«Nous regrettons un manque de communication générale autour du sujet. Nous avons aussi le sentiment que le processus a bifurqué, n’ayant plus grand-chose à voir avec les attentes initiales», confie Chantal Bartet. La laïque de 77 ans interrogée par La Croix était pourtant une enthousiaste du processus synodal à ses débuts.
Le Synode sur la synodalité, une démarche mondiale sur l’avenir de l’Église catholique commencée en 2021, vit sa dernière phase à Rome, depuis le 2 octobre 2024. Le processus s’est caractérisé par une large consultation des fidèles au niveau diocésain, national et continental. Alors que les premières étapes avaient provoqué un fort engouement, la mobilisation des catholiques français semble connaître un indéniable essoufflement, affirme La Croix.
Une tendance que le théologien franco-suisse Arnaud Join-Lambert observe aussi ailleurs, en Europe de l’Ouest. «Sur le terrain, le Synode a alimenté de fortes attentes de changements structurels, qui ont enthousiasmé certains groupes tout en en crispant d’autres, relit ce spécialiste de la synodalité. Le choix du Synode de mettre ensuite davantage l’accent sur une manière de faire et de penser dans l’Église, plutôt que sur ces pistes de changements, a contribué à diluer l’intérêt de ses promoteurs comme de ses détracteurs.»
Un constat confirmé par le témoignage d’une vingtaine de catholiques français sondés par le journal. A l’instar de Chantal Bartet, la plupart d’entre eux ont expliqué leur prise de distance par un manque de «transparence» sur les avancées et les difficultés de la démarche ou par la décision de «sortir» certains sujets.
Dans une tribune, Christiane Joly, membre de la communauté Saint-François-Xavier, estime que beaucoup ont «décroché» au moment où le pape François a exclu la mise en place d’un diaconat féminin, au détour d’une interview, en mai 2024. D’autres sujets ayant généré des attentes, tels que la suppression de l’obligation de célibat des prêtres ont été également enlevés de la table de discussion.
Au-delà de la déception face aux attentes de réformes, la méthode du Vatican a été décriée. Certaines avancées, telles que l’autorisation de bénédiction des couples «irréguliers», validée par le motu proprio Fiducia supplicans (décembre 2023), ont certes été saluées par les catholiques pro-réformes. Elles ont cependant été critiquées pour avoir été «imposées» sans discussion préalable, alors que beaucoup pensaient que le sujet serait débattu au Synode.
«On sent bien que l’issue de cette Assemblée pourrait faire émerger de nouvelles déceptions, avertit un autre observateur français. Il y a une volonté de temporiser, pour éviter tout risque de schisme: on mesure, une nouvelle fois, combien l’Église universelle n’est pas uniforme…»
Admettant des déceptions, des responsables du processus en France appellent à prendre de la hauteur, rappelant notamment que les démarches ecclésiastiques sont complexes et prennent du temps.
La Croix relève également «de premiers résultats concrets sur le terrain», signes que le chemin synodal a tout de même «infusé». La méthode de la conversation dans l’Esprit a essaimé et est souvent réclamée chez ceux qui en ont fait l’expérience, souligne entre autres Guillaume Houdan, diacre du diocèse de Rouen et membre de l’équipe nationale du Synode. Des choses bougent aussi au niveau de la gouvernance de l’Église. Dans le diocèse normand, au moins les deux tiers des conseils épiscopaux sont désormais composés d’environ 35% de laïcs et de 30% de femmes.
En France, dans une petite dizaine de diocèses, certaines ont même été nommées «déléguées générales». Un webinaire de décryptage du Synode, lancé par l’Institut catholique de Paris, continue également de faire le plein d’inscriptions. (cath.ch/lacroix/arch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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