On a eu beau chercher dans les rédactions: Aucune date du calendrier, ni événement particulier n’explique la publication de Dilexit nos le 24 octobre moins de deux jours avant la clôture du synode sur la synodalité, dont le document final est très attendu… et risque de faire passer l’encyclique à la trappe.
«Effectivement, l’événement n°2 risque de tuer l’événement n°1, selon la loi de l’actualité…», indique Jean-Charles Putzolu, rédacteur en chef de la rédaction francophone de Vatican News. «Mais du point de vue de la rédaction, ce n’est pas un si mauvais timing, puisque nous n’avions pas de grosse actualité du synode à couvrir jeudi ni vendredi», tempère-t-il.
Le moment n’est pas idéal, reconnaissent les journalistes, d’autant plus que l’encyclique est très concrète, qu’elle complète bien Fratelli Tuti… «Et qu’il sera difficile d’en expliquer les grandes lignes en 24 ou 48 heures». Une publication en novembre, au moment où l’activité du pape est moins soutenue, aurait pu permettre une meilleure couverture médiatique de Dilexit nos, une fois l’effervescence du synode retombée.
«C’est un document qui mérite d’être mieux mis en valeur», renchérit Camille Dalmas, journaliste à l’agence d’actualité sur le Vatican I.Media. Il craint aussi que l’encyclique ne soit happée par la conclusion du synode. Il rappelle que la publication de Dilexit nos avait été annoncée pour le mois de septembre. Que s’est -il passé?
La traduction du document d’une quarantaine de pages en huit langues a pris beaucoup de retard, explique-t-on en coulisses. Et la version finale en français du document comporte des coquilles. Un signe de précipitation ou d’impatience du pape?
De plus, le 25 octobre, entre l’encyclique et la fin du synode, le pape va rencontrer des prêtres de son diocèse, un autre sujet brûlant, détaille Camille Dalmas. Va-t-il faire une annonce? Rendre publique une décision? Comme il vient de la faire pour la baisse des salaires des cardinaux de la Curie. Et, annoncé pour le printemps dernier, le premier rapport sur l’état de la lutte contre les abus dans l’Église catholique sera dévoilé le 29 octobre. «Autant de sujets qui méritent d’être analysés et décryptés», indique le journaliste. «Nous n’en avons pas le temps, les annonces se suivent, parfois se chevauchent et nous prennent au dépourvu».
On se souvient de la publication de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium qui avait été annoncée pour 2020, puis pour 2021 et finalement publiée le 19 mars 2022: un samedi à midi, sans préavis, prenant tout le monde de court. Et ouvrant la porte à des interprétations diverses sur un tel calendrier. Volonté de faire passer inaperçue telle ou telle décision qui pourrait fâcher ou faire réagir?
Des journalistes constatent un flux permanent d’annonces. «On a l’impression que ça va dans tous les sens sans qu’il y ait de réflexion globale», confie l’un d’eux. Des interlocuteurs se demandent en fait si quelqu’un supervise encore la communication du Vatican. Tout est annoncé au fur et à mesure, sans réel souci de communication «ni même semble-t-il un quelconque maîtrise du calendrier», précise l’un d’eux.
«Aujourd’hui, le rythme de ce pontificat est très dense», résume Jean-Charles Putzolu. À bientôt 88 ans, le pape est pressé d’avancer sur tous les dossiers et de publier des décisions. Ce qui n’est pas nouveau pour Camille Dalmas: «Le pontificat de François est mené ›tambour battant’. Le pape est très rapide, il prend très peu de vacances». De ce fait, les chantiers sont ouverts et dès qu’ils aboutissent, les décisions ou les documents, parfois importants, sont publiés, donnant l’impression d’un carambolage médiatique.
«Concernant cette encyclique, il faudra se donner le temps d’y revenir, c’est très beau document, indique Camille Dalmas. En espérant que le pape nous en laissera le temps!» (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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