il faut du temps pour qu’apparaisse la Lumière. Il faut parfois traverser nos ombres, pour découvrir la luminosité de cette splendeur nouvelle, luminosité densifiée par la traversée de la nuit obscure.

Jésus-Christ nous rejoint dans nos obscurités



3) L’ouverture à tous les possibles que la prière permet et que l’Espérance soigne est finalement une ouverture à Jésus-Christ qui nous rejoint dans nos obscurités. Autrement dit, tout ce que nous traversons ne lui est pas étranger. Il connaît de l’intérieur nos épreuves. Se relier à lui par Son Esprit c’est alors être guéri et justifié. C’est du même coup mener une vie ajustée ; plus une vie éprise de justice… et de miséricorde ! Comme le proclame notre 2ème lecture du jour, Jésus-Christ a une fois pour toute « offert pour les péchés un unique sacrifice et s’est assis pour toujours à la droite de Dieu » Ainsi, « quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché ». Pour qui connaît le goût de liberté que le pardon procure, une telle phrase prend alors tout son sens.

Resplendissons chers frères et sœurs. Ou plutôt demandons de pouvoir recevoir la grâce de resplendir de cette Lumière. Comment ? En priant Celui qui seul peut nous donner l’Espérance véritable et la Paix profonde. Amen


33ème dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3 ; Psaume 15 ; Hébreux 10, 11-14.18 ; Marc 13, 24-3

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