De nombreuses incitations et propositions parsèment ce document composé de 155 paragraphes. La question de la place et du rôle des femmes dans l’Église, très débattue durant tout le mois de travail écoulé, est bien présente. La question spécifique du diaconat féminin, évacuée de cette dernière session par le pape, refait surface dans un paragraphe, preuve de la détermination de certains membres à ne pas voir cette réflexion s’enliser.
Au-delà des propositions singulières – comme la tenue d’un Synode pour le Moyen-Orient, le fait que des laïcs pourraient célébrer des mariages ou bien la réflexion sur un ministère de l’écoute -, ce Synode pose les bases d’une plus grande décentralisation dans l’Église catholique. Il confirme la volonté de voir les laïcs monter en responsabilité dans la gouvernance des paroisses et des diocèses. En outre, le document plaide à de nombreuses reprises pour la mise en place d’une culture de la transparence dans l’Église afin de lutter contre le cléricalisme et tous types d’abus.
L’agence I.MEDIA revient sur les grandes orientations de ce document final.
Sujet hautement sensible depuis le début du Synode sur la synodalité, la question de l’accès des femmes au ministère de diacre n’a pas fait l’unanimité au sein de l’assemblée. Le paragraphe 60 du document final est en effet celui qui a provoqué le plus de résistances: 97 personnes ont exprimé leur opposition au moment du vote. Le passage en question affirme notamment que «la question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste ouverte». Selon nos informations, cette simple mention n’était pas présente dans le brouillon du document et a donc été ajoutée avec les amendements déposés cette semaine par les membres du Synode. «Il convient de poursuivre le discernement à cet égard», ajoutent sobrement les rédacteurs.
Cette question avait pourtant été extraite des débats de l’assemblée, puisque le pape avait confié les thèmes les plus délicats du Synode à dix groupes de travail qui rendront leurs conclusions en juin 2025. Mais une partie de l’assemblée a fait savoir son mécontentement, interpellant notamment le responsable du groupe de travail en question, à savoir le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi. En mai dernier, le pape François avait dans un entretien clairement écarté la possibilité d’ordonner des femmes diacres. Le fait de voir le sujet revenir dans un document final approuvé par le pontife montre que le Synode a fait bouger des lignes.
«Il n’y a aucune raison d’empêcher les femmes d’assumer des rôles de direction dans l’Église», martèle aussi l’assemblée dans le même paragraphe, qui déplore les «obstacles» qu’elles rencontrent pour leur participation à la vie de l’Église. Concernant le diaconat permanent – réservé aux hommes -, le document final demande qu’il soit approfondi et promu dans les régions où il reste encore méconnu.
Pour favoriser «une participation plus large des laïcs et des laïques aux processus de discernement de l’Église et à toutes les phases des processus décisionnels (rédaction et prise de décision)», le Synode demande de rendre «obligatoires» (104) les «organismes de participation» prévus par le Droit canon, comme le Conseil pastoral diocésain, le Conseil pastoral paroissial, ou encore les Conseils pour les affaires économiques. Le caractère obligatoire de cette mesure devrait modifier la gouvernance de nombreuses Églises locales même si beaucoup, notamment en Occident, ont déjà intégré ces mécanismes.
Le Synode demande de promouvoir davantage de «ministères laïcs», ces services qui ne demandent pas l’ordination (66), comme les ministères de lecteur et d’acolyte, récemment ouverts aux femmes, et celui de catéchiste, créé par le pape en 2021. Ces ministères peuvent d’ailleurs être institués – c’est-à-dire confiés de façon durable à un fidèle – ou non. Les pasteurs sont ainsi invités à la «créativité» et au «discernement» pour répondre aux besoins pastoraux, «et pas seulement dans le domaine liturgique».
Parmi les nouveaux ministères étudiés par l’assemblée au cours de ce mois de débats est ressortie la proposition d’établir un ministère «de l’écoute et de l’accompagnement». Dans le document final, il n’est pas retenu comme faisant l’unanimité. Certains ont objecté par exemple qu’il s’agissait de «la tâche de tous les baptisés». D’autres ont proposé que ce ministère «vise particulièrement l’accueil de ceux qui sont en marge» de l’Église. Un approfondissement est demandé à ce sujet (78).
Toujours dans cette optique des ministères, l’assemblée propose d’examiner «la possibilité d’étendre et de stabiliser» la célébration des baptêmes et des mariages par des laïcs – qui reste pour le moment une exception permise sous certaines conditions (76).
«Adopter des styles de célébration qui manifestent le visage d’une Église synodale». C’est dans cette optique que le Synode demande la constitution d’un nouveau groupe d’études sur le lien entre «liturgie et synodalité». Ce groupe pourrait également s’occuper de la «prédication dans les célébrations liturgiques», peut-on lire. L’article 27 qui contient cette proposition compte parmi ceux qui ont le moins fait l’unanimité.
La question de laisser prêcher des laïcs lors des messes était au programme de ce mois de travail à Rome. Si elle n’a pas fait consensus, les membres du Synode, en faisant cette demande, désirent poursuivre la réflexion. Aujourd’hui, le droit canon réserve la prédication de l’homélie aux membres du clergé (évêques, prêtres ou diacres).
Le document invite à revoir de fond en comble la formation dans les séminaires, afin de sensibiliser les candidats au sacerdoce dans «un style synodal» (148) «Cela signifie qu’ils doivent prévoir une présence significative de figures féminines», est-il indiqué dans le paragraphe 148, qui a suscité 40 oppositions.
Le document mentionne l’importance de «l’éducation à la collaboration avec tous les membres de l’Église», et invite aussi à mettre en œuvre une forme de mixité (entre hommes et femmes, et entre différents états de vie) dans les études théologiques, y compris celles destinées aux candidats à la prêtrise. Le document souligne l’importance de la formation «dans toutes les dimensions de la personne (intellectuelle, affective, relationnelle, spirituelle)».
Le texte insiste sur la place singulière du pape, en rappelant que dans les Évangiles, Pierre jouait «un rôle particulier» auprès de Jésus, notamment dans le récit de la pêche miraculeuse (109).
Ils invitent à «revisiter aussi à la lumière de la synodalité les modes d’exercice du ministère de l’évêque de Rome». «En tant que successeur de Pierre, il a un rôle unique à jouer dans la sauvegarde du dépôt de la foi et de la morale, en veillant à ce que les processus synodaux soient fructueux pour l’unité et le témoignage», précisent-ils (131).
La question de la subsidiarité est également abordée: «On pourrait identifier, par une étude théologique et canonique, les matières qui devraient être réservées au pape (reservatio papalis) et celles qui peuvent être renvoyées aux évêques dans leurs Églises ou groupements d’Églises», est-il demandé dans le paragraphe 134.
Les participants au Synode demandent de poursuivre la réflexion sur «le statut théologique et juridique des conférences épiscopales» et de préciser «leur compétence doctrinale et disciplinaire» (125).
Des «réformes concrètes» pourraient être mises en œuvre dans les relations entre la Curie romaine et les épiscopats locaux, et il est demandé que ces thèmes soient mis à l›agenda des prochaines visites ad limina, ces visites que tous les évêques du monde sont censés faire à Rome une fois tous les cinq ans.
Le document invite également à «mieux éclaircir le statut théologique et canonique» des conférences continentales et des assemblées ecclésiales continentales – qui intègrent les laïcs -, dont ils demandent de valoriser «l’héritage» à la lumière des expériences positives vécues dans le cadre de ce processus synodal.
Les participants invitent aussi à relancer les «conciles particuliers», perçus comme un outil de «salutaire décentralisation» (129). L’Église catholique en Australie a mené une telle expérience de 2018 à 2022, dans le contexte de la crise des abus.
Les membres du Synode ont à cœur de valoriser les assemblées consultatives. Dans le document, ils souhaitent que lorsque de telles assemblées produisent un discernement correct, elles ne puissent pas être ignorées par l’autorité épiscopale, peut-on lire au paragraphe 92, un des plus contestés lors des votes. Tout en reconnaissant que l’évêque garde le pouvoir décisionnel, il est demandé une révision du droit canonique qui mette plus en avant l’aspect «délibératif» et pas seulement consultatif de tels organes.
«Il est important d’aider les fidèles à ne pas cultiver des attentes excessives et irréalistes à l’égard de l’évêque, en se rappelant qu’il est lui aussi un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d’aide comme tout le monde», insistent les participants au Synode dans le paragraphe 71. «Une vision idéalisée de l’évêque ne facilite pas son délicat ministère, qui est au contraire soutenu par la participation de tout le peuple de Dieu à la mission dans une Église véritablement synodale», expliquent-ils, invitant à mieux identifier les missions que l’évêque peut déléguer.
Le Synode appelle plus largement à «un discernement plus courageux de ce qui appartient en propre au ministère ordonné et de ce qui peut et doit être délégué à d’autres» (74). Cette répartition des tâches et des responsabilités permettra de lutter contre les «abus sexuels, économiques, de conscience et de pouvoir de la part des ministres de l’Église», écrivent-ils.
Le document utilise à de nombreuses reprises l’expression «échange des dons», afin d’inciter les Églises locales à se soutenir mutuellement selon leurs forces et leurs faiblesses. Le texte salue notamment de nouvelles formes de coopération ecclésiale qui émergent «dans de grandes zones géographiques supranationales et interculturelles telles que l’Amazonie, le bassin du fleuve Congo et la mer Méditerranée».
Les différentes formes de soutien doivent néanmoins être mieux cadrées, notamment concernant la mobilité des prêtres. «Les prêtres qui viennent en aide aux Églises pauvres en clergé» ne doivent pas être «seulement un remède fonctionnel, mais une ressource pour la croissance de l’Église qui les envoie et de l’Église qui les reçoit». Un effort de traçabilité des aides économiques est également demandé: «Nous devons veiller à ce que l’aide économique ne dégénère pas en assistanat, mais favorise la solidarité évangélique et soit gérée de manière transparente et fiable» (121).
À plusieurs reprises, le document final revient sur les «trop nombreux scandales d’abus» commis au sein de l’Église catholique. En réponse, les membres du Synode insistent sur l’instauration d’une culture de la protection afin que l’Église soit toujours un lieu sûr pour les mineurs et personnes vulnérables (150). Reconnaissant les efforts menés en matière de lutte contre les abus, ils souhaitent leur poursuite et plaident notamment pour une formation obligatoire pour tous ceux qui travaillent avec des mineurs et des personnes vulnérables dans le cadre de l’Église. Au niveau local, ils évoquent aussi la mise en place de rapports annuels comprenant les initiatives prises en matière de «safeguarding».
Une gouvernance transparente doit permettre de lutter contre la culture cléricale, expliquent les membres du Synode. «La transparence et la responsabilité ne devraient pas être exigées uniquement en cas d’abus sexuels, financiers ou autres. Elles concernent également le style de vie des pasteurs, les plans pastoraux, les méthodes d’évangélisation et la manière dont l’Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions», peut-on lire au paragraphe 98 du document final. Plus loin, ils insistent sur l’implication de «membres compétents» dans la planification pastorale et économique des Églises locales. Concernant la culture de la «reddition de comptes» (accountability), ils insistent sur la production de rapports annuels, notamment en matière de finances.
Les membres du Synode envisagent d’évaluer les «progrès réalisés» en termes de participation de tous les catholiques à la vie de l’Église. Ils conseillent aux conférences épiscopales d’identifier des personnes capables d’accompagner ce mouvement, en lien avec le secrétariat général du Synode, à Rome. Plus largement, ils conseillent la mise en place de procédures d’évaluation périodique des «performances de tous les ministères et missions au sein de l’Église».
L’assemblée synodale propose la convocation d’un «Synode spécial» afin de « promouvoir «la consolidation et la rénovation des Églises orientales catholiques». En 2010, le pape Benoît XVI avait déjà convoqué un synode pour le Moyen-Orient, mais la situation de ces Églises a beaucoup évolué après plus d’une décennie de crises majeures dans la région.
Il est aussi proposé l’institution d’un «Conseil des patriarches, archevêques majeurs et métropolites des Églises orientales catholiques présidé par le pape». Enfin, le document appelle à la création d’instruments pour aider la collaboration entre Églises latine et orientales concernant les catholiques orientaux exilés dans des pays de tradition latine, dans le but de protéger leur tradition et favoriser les «échanges de dons».
Le texte demande la création d’un «Observatoire ecclésial du handicap». Il condamne fermement toutes les discriminations contre les personnes handicapées et appelle à valoriser ces dernières comme des «sujets actifs de l’évangélisation». Il déplore aussi la présence de certaines «attitudes paternalistes de commisération» à l’égard des personnes handicapées au sein de l’Église. (cath.ch/imedia/hl/be)
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