Évangile de dimanche: Ce que Dieu unit

Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme? En termes plus actuels: est-il permis de divorcer? Les pharisiens cherchent à compromettre Jésus en le poussant à prendre position sur une question disputée entre deux écoles rabbiniques, une plus libérale, celle du rabbin Hillel, l’autre plus intransigeante dirigée par le rabbin Shammaï.

Sans se laisser entraîner sur le terrain du permis-défendu, Jésus prend de la hauteur et porte le débat sur une question plus essentielle, la nature même de l’homme et de la femme sortis des mains de Dieu. Plus que sur les normes juridiques, il attire l’attention de ses interlocuteurs sur la structure de la personne destinée à former un couple. Adam pousse son premier cri de joie lorsqu’il découvre en Eve le complément d’être dont il a besoin pour exister pleinement, en d’autres mots, au moment où il se reconnaît en lui l’image de Dieu, car Dieu a créé l’être humain à son image, «il les créa homme et femme» (Gn 1,27).

«Seul le libre choix de rester fidèle au projet du créateur justifie la fondation et la permanence d’un couple»

Avant les lois et les règlements civiles et religieux, plus décisif même que les sentiments, les coups de cœur, les conventions sociales et les sacro-saintes coutumes, c’est finalement le sceau du créateur imprimé au plus profond de la structure personnelle qui détermine le destin du couple. À l’instar de toute décision qui engage le sens d’une existence, tout vrai mariage doit s’appuyer sur ce fondement.

Seul le libre choix de rester fidèle au projet du créateur justifie la fondation et la permanence d’un couple. Qui ne construit pas sur ce socle ne peut se réclamer de la caution divine. Il reste fragile, et n’est pas assuré dans la durée. Les séparations et les échecs toujours plus nombreux en témoignent.

«Dans leur formulation, les normes générales ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières»

Bien souvent il a fallu le naufrage d’un premier mariage pour mûrir et découvrir qu’un engagement définitif et indissoluble selon le créateur se situe à un autre niveau de profondeur et de vérité. Au terme du long et douloureux apprentissage d’une union qui n’a pas tenu ses promesses, la parole de Jésus «Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas» peut concerner une nouvelle alliance.

Dans l’exhortation apostolique Amoris laetitia le pape François remarque que «les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières.» Dans une Église qui tient plus de l’hôpital de campagne que d’une douane, dont la mission est le ministère de la miséricorde, un temps de discernement peut ouvrir une route vers l’avenir en vérifiant jusqu’à quel point les grands principes concernent ou non une situation donnée.

«Comme pour le sabbat, le mariage est pour l’homme, et non l’homme pour le mariage»

Jésus lui-même en donne l’exemple dans sa discussion avec la Samaritaine, une femme aux cinq maris. Sans la condamner ni l’ostraciser, il la rejoint dans son désir plus fondamental d’un vrai amour. Comme pour le sabbat, cet autre précepte divin si rigoureux, le mariage est pour l’homme, et non l’homme pour le mariage.

Pierre Emonet SJ | Vendredi 4 octobre 2024


Mc 10,2-16

En ce temps-là,
    des pharisiens abordèrent Jésus
et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient :
« Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
    Jésus leur répondit :
« Que vous a prescrit Moïse ? »
    Ils lui dirent :
« Moïse a permis de renvoyer sa femme
à condition d’établir un acte de répudiation. »
    Jésus répliqua :
« C’est en raison de la dureté de vos cœurs
qu’il a formulé pour vous cette règle.
    Mais, au commencement de la création,
Dieu les fit homme et femme.
    À cause de cela,
l’homme quittera son père et sa mère,
    il s’attachera à sa femme,
et tous deux deviendront une seule chair.
Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
    Donc, ce que Dieu a uni,
que l’homme ne le sépare pas ! »
    De retour à la maison,
les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
    Il leur déclara :
« Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre
devient adultère envers elle.
    Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre,
elle devient adultère. »

    Des gens présentaient à Jésus des enfants
pour qu’il pose la main sur eux ;
mais les disciples les écartèrent vivement.
    Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit :
« Laissez les enfants venir à moi,
ne les empêchez pas,
car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
    Amen, je vous le dis :
celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu
à la manière d’un enfant
n’y entrera pas. »
    Il les embrassait
et les bénissait en leur imposant les mains.

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