Aux côtés de leurs petits compagnons, se tiennent dans la bonne humeur leurs maîtres et maîtresses, où plutôt leurs compagnons et ami·es, comme aime à les appeler l’abbé Robert Truong, curé modérateur de l’UP Champagne depuis 2019.
Les animaux domestiques occupent dans les foyers suisses une place affective souvent essentielle. Chiens ou chats sont même parfois pour des personnes seules les uniques compagnons de route. «Pour d’autres, souligne l’abbé Truong, c’est même plus facile de se tenir aux côtés d’animaux que d’êtres humains.» Les amener se faire bénir, comme en ce samedi ensoleillé à Bernex, c’est, pour leur maîtres venus de tout le canton, une manière de leur manifester de la reconnaissance.
«Ce sont des créatures comme nous, qui méritent d’être bénies», lance Françoise qui me présente Rainbow, un bull terrier de trois ans. «Ma femme est sensible à cette approche. Elle ne pouvait pas venir cette année, alors elle m’a délégué», explique de son côté Giorgio, venu avec son neveu Kenzo, 14 ans, pour faire bénir Pitchi, leur petite chihuahua à poils longs.
Cela fait quatre ans que l’abbé Truong organise des bénédictions d’animaux. «J’y pensais depuis un moment, dans l’esprit de l’enseignement du pape François, mais les lieux ne s’y prêtaient pas. Quand on peut le faire à l’extérieur, comme ici, c’est idéal. C’est encore plus fort symboliquement. Nous avons la chance d’avoir ce parc préservé de toute construction à côté de l’église St-Maurice. Il appartient à la fois à la paroisse et à la mairie de Bernex.»
En attendant le début de la cérémonie, les chiens, venus en force et tenus en laisse, découvrent les lieux et les autres participants. Jappements et reniflements sont de rigueur, tandis que sonnent les cloches de l’église. Prudente, l’espèce féline se tient un peu à l’écart de l’agitation. Deux de ses représentants ont gagné les branches d’un arbre devant l’église, tandis qu’une petite chatte blanche dort en boule dans sa poussette rose et qu’une jeune chartreuse reste bien à l’abri dans sa cage de transport. Pas de tortues ici, contrairement à l’an passé. «Cela aurait été trop compliqué de les amener. Nous avons plein d’animaux chez nous et nous sommes venus cette fois avec trois chiens et trois chats», explique Alain Tournier, de Lulier.
Au milieu du pré, sous un arbre, l’abbé Truong se tient prêt, avec tout son nécessaire: un bénitier – empli d’eau bénite par lui la veille – et son goupillon, un transistor et un téléphone portable. «La liturgie de bénédiction s’adresse tant aux animaux qu’à leurs maîtres, souligne-t-il à l’intention de cath.ch. Aussi je vais passer plus tard devant chacun et chacune, demander le prénom de chaque animal et celui de son accompagnant, avant de les bénir l’un après l’autre. Les bénir, c’est aussi bénir leur relation. Et selon ce qui est vécu, je vois parfois des larmes.»
Ce moment de partage est aussi vécu par le curé modérateur de l’UP Champagne comme une belle occasion de confirmer que les animaux ont du prix aux yeux de l’Église et d’attirer l’attention sur la longue tradition d’amitié entre les humains et les animaux soulignée dans la Bible. «Le récit du déluge et de l’arche de Noé présente déjà de manière étonnante les animaux comme les compagnons des hommes.» L’abbé a donc préparé une liturgie complète pour l’occasion, avec signe de la Croix, temps musicaux, lecture du livre de la Genèse 7 et 8, psaume de la création, explications et prières.
Au clocher de l’église, 15h sonne. La liturgie peut commencer. En arc de cercle autour de l’abbé, les participants rassurent leurs petits compagnons parfois agités. Attentifs à leur environnement, à l’atmosphère du moment, les animaux se tiennent dans un calme étonnant, surtout au moment des chants.
«Le Rituel des Bénédictions souligne que, selon la disposition providentielle du Créateur, ils participent à la vie des hommes, soit en leur apportant de l’aide pour les travaux, soit pour leur nourriture ou leur délassement», explique l’abbé à l’assemblée. «C’est une coutume ancienne, avec par exemple les bénédictions des chiens d’une meute de chasse à courre ou celle des chevaux. Elle remonterait à saint Antoine du désert, patron des animaux de ferme et des animaux domestiques», et a été développée au Moyen Age.
À l’époque, on bénissait les vaches, les veaux, les moutons, les cochons et les animaux de basse-cour, et «le bien-être des animaux était strictement lié à celui des hommes, puisque les moyens de subsistance des familles dépendaient principalement du lait, des œufs, de la viande qu’on obtenait d’eux», rappelle l’abbé.
Les choses ont changé et ce sont des chiens, des chats et d’autres petits animaux de compagnie que l’on demande de bénir. «Des animaux non pas nécessaires, comme autre fois, mais qui, avec leur compagnie et leur affection, rendent la vie des humains qui les accueillent dans leur maison plus agréable, et rappellent aux humains combien il est important de respecter et de prendre soin des petites créatures.»
Dans Laudato Si’, souligne encore l’abbé après le psaume de la Création, le pape François dit que «les êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu. Par leur simple existence, ils le bénissent et lui rendent gloire puisque le Seigneur se réjouit en ses œuvres.» Mais poursuit l’abbé, «l’intention des propriétaires» n’est pas toujours axée avec justesse. Faire bénir son animal, c’est orienter le lien d’affection qui l’unit à lui vers le Créateur. C’est remercier et louer Dieu de les avoir créés.
Commence alors la bénédiction proprement dite. Accompagné par Corinne Delpiano, secrétaire de l’UP Champagne, l’abbé Truong s’arrête devant chacun et chacune, invoque son nom et celui de son compagnon à quatre pattes lors de la formule rituelle et les asperge d’eau bénite. «Que le Seigneur te bénisse, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.» Dans les bras de leurs responsables ou assis au sol, chiens et chats observent leurs interlocuteurs, donnant au passage de petits coups de langue sur le goupillon présenté avec bonhomie par l’abbé.
La joie et les rires sont au rendez-vous, mais parfois aussi la tristesse. Car parmi les animaux bénis, cinq d’entre eux sont décédés, et ce sont leurs photos que brandissent leurs amis humains. «Ma chienne Belle a rejoint les étoiles. Pendant dix ans, elle a fait de la zoothérapie à l’EMS Les Châtaigniers, à Veyrier, et a fait sortir de leur chambre des pensionnaires qui ne la quittaient plus», raconte à l’issue de la célébration Anne-Marie Pugin – petit poussin en patois savoyard! – venue faire bénir à la fois la photo de Belle et Umia, la petite chatte qui l’a remplacée.
Un peu plus loin, sur le parvis de l’église, a lieu la rencontre avec Noemie Vycichl. «Je suis venue avec Charles, mon mari, Platinium, notre chien, et la photo de Daysi, la petite chienne de ma meilleure amie chez qui j’ai vécu un mois alors qu’elle ne pouvait plus se déplacer», raconte-t-elle avec émotion. «J’ai tous les jours promené Daysi, mais une voiture l’a renversée alors que je venais de lui lancer une balle dans un chemin tranquille et privé. Depuis j’y pense tout le temps, avec culpabilité.» Surnommée par ses amis la «Brigitte Bardot marocaine», cette musulmane n’a pas hésité un instant à se rendre à une cérémonie catholique. «Je me sens à présent libérée grâce à cette bénédiction. J’ai l’impression que Daysi m’a pardonné.»
Peu à peu, humains et bêtes s’éloignent, laissant derrière eux comme un parfum d’amour pour toutes les créatures et pour leur Créateur. (cath.ch/lb)
Toujours à Genève
Une autre bénédiction des animaux de compagnie est annoncée à l’église du Christ-Roi du Petit-Lancy, samedi 19 octobre 2024, à 14h30. Une première pour cette paroisse.
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
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