Les catholiques américains de plus en plus conservateurs

Des sondages indiquent que les catholiques des États-Unis ont voté pour Donald Trump à une large majorité. Pour les experts, ce résultat reflète un virage à droite du catholicisme américain, dans les dernières décennies, également chez les Latinos.

Le 6 novembre 2024, Donald Trump a été élu 47e président des États-Unis. Outre la majorité des grands électeurs, il a aussi gagné le vote populaire, ce qui n’était pas arrivé à un candidat républicain depuis 2004 – l’élection du président sortant George W. Bush.

Alors que le vote des catholiques compte pour 22%, les données concernant cette communauté sont examinées de près par les spécialistes. Plusieurs sondages sur le vote catholique sont sortis très rapidement après l’élection. Si les chiffres varient, ils indiquent tous une nette préférence des votants catholiques pour Donald Trump, beaucoup plus importante que dans le vote général de la population (51% contre 47,5%). Alors que la chaîne de télévision CNN et le Washington Post ont donné un avantage de 56-41% au républicain, le média NBC mentionne même 58-40%. Donald Trump avait remporté en 2020 47% du vote catholique contre 52% pour Joe Biden (Gallup).

«Donald Trump n’a cessé de grapiller des voix chez les Latinos»

Les catholiques noirs, dernier bastion démocrate

Les causes de ce virage républicain chez les fidèles sont discutées dans plusieurs médias. Statistiquement, il apparaît que le vote des catholiques blancs s’est dirigé en très grande partie vers Donald Trump (60-37%, selon NBC). Selon l’analyse de Fox News, qui comprend des sondages réalisés la semaine précédant le jour du scrutin, les électeurs catholiques noirs et hispaniques ont largement voté pour Kamala Harris (58% des catholiques latinos et 81 % des catholiques noirs). Il semble cependant que Donald Trump ait gagné des voix dans ce groupe au sein des hommes. En 2020, Joe Biden avait pour lui 59% des hommes catholiques latinos, contre 36% pour Donald Trump. Un rapport qui s’est inversé à 54% en faveur du républicain contre 44% pour Kamala Harris, en 2024.

L’économie en priorité absolue

Chez les Latinos tous confondus, le New Yorkais n’a en fait cessé de grapiller des voix. En 2016, il avait rassemblé 28% dans cet électorat, 33% en 2020, et 45% en 2024 (CNN). «Ce retournement progressif s’explique par le fait que les Latinos s’intègrent parmi l’électorat américain traditionnel», explique Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles, spécialiste de l’Amérique du Nord, sur RTBF. D’une part, en s’intégrant dans la société, les Latinos sont petit à petit touchés par les mêmes préoccupations que les autres électeurs, comme l’économie. «Je pense, par exemple, à de jeunes entrepreneurs qui sont assez favorables aux propositions économiques de Trump», poursuit Serge Jaumain.

Kamala Harris | © Flickr/Gage Skidmore/CC BY-SA 2.0

Un constat confirmé par Ryan Burge, professeur agrégé de sciences politiques à l’Eastern Illinois University. «Comme pour les non-catholiques, l’économie est une priorité absolue pour les électeurs catholiques», note l’expert sur le site américain Crux. «Je pense qu’en fin de compte, ils votent en fonction de leur portefeuille et décident s’ils s’en sortent mieux ou moins bien qu’il y a quatre ans, et beaucoup d’entre eux estiment qu’ils s’en sortent moins bien sur le plan financier.» L’inflation, donc, plus que l’appartenance religieuse, serait au cœur du vote des Latinos, une population souvent plus précaire que le reste des Américains.

Barre à droite

De manière général, le résultat des élections est la marque que «le catholicisme américain évolue», analyse Massimo Faggioli, professeur de théologie historique à l’Université de Villanova (PA). «Il y a de moins en moins de catholiques aux États-Unis qui ressemblent à Joe Biden et à Nancy Pelosi (l’ancienne présidente démocrate de la Chambre des représentants, NDLR), poursuit-il. C’est une rupture générationnelle», souligne l’expert dans le journal français La Croix. «La diversification culturelle et ethnique des catholiques américains ne signifie pas que ceux-ci votent naturellement pour le parti se présentant comme celui de la ‘diversité’», ajoute Massimo Faggioli.

«Les prêtres catholiques américains sont à 80% conservateurs» – Ryan Burge

Ryan Burge suppose que le vote catholique pourrait atteindre un rapport de 60-40 en faveur des républicains et que celui-ci pourrait «même augmenter en fonction de l’évolution de la situation». Une autre façon d’évaluer la nature conservatrice du vote catholique global est d’analyser l’évolution des tendances politiques des prêtres au fil du temps. Selon Ryan Burge, si l’on examine ces données dans les années 1960 et 1970, on constate qu’ils se répartissent équitablement entre la gauche, la droite et le centre. Mais les résultats sur les dix dernières années montrent que les prêtres catholiques américains sont à 80% conservateurs.

Les Latinos contre les migrants?

Les évêques américains ont réagi à l’élection de Donald Trump à leur manière habituelle, évitant des critiques frontales tout en suggérant d’éventuels points de désaccord. Mgr Timothy Broglio, président de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis(USCCB), a félicité Donald Trump pour sa victoire, soulignant qu’il s’agissait maintenant de «passer de la campagne à la gouvernance». Il a précisé que l’Église catholique ne s’alignait sur aucun parti politique. L’archevêque a rappelé que les chrétiens et les Américains avaient «le devoir de se traiter mutuellement avec charité (…) de défendre le bien commun de tous et promouvoir la dignité de la personne humaine, en particulier les plus vulnérables d’entre nous, y compris les enfants à naître, les pauvres, les étrangers, les personnes âgées et les infirmes, ainsi que les migrants».

Les sujets de désaccord entre le président Trump et le pape François sont nombreux | Matt Johnson/Flickr/CC BY-NC 2.0

Un dernier mot qui ne tient pas du hasard, alors que Donald Trump a axé une partie de sa campagne sur la ‘déportation’ massive de migrants illégaux. Une perspective inquiétante pour l’Église aux États-Unis, très engagée dans le soutien et la défense des populations migrantes. Un secteur qui touche en outre de moins en moins les Latinos, alors qu’ils sont en grande partie issus de l’immigration. «Paradoxalement, ces Latinos sont de plus en plus fermes sur les questions liées à l’immigration en estimant qu’il faut effectivement fermer la frontière vis-à-vis de nouveaux arrivants», confirme Ryan Burge.

Trump, modèle catholique?

Globalement, de nombreux observateurs ont souligné l’écart considérable entre la morale et l’enseignement chrétiens et la personnalité de Donald Trump. Ce dernier a été convaincu à de multiples reprises de mensonge, de fraudes financières, et d’agressions sexuelles envers des femmes. Il a notamment été condamné en mai 2024 pour des paiements effectués à une actrice de films pornographiques, dans le but de la faire taire au sujet d’une liaison présumée entre eux.

«Les messages des responsables catholiques n’ont finalement que peu d’impact dans ce groupe religieux»

Le président élu est en porte-à-faux avec nombre de positions du pape François, qu’il s’agisse des migrants, du travail ou de l’environnement. L’avortement est l’un des sujets sur lequel les deux hommes sont certainement davantage sur la même longueur d’onde, même si pendant sa campagne, Donald Trump s’est contenté de répéter qu’il appartenait aux États de légiférer sur la question et que sa femme Melania s’est prononcé publiquement pour le droit fédéral à l’avortement. L’interruption de grossesse ne serait, de toute façon, pas un critère déterminant dans le vote catholique. L’élection a en effet montré, selon Ryan Burge, que «l’avortement n’est pas nécessairement une priorité absolue pour les électeurs catholiques. Et ce, bien que la Conférence des évêques catholiques des États-Unis en ait fait la ‘priorité’ numéro un».

Le signe que les messages des responsables catholiques n’ont finalement que peu d’impact dans ce groupe religieux. «Nous vivons tous dans des bulles, et je pense que le catholique moyen n’entend pas [le pape François] s’exprimer sur presque tous les sujets au cours de l’année. (…) Je pense que le catholique moyen ne reçoit pas de conseils de son prêtre, de son aumônier, de son évêque, d’un cardinal ou du pape», assure Ryan Burge. (cath.ch/ag/rz)

Raphaël Zbinden

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