Propos recueillis par Bernard Litzler
La 2e session du Synode se réunit. Qu’en attendez-vous?
Marc de Pothuau: Cette session va se concentrer sur la méthode de la conversation dans l’Esprit. Car le but du mouvement synodal n’est pas telle ou telle décision, mais le sensus fidei, c’est-à-dire une conscience ecclésiale, un «nous» habité par le Christ capable de discerner la volonté du Père.
Pour que ce «nous» ecclésial, donc la coresponsabilité, grandisse, il faut prendre conscience qu’il est plus précieux que toutes nos options partisanes. Le discernement ecclésial sera alors possible. Les délégués synodaux sont le germe d’une conscience communautaire renouvelée. J’appelle ça la personnalité messianique du peuple de Dieu.
Comment lutter contre la centralisation dans l’exercice du pouvoir dans l’Eglise?
Par le cléricalisme, le «nous» s’est réduit à une partie, à un «nous» exclusif. Or la mission de l’Eglise, c’est avant tout d’être témoin de la réconciliation au milieu d’une fraternité souffrante, et même fratricide. Le milieu fratricide, on le constate avec les abus dans l’Eglise. Et pourtant Dieu nous donne la force de la réconciliation à l’interne. Ce que nous avons à annoncer, c’est que nous sommes capables de vivre ensemble, dans ces cercles où le «nous» devient plus important que les décisions.
Les évêques suisses ont parlé d’«une Eglise en apprentissage»…
L’apprentissage est à ce niveau-là. Car la Pentecôte n’est pas le coup de foudre du premier amour. C’est la réconciliation entre les Apôtres qui se sont disputés pendant trois ans. La Pentecôte, c’est l’expérience ecclésiale de base, mais c’est aussi et surtout son sommet. Le Christ est ressuscité et vivant, plus fort que la mort et que nos tendances fratricides. Il recrée la fraternité.
«La Pentecôte, c’est l’expérience ecclésiale de base»
Quel est l’impact de la démarche synodale dans votre communauté?
Elle confirme l’importance de la méthode de la conversation dans l’Esprit, que nous pratiquons depuis plusieurs années. Mais la démarche est lente, car c’est un «nous». Et dans un peuple en marche, le rythme est donné par les plus lents.
Comment pratiquez-vous la conversation dans l’Esprit, à Hauterive?
On l’a mise au point avec le temps. Car on se rend compte qu’il faut récupérer l’avis de chacun. Si le groupe ne travaille pas sur lui-même, il va laisser le mépris s’installer. Et l’avis de certains va disparaître contre des avis autorisés. Le groupe n’est ecclésial qu’en tant qu’il est écoute de chacun, écoute de Dieu à travers chacun: parler les uns après les autres et ne pas se séparer avant d’avoir recueilli les avis de tous. L’Esprit parle à chacun pour qu’il se donne à tous et donner son avis, c’est s’offrir au groupe et ainsi à Dieu. C’est ainsi que le corps se constitue dans l’offrande mutuelle, que le Christ est au milieu de nous!
«J’attends du Synode […] que nous entrions les uns par les autres dans les sentiments du Christ.»
Quels sont, pour vous, les aspects les plus importants de la démarche synodale?
C’est la compréhension, la sensibilité à la démarche pastorale. Nous faisons, nous les moines inspirés par saint Benoît, un vœu de «conversion des mœurs», en plus de ceux d’obéissance et de stabilité. La vie commune est conversion, conversation des sensibilités pour entrer dans celle du Christ.
J’attends du Synode une conversion de ce type. Que nous entrions les uns par les autres dans les sentiments du Christ.
Quels sont les axes que privilégient votre communauté?
Nos deux axes actuels sont le silence et l’amitié. Silence: c’est un besoin toujours plus pressant. Nos hôtes aussi le recherchent. La rencontre avec Dieu a besoin de ce cadre-là. Ensuite l’amitié, fruit d’une rencontre dans le silence où la confiance peut naître, une alliance se célébrer. L’amitié dans le Christ va tracer, à travers le champ de ruines actuel, un chemin sous nos pas. (cath.ch/bl/synodalia)
Rédaction
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