Des catholiques inquiets des «déportations de masse» promises par Trump

Dans les promesses électorales de Donald Trump, se trouve l’expulsion à grande échelle d’immigrés sans papiers. Séparation des familles, problèmes économiques… des responsables catholiques américains défendant les immigrés avertissent des conséquences d’une telle mesure.

«Déportation massive maintenant!» pouvait-on lire sur des pancartes et des t-shirts, lors de la Convention nationale républicaine, en juillet 2024, à Milwaukee (Wisconsin). Les mesures radicales contre la présence de sans-papiers sur le sol américain sont l’un des chevaux de bataille du candidat républicain à la présidence, Donald Trump. Ce dernier a promis une rafle massive dans cette population qu’il estime à 20 millions d’individus. JD Vance, le colistier de Donald Trump, a récemment déclaré à ABC News que la rafle de déportation commencerait par cibler 1 million de personnes.

Des responsables catholiques aux États-Unis, qui défendent et soutiennent les immigrés, ont fait part au journal National Catholic Reporter (NCR) de leurs inquiétudes, dans le cas d’une victoire de Donald Trump lors des élections du 5 novembre 2024.

Car si le discours républicain est clair, la façon dont de telles déportations se dérouleraient reste encore floue. Stephen Miller, un ancien conseiller majeur de Donald Trump, a soutenu que les rafles devraient faire appel aux ressources des autorités fédérales ainsi qu’à celles de la police des États et de la Garde nationale, qui, probablement, procéderaient principalement à un ratissage des lieux de travail.

Des familles déchirées

Mais finalement, «personne ne sait à quoi s’attendre», note au NCR Mgr Nicholas DiMarzio, évêque à la retraite de Brooklyn (New York). Lui-même défenseur de longue date des immigrés, il conteste les chiffres avancés par le camp Trump. Selon le prélat, le nombre d’immigrés sans papiers serait d’environ 11 millions. Il relève que, parmi ceux-ci, près de la moitié vivent dans des familles de citoyens américains. 5,8 millions de foyers américains compteraient au moins un résident sans papiers. Des parents «illégaux» peuvent en effet avoir des enfants «légaux». En vertu du 14e amendement, tout enfant né aux États-Unis est automatiquement citoyen américain, même si ses parents sont des immigrants sans papiers, des visiteurs temporaires ou des ressortissants étrangers.

Une déportation de masse des sans papiers provoquerait donc une «une situation horrible», dont «les enfants citoyens américains» feraient les frais, affirme Mgr DiMarzio. «Vous aurez à faire face à la séparation des familles». Les sans papiers seraient de plus poussés à la clandestinité, ce qui rendrait leur situation encore plus précaire.

Conséquences économiques

Les conséquences à prévoir ne seraient cependant pas seulement humaines, mais également économiques. Outre la disparition de main d’œuvre, les collectivités publiques perdraient les impôts payés par les sans papiers – estimés à 96,7 milliards de dollars, aux États-Unis. Les hypothèques contractées par les immigrés sans papiers resteraient impayées, ce qui pourrait créer une crise sur le marché du logement.

Autant de facteurs qui pourraient relancer l’inflation et nuire à l’économie, mettant à mal les promesses de Donald Trump en ce sens. C’est pourquoi certains observateurs estiment que les menaces de déportations massives relèvent surtout de la rhétorique électorale. Lors d’un récent entretien au Wall Street Journal, Donald Trump a d’ailleurs semblé mettre de l’eau dans son vin, affirmant qu’il pourrait ne pas expulser les étrangers en situation irrégulière respectueux de la loi.

Une question prioritaire pour les trumpistes

Mario Russell, directeur exécutif du Centre d’études sur les migrations, une agence catholique basée à New York, estime toutefois que le discours sur les déportations n’est pas seulement un appât politique. Appelant à «prendre cela au sérieux», il remarque que la détermination de Donald Trump est étayée par le bilan de son premier mandat, qui comprend la douloureuse séparation d’enfants migrants de leurs familles, dont beaucoup n’ont jamais été retrouvés. «Il s’agit clairement d’une question prioritaire pour eux [les partisans de Trump]», insiste Mario Russell.

«Les mensonges font mal»

Que les menaces soient sérieuses ou non, le «discours anti-immigrés a un impact», souligne Mgr DiMarzio. Il raconte ainsi sa rencontre avec une femme haïtienne en larmes à l’extérieur d’une église de Brooklyn après avoir entendu les allégations de Donald Trump, lors du débat avec la vice-présidente Kamala Harris, selon lesquels les réfugiés haïtiens de l’Ohio mangeaient des chats et des chiens. «Les mensonges font mal», commente l’évêque retraité. Des réactions indignées ont également surgi après qu’un humoriste chargé de «chauffer» un meeting de Donald Trump ait comparé le territoire américain de Porto Rico à une «île flottante de déchets».

Alors que les évêques américains sont souvent considérés comme divisés par des questions liturgiques et de gouvernance de l’Église, ils sont unanimes dans leur soutien aux immigrés, affirme le NCR. Ils militent depuis longtemps en faveur d’une réforme globale de l’immigration qui légaliserait de nombreux sans-papiers. (cath.ch/ncr/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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