Le Dicastère pour les évêques, à Rome, a rendu ses résultats de l’enquête canonique préliminaire à la Conférence des évêques suisses (CES), annonce-t-elle le 18 octobre 2024. Ceux-ci concernent Mgrs Charles Morerod, Jean-Marie Lovey, Jean Scarcella ainsi que Bernard Sonney. Certains ont reçu un courrier personnel le 4 octobre.
«Des erreurs, des omissions et des négligences ont été constatées dans l’application des normes de procédure canonique, ce que les évêques regrettent profondément», affirme la CES dans un communiqué. «Cependant, il ne s’agit pas de comportements fautifs qui nécessiteraient aujourd’hui l’ouverture d’une procédure pénale interne à l’Église. […] Le Dicastère pour les évêques a [toutefois] émis des réprimandes canoniques, invitant les mêmes évêques et l’ensemble du corps épiscopal suisse à être plus attentifs à l’avenir et à traiter les cas d’abus signalés avec la plus grande diligence et expertise, en observant strictement toutes les normes en vigueur dans les procédures d’enquête».
«Rome invite les évêques et l’ensemble du corps épiscopal suisse à être plus attentifs à l’avenir»
En juin 2023, le Dicastère pour les évêques avait chargé Mgr Joseph Maria Bonnemain, évêque de Coire, de mener une enquête canonique préliminaire afin de clarifier divers reproches émis à l’encontre de certains évêques suisses. En collaboration avec le juge cantonal neuchâtelois, Pierre Cornu, et la professeure de droit pénal et de procédure pénale zurichoise, Brigitte Tag, des entretiens personnels, des interrogatoires et des analyses de divers documents issus des archives ont été menés à bien. Les résultats ont été transmis, début 2024, par Mgr Bonnemain au Dicastère pour les évêques, à Rome, qui a rendu les conclusions de son rapport en octobre 2024.
Le cardinal Robert Francis Prevost, préfet du Dicastère pour les évêques, écrit à Mgr Charles Morerod que l’examen attentif du rapport «n’a pas révélé d’omissions substantielles […] dans le traitement des cas signalés, ni de dissimulation ou de malveillance dans [ses] actions». Ce que le ministère public fribourgeois a également confirmé en décembre 2023.
Mgr Morerod n’a cependant «pas toujours respecté les procédures canoniques». L’évêque répond qu’il «n’a pas automatiquement ouvert une enquête canonique puisqu’il donnait la primauté à la justice de l’État, notamment à cause de plaintes de victimes précisément par rapport aux procédures internes».
Le cardinal Prevost juge aussi regrettable «l’absence de vérification préalable de l’aptitude de certains candidats aux charges ecclésiastiques sur la base de critères objectifs et prédéterminés». Des reproches qui ont déjà été formulés à Mgr Morerod, par des prêtres et autres collaborateurs, et qui ne font, dit-il «que conforter le travail de discernement actuel».
Mais l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) de rétorquer «qu’il serait illégal de poser des questions liées au for interne et que, lorsqu’il engage un clerc, il assume les conséquences d’une confiance dans la fidélité aux engagements de ce dernier».
Mgr Morerod estime «qu’il serait illégal de poser des questions liées au for interne» [lors d’un entretien d’embauche]
Quoi qu’il en soit, les agents pastoraux francophones du diocèse de LGF recevront un code de conduite d’ici la fin de l’année 2024, pour leur rappeler que la prévention des abus dans l’Église est l’affaire de tous.
Enfin, Rome exprime sa confiance à l’évêque fribourgeois, rappelant que ce dernier a fait «preuve d’une vigilance accrue dans le traitement des cas d’abus et […] manifesté une proximité attentive et un grand soutien aux victimes».
Il lui est demandé de «formuler une réprimande» à son vicaire général, Mgr Bernard Sonney.
A la suite d’un signalement à son égard, Mgr Bernard Sonney, vicaire général de LGF, avait décidé de se mettre en retrait, le 26 septembre 2023 afin de ne pas interférer avec l’enquête préliminaire.
L’enquête étant aujourd’hui close, le cardinal Prevost estime que les propos tenus il y aurait des décennies par l’abbé Sonney devant un homme majeur, «étaient inappropriés et déplacés». Même si ces actes ne sont pas de nature pénale et ne font l’objet que d’une réprimande, le prêtre gruérien a décidé de faire recours auprès du Vatican, ignorant les actes sur lesquels porte la réprimande.
«Mgr Bernard Sonney fait recours auprès du Vatican, ignorant les actes sur lesquels porte la réprimande»
La décision de son retour ou non en tant que vicaire général sera prise une fois les résultats du recours connus. À l’heure actuelle, Bernard Sonney reste donc en retrait de son mandat de vicaire général, mais peut exercer en tant que prêtre puisqu’il n’est pas interdit de ministère.
Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, a également une réponse personnelle de Rome, signée du cardinal Robert Prevost. Elle concerne certaines allégations relatives à une situation survenue il y a plusieurs années – révélée par les médias en septembre 2023, mais sans lien direct avec la publication des résultats de l’étude pilote sur les abus sexuels de l’Université de Zurich.
Il est écrit que Mgr Jean-Marie Lovey n’a commis «aucune irrégularité substantielle» dans sa gestion du cas concerné, et qu’«aucune dissimulation ou malveillance» n’a pu être démontrée par l’enquête. Le dicastère romain relève toutefois que le signalement «a été exécuté avec un retard inadmissible, de sorte que les délais requis par le droit canonique ont été substantiellement compromis».
Mgr Lovey encouragé à «poursuivre le chemin pris dans la lutte contre les abus sexuels en Église»
La lettre de Rome ne prononce aucune condamnation ou sanction formelle. Mais elle rappelle Mgr Lovey à la «stricte observance des normes canoniques en vigueur dans le traitement et la prévention des abus, déjà largement connues et étudiées par la CES» et l’encourage «à poursuivre le chemin pris dans la lutte contre les abus sexuels en Église».
En réponse, Mgr Jean-Marie Lovey «renouvelle sa détermination à lutter contre toute forme d’abus en Église, afin de protéger en particulier les plus petits et les plus fragiles, œuvrant à l’avènement d’une Église ‘maison sûre pour tous’ et fidèle à l’Évangile».
Rappelant le travail déjà effectué dans le diocèse de Sion, comme la création de la Commission diocésaine «Abus sexuels en contexte ecclésial» (ASCE) en 2021, la publication intégrale de l’audit externe confié au cabinet Vicario Consulting en juin 2024 sur la gestion des abus sexuels dans le diocèse de Sion, la récente constitution d’une «Commission diocésaine de prévention», avec la diffusion d’un «Code de bonne conduite» début 2025.
Mgr Jean Scarcella, Abbé de Saint-Maurice, a fait l’objet d’une enquête, suite au signalement d’un comportement inapproprié présumé vis-à-vis d’un jeune homme. Le rapport du Dicastère pour les évêques conclut qu’«il n’existe pas de preuve d’abus ou de harcèlement au sens propre dans le cas concerné».
Le cardinal Robert Prevost précise: «même si les faits relatifs à cette accusation étaient entièrement prouvés, alors ils seraient certainement inconvenants et démontreraient une attitude ambiguë et non conforme à la prudence attendue pour des clercs dans les relations interpersonnelles».
C’est pourquoi, Rome signifie «une réprimande formelle» à l’Abbé Scarcella, en lui «rappelant à l’avenir de s’abstenir de tout ce qui ne convient pas à l’état clérical dans les relations interpersonnelles».
La lettre mentionne que l’auteur de cette dénonciation «a toujours souligné n’avoir jamais voulu, par son signalement, activer des procédures étatiques ou ecclésiastiques», mais dit avoir néanmoins été durablement blessé intérieurement. Dans les médias, Mgr Scarcella a déclaré qu’il «respecte le ressenti de cette personne et réitère sa demande de pardon».
Le Ministère public valaisan a rendu publique le 17 octobre 2024 la conclusion de son enquête concernant les abus dans l’Église en Valais. Dans le cas concerné, la Procureure générale n’a évoqué aucune plainte à l’encontre de l’Abbé de Saint-Maurice et a prononcé une Ordonnance de non-entrée en matière.
Mgr Jean Scarcella indique ne jamais avoir contacté Rome concernant une éventuelle reprise de fonction comme Abbé de Saint-Maurice.
Au moment de sa réponse, le Dicastère romain «disait encore attendre la publication d’une décision formelle de la Procureure générale, ce qui est désormais effectif», communique l’Abbaye de Saint-Maurice, qui désormais «s’en remet avec égards à l’autorité du Dicastère concernant l’éventuelle ‘réintégration’ de Mgr Scarcella dans sa charge de Père Abbé», selon les termes de la lettre romaine.
Mgr Jean Scarcella a indiqué à cath.ch ne jamais avoir contacté Rome concernant une éventuelle reprise de fonction comme Abbé de Saint-Maurice. (cath.ch/com/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/selon-rome-les-eveques-suisses-ont-commis-des-erreurs-mais-pas-de-fautes/