Depuis le balcon de la cure, au 3e étage d’un immeuble situé à quelques pas de la gare, la vue donne sur un quartier de bureaux, d’habitations, de commerces qui viennent de sortir de terre. Un peu plus loin se distingue le quartier sous-gare, englobant le campus universitaire Energypolis, la HES-SO Valais et l’EPFL. Le curé et son équipe y voient un potentiel pastoral dans cet autre quartier, également en pleine mutation.
«Le ’Sacré-Cœur campus’ est une manière d’associer autour de l’église les anciennes et les jeunes générations, les étudiants et les jeunes professionnels», détaille l’abbé Luisier. Sur la table, en retrait d’une tasse de café et d’un verre d’eau, se trouve le premier rapport d’activité qui résume la démarche globale inspirée par le pape François: amener l’Evangile aux périphéries là où se trouvent les gens: en l’occurrence les familles, les paroissiens, les étudiants et les jeunes adultes. «Il y a 50’000 personnes à Sion le jour et plus de 30’000 la nuit. Et plus personne ne passerait à l’église?»
Une fréquentation intergénérationnelle? «L’intergénérationnel a été mis à toutes les sauces, mais, avec la déchristianisation et le covid, nous avons perdu la génération du milieu, les enfants et les jeunes parents. Beaucoup ne sont plus revenus à la messe ou bien la prennent comme un service: il y viennent et repartent, réduisant la communauté à peu», constate le curé.
«Il y a 50’000 personnes à Sion le jour et plus de 30’000 la nuit. Et plus personne ne passerait à l’église?»
Il a observé que les JMJ sont trop souvent la dernière étape d’un engagement en Eglise avant que la vie active et familiale ne prenne le dessus. «Or on remarque que cette génération a soif de spiritualité. Nous avons des paroisses bien administrées, bien délimitées, certes, mais, le message premier: ’Dieu t’aime, il croit en toi’ est-il suffisamment entendu?» Quelles solutions permettraient, non pas seulement de ramener du monde à l’église, mais d’aller là où sont ces fidèles?
Une première réponse se trouve dans la programmation de la messe du dimanche à 18h à l’église du Sacré-Cœur. «La célébration est ouverte à tous, mais l’horaire répond à une demande des étudiants et des jeunes adultes qui repartent vers Genève, Fribourg ou Lausanne pour la semaine», précise l’abbé Luisier. «Ils ont le temps de venir à la messe, avant d’aller prendre leur train. Ça tombe sous le sens.»
«Plus que le nombre, il importe que ces personnes se parlent, échangent et fassent communauté»
L’équipe qui s’est présentée a misé sur le soin apporté à l’accueil des fidèles et un groupe de bénévoles s’est rapidement fédéré pour l’accueil, l’animation et le service de l’apéro. Après quelques semaines, l’assemblée où se côtoient des familles des jeunes et des étudiants a grandi. «Plus que le nombre, il importe que ces personnes se parlent, échangent et fassent communauté», souligne l’abbé Luisier.
D’autres initiatives vont succéder à cette messe: «L’Eglise doit évoluer en même temps que la ville!» Le curé et son équipe ont imaginé des tiers-lieux pour ouvrir des «portes d’entrée» à la foi. «Je pense que c’est une bonne alternative à l’église centralisée», souligne le curé. Il pense à une présence dans le quartier sous-gare, près du pôle universitaire. «Cela pourrait être une buvette, un pavillon ou un local prêté par une entreprise pour favoriser la rencontre, la prière.»
Autre «tiers-lieu», la chapelle de Champsec-Vissigen, plus à l’est, pourrait également intéresser l’aumônerie du lycée-collège Ella Maillard et les travailleurs sociaux du futur Centre de loisirs RLC (Rencontres, Loisirs et Cultures). Avec ses locaux, le Sacré-Cœur offre aussi des possibilités pour des activités humaines et spirituelles. De plus, un écoquartier doit bientôt voir le jour avec une zone végétalisée qui raccordera le secteur d’Enrgypolis et la vieille ville, amenant un flux d’étudiants à proximité de l’église.
En attendant, la paroisse se réjouit de la future collaboration avec Audeo, l’aumônerie des écoles du tertiaire. Une convention entre l’Etat du Valais et l’Eglise est en cours d’élaboration, afin de proposer une aumônerie œcuménique aux étudiants. «Nous avons aussi pris contact avec la responsable du catéchuménat (16-30 ans) pour accueillir les demandes de plus en plus nombreuses de baptêmes.»
La mise en place progressive de cette pastorale trouve sa genèse dans une matinée synodale organisée en janvier 2024. Les paroissiens ont été invités à «rêver» leur paroisse, en lançant des idées et en s’investissant dans les projets qui en ont émergé. Une réflexion qui a débouché, outre des projets concrets, sur une organisation de la paroisse en pôles avec la mise en place du COPAMI (Comité de pastoral missionnaire).
«Ainsi le curé n’est plus au sommet de la pyramide, mais il coordonne ces différents pôles», indique l’abbé qui cite les pôles «Laudato si’», «Communication», «Spiritualité» ou encore de la formation – comprenant les sessions Altius. L’ancien Conseil de Communauté est devenu un pôle «Temps forts», avec la mission d’organiser les fêtes de Noël ou de Pâques.
Le «Sacré-Cœur campus» ne vient pas de nulle part. Le curé évoque, comme autre source d’inspiration, la visite de l’Espace Maurice Zundel à Lausanne, cette église dans la ville, tout près de la gare. «Le concept m’a beaucoup plu. Tout comme celui de la chapelle «Oremus», située à Zurich, où l’on trouve un lieu d’adoration permanente au cœur du quartier de Niederdorf.»
L’abbé a aussi participé avec un groupe de jeunes aux Congrès Mission, un grand rassemblement annuel de chrétiens, en France, autour de la question de l’apport de l’Evangile dans la société actuelle. Des ateliers, des tables rondes et des rencontres permettent à des paroissiens de venir travailler sur cette thématique. Jean-François Luisier s’est aussi formé lors de sessions ‘Talenthéo’, pour «permettre l’impact de l’Evangile chez nos contemporains».
Il reconnaît que la France a une bonne longueur d’avance dans ce domaine. Il espère opérer une conversion de la paroisse en repensant sa structure, son organisation de sorte que les laïcs y aient leur place et un rôle à jouer. (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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