Évangile de dimanche: Les dames d’abord

Faut-il louer le geste de la veuve aux deux piécettes ou bien le réprouver? Habituellement, on le loue et on interprète l’intervention solennelle de Jésus à son sujet dans ce sens. À y bien regarder, le propos est toutefois plutôt neutre. C’est un constat: elle a mis plus que les autres et elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.

Cela peut forcer l’admiration, mais aussi susciter l’effroi. Surtout au regard des versets qui précèdent: les scribes hypocrites, vaniteux, cupides et abuseurs dévorent les biens des veuves. Qu’ont-ils fourré dans la tête de cette pauvre femme pour qu’en plus d’être privée des biens que la Loi prévoit pour elle, elle en vienne à se déposséder du peu qu’elle a? Manque de prudence, crédulité, piété mal éclairée, sujétion à une autorité religieuse dévoyée? Cette lecture est possible et de telles situations existent, on le sait.

«Comme la veuve, Jésus est aussi l’objet de la maltraitance des autorités religieuses»

Autre question. Si l’on considère que Jésus loue bel et bien le geste de la veuve, la présente-t-il pour autant comme un modèle à imiter? Non. Il n’est pas dit qu’il la regarda et qu’il l’aima ou qu’elle serait proche du Royaume de Dieu par le don qu’elle a fait. Jésus ne la rencontre même pas, ne l’invite pas à le suivre, elle qui s’est dépossédée de tout.

Alors pourquoi la désigner solennellement aux disciples? Parce que son geste est une annonce et une figure. Jésus a déjà annoncé trois fois la perspective de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Il l’a présentée comme l’aboutissement d’une maltraitance de la part des autorités religieuses. Comme la veuve, qui est aussi l’objet de leur maltraitance. Ce que Jésus dit maintenant par cette femme c’est que cette mort certaine – pour elle comme pour lui – n’est pas subie mais choisie. Elle est un don total de soi.

«L’obole de la veuve est figure du don du Christ: elle n’a rien retenu, comme Jésus sur la Croix»

L’obole de la veuve est figure du don du Christ. Elle a tout donné ce qu’elle avait pour vivre. Elle n’a rien retenu, comme Jésus sur la Croix. Un chapitre plus loin, à Béthanie, une autre femme accomplira aussi un geste symbolique relatif à la mort de Jésus. Elle oindra les pieds du Maître et Jésus dira qu’elle le fait en vue de son ensevelissement. Ces deux femmes vivent déjà le mystère pascal du Christ par anticipation sur l’évènement historique. Une autre femme, l’avait déjà fait: Marie qui, en suscitant le miracle à Cana, anticipe les noces de Jésus avec l’humanité.

Les disciples discutent de qui sera le premier. Les scribes s’exposent et s’imposent. Mais les femmes, elles, jouent incognito et par avance dans leur propre existence – et non en discours – le mystère du Christ. Et de ce fait, elles en témoignent comme aussi Marie-Madeleine et les autres femmes au matin de la Résurrection.

«Quand la nature féminine – souvent intuitive – se laisse épouser par la grâce…»

Est-ce une prérogative féminine? C’est peut-être plutôt l’œuvre de la grâce quand la nature féminine – souvent intuitive – , se laisse épouser par elle. Et une mission qui implique une intimité avec le Seigneur au point de n’être plus qu’un avec sa Personne et son Mystère. Une grâce qui est une mission. Pourquoi ne pas la demander? Je le dis – pas seulement mais – aux dames d’abord…

Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 8 novembre 2024


Mc 12, 38-44

En ce temps-là,
    dans son enseignement, Jésus disait aux foules :
« Méfiez-vous des scribes,
qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat
et qui aiment les salutations sur les places publiques,
    les sièges d’honneur dans les synagogues,
et les places d’honneur dans les dîners.
    Ils dévorent les biens des veuves
et, pour l’apparence, ils font de longues prières :
ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »

    Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor,
et regardait comment la foule y mettait de l’argent.
Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes.
    Une pauvre veuve s’avança
et mit deux petites pièces de monnaie.
    Jésus appela ses disciples et leur déclara :
« Amen, je vous le dis :
cette pauvre veuve a mis dans le Trésor
plus que tous les autres.
    Car tous, ils ont pris sur leur superflu,
mais elle, elle a pris sur son indigence :
elle a mis tout ce qu’elle possédait,
tout ce qu’elle avait pour vivre. »

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