Éparche de Batroun, au nord de Beyrouth, Mgr Khairallah représente l’Église maronite au Synode sur la synodalité. Alors que son pays subit depuis plusieurs jours les bombardements et les assauts de l’armée israélienne, il a décrit sa présence à Rome comme «un déchirement» et a assuré que son «cœur est resté» au Liban.
L’évêque a insisté sur l’importance de sa présence à Rome, soulignant le fait que le pape François a insisté sur la dimension du pardon dans son discours d’inauguration du Synode. «Est-il impossible de parler de pardon quand les bombardements frappent tout le Liban? Non», a-t-il assuré.
Pour illustrer sa conviction, Mgr Khairallah a évoqué son expérience du pardon. «Quand j’avais cinq ans, quelqu’un est venu dans notre maison et a assassiné mes parents, sauvagement», a-t-il confié, la gorge nouée.
Il a poursuivi: «Une tante, moniale de l’ordre libanais maronite, est venue nous chercher, nous, quatre enfants. Le plus grand avait six ans, le plus jeune deux ans. Elle nous a emmené dans son monastère. Dans l’Église, elle nous a invité à nous mettre à genoux, et à prier. Prier Dieu de miséricorde et d’amour. Et elle nous a dit: ‘nous ne prions pas tellement pour vos parents, ce sont des martyrs auprès de Dieu, mais nous prions plutôt pour celui qui les as assassinés. Cherchez à lui pardonner tout au long de votre vie!’»
Devenu ensuite séminariste, le Libanais a été finalement ordonné en 1977, le jour de l’anniversaire de la mort de ses parents. À cette occasion, il a renouvelé sa «promesse de pardon, de pardonner à tous ceux qui nous ont fait du mal».
À l’époque, le pays est frappé par une violente guerre civile qui oppose des milices chrétiennes et musulmanes. Quelques semaines après son ordination, lors d’une retraite avec des jeunes, le Père Khairallah a constaté qu’il n’arrivait pas à convaincre son auditoire du bien-fondé du pardon. «Ils étaient tous armés pour faire la guerre contre nos ennemis», s’est-il rappelé.
Le jeune prêtre décide alors de leur raconter son histoire pour illustrer la vertu du pardon. Un de ses auditeurs lui répond: «Père, je suppose que tu as pardonné. Mais imagine que maintenant, tu te retrouves dans le confessionnal et cette personne [l’assassin de ses parents, NDLR] arrive devant toi, se confesse et te demande pardon, que feras-tu?» L’évêque a alors été forcé de reconnaître que la réponse à cette question «n’était pas facile» et a remercié le jeune en lui affirmant que grâce à cette question, il avait désormais fait une authentique expérience de pardon.
Jusque-là, Mgr Khairallah avait «pardonné de loin». Mais ce jeune, en lui mettant l’assassin de ses parents «devant lui», a fait comprendre au Père Khairallah que «pardonner est très difficile, mais pas impossible».
Malgré la guerre «sauvage» qui frappe encore son peuple depuis 50 ans, Mgr Khairallah s’est dit certain que la paix était possible si son peuple pouvait s’unir pour dire «assez!». «Laissons de côté nos hommes politiques, les nôtres et ceux des grandes puissances», a-t-il enjoint, les accusant d’agir pour servir leurs intérêts «à nos dépens».
«Ce qui se passe au Liban en ce moment, c’est que malheureusement le monde se tait et donne, comme on dit, son ‘feu vert’ à cette violence parce qu’il y a trop d’intérêts politiques et économiques en jeu», a-t-il dénoncé. Et il a ajouté: «les Américains, mais aussi les pays d’Occident ne nous soutiennent pas et ne soutiennent pas les pays opprimés».
Le pape François a décrété une journée de prière et de jeûne le 6 octobre, à la veille du premier anniversaire de l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, élément déclencheur du conflit en cours. À 17h, accompagné des membres du Synode, il se rendra à la basilique Sainte-Marie-Majeure pour réciter le chapelet et demander à la Vierge Marie d’intercéder pour les pays en guerre. (cath.ch/imedia/cd/bh)
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