Lucienne Bittar, cath.ch, envoyée spéciale à Rome
«Les baptisés en Suisse ont pris très au sérieux la démarche synodale lancée par le pape François il y a trois ans», affirme la Conférence des évêques suisses (CES) dans un communiqué. Un avis unanimement partagé par les trois Suisses qui ont participé à divers titres au Synode, et qui ont témoigné de leur satisfaction et joie lors de la conférence de presse tenue à Rome.
«Après de très nombreuses rencontres paroissiales et diocésaines d’échanges guidés par l’Esprit saint», le 30 mai 2022 a eu lieu l’Assemblée synodale suisse à Einsiedeln, a rappelé Mgr Gmur, évêque de Bâle et délégué de la Suisse. Cette rencontre avait pour mission de regrouper les rapports de résultats de la phase diocésaine du Synode en un rapport national. Des délégués suisses se sont ensuite rendus à l’Assemblée synodale au niveau européen, à Prague. Puis, a suivi la réunion des évêques à Belgrade et enfin dernièrement une rencontre européenne à Linz en vue de la session conclusive du Synode sur la synodalité.
Les démarches des Suisses ont donc porté des fruits en amont des assemblées synodales, a affirmé le président de la CES. «De nombreux lieux ont pu expérimenter et s’enrichir de la méthode de la conversation dans l’Esprit. De plus, l’Église en Suisse compte depuis avril de cette année une Commission nationale pour la synodalité.» Le chemin se poursuit.
Au cœur de cette session du Synode mondial, le thème des femmes a imprégné tous les discernements et discussions, ont encore souligné Mrg Gmur et Helena Jeppesen, témoin européenne du processus synodal. L’Assemblée a mis en avant que les femmes continuent à rencontrer des obstacles, car leurs charismes ne sont pas pleinement reconnus. «Il est pourtant normal qu’elles occupent aussi des postes de direction. Tout le monde a pris conscience de l’importance de l’implication des femmes dans les processus de décision.»
Le document final stipule qu’«il n’existe pas de raison d’empêcher les femmes d’assumer des rôles de guidance dans les Églises: ce qui vient de l’Esprit saint ne peut être arrêté.» Mgr Gmür s’est dit heureux que les portes au diaconat féminin soient toujours ouvertes, «contrairement à ce qu’on a pu lire parfois dans la presse. C’est un signe d’espoir. Pas à pas, nous continuerons avec patience et persévérance notre engagement. Pour moi, a-t-il ajouté tous les arguments canoniques ou historiques qui sont sur la table plaident déjà en sa faveur. Mais je ne suis qu’un évêque parmi bien d’autres.»
Parmi les questions qui ont soulevé le plus de discussions au Synode, celles relatives à la «saine décentralisation» de l’Église, selon les mots du pape François, et en particulier dans quels domaines une gestion décentralisée pourrait exister et qui décide du choix de ces domaines. Pour entrer dans ces questions, il faut l’implication de beaucoup de monde, c’est un travail théologique et canonique. Voilà pourquoi, le pape a créé des groupes d’étude spéciaux qui se penchent sur des thèmes ardus. Les participants suisses ont demandé que les résultats de ces groupes trouvent un retour dans des conseils synodaux. «Mais la difficulté est que ces groupes vont travailler jusqu’à fin 2025, alors que la dernière session du Synode mondial s’achève aujourd’hui».
Une certaine décentralisation s’avère aussi nécessaire parce que les participants au Synode se sont rendu compte que l’Église est universelle, mais profondément multiculturelle. La manière d’annoncer et de vivre l’Évangile varie d’une culture à une autre. Lors d’une des nombreuses discussions synodale, Mgr Gmür s’est dit: «Mais… je suis le seul Européen de rite latin à cette table! Les diverses cultures et rites dans une seule et même Église sont en même temps une richesse et un défi.» Cela marque aussi le travail en Suisse de migratio [service de CES chargé d’assurer une pastorale adéquate pour les migrantes et migrants au niveau national, ndlr].
«On ne parle plus d’Église, avec majuscule et au singulier aujourd’hui, mais des Églises, avec majuscule et pluriel.» Félix Gmur
Ce Synode, a expliqué Mgr Gmur, a conduit a un véritable changement de style dans l’Église. «On ne parle plus d’Église, avec majuscule et au singulier aujourd’hui, mais des Églises, avec majuscule et pluriel. On n’évoque plus les Églises particulières mais les Églises locales.»
Dans cette expérience synodale, vécue à Rome, en deux sessions d’un mois, avec des participants du monde entier, les échanges ont été intenses, très libres, mais respectueux et à l’écoute de l’Esprit Saint, a souligné pour sa part la facilitatrice Claire Jonard. «Ce n’était pas évident, car les tables réunissaient des personnalités très différentes, avec des cultures et des vécus très variés.» «Les souffrances du monde et les guerres étaient au cœur des échanges, des témoignages et des moments de prière, a témoigné Mgr Gmur. Tous les baptisés sont acteurs de l’Église. Ils sont sur le même chemin synodal, mais tous ne travaillent pas au même rythme, selon leur contexte culturel et politique», comme je l’ai mentionné dans une interview pour cath.ch.
Le pape ne publiera pas l’habituelle Exhortation apostolique post-synodale et c’est, pour les participants suisses, «un signe très fort». Une nouvelle façon de faire Église s’est ainsi dessinée durant le chemin synodal. Le document rédigé et adopté par le synode a été mis en vigueur par le pontife alors qu’il se trouvait encore dans la salle du Synode, afin qu’il puisse être remis au peuple de Dieu. «Ainsi, le pape prend au sérieux les fruits des membres du Synode. L’Église en Suisse ne manquera pas d’enthousiasme pour lancer ses propres actions synodales dès maintenant».
A la fin de la conférence de presse, les trois participants suisses se sont rendus, à l’instar de tous les membres de l’Assemblée, à la basilique St-Pierre du Vatican pour la messe de clôture de l’Assemblée synodale 2024, présidée par le pape. (cath.ch/ces/com/be)
Lucienne Bittar
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