L’humour et l’Église

Cela faisait longtemps que je n’étais pas allée au spectacle pour assister à un one man show. J’avais peur, un peu prosaïquement, que tout ait changé depuis trente-cinq ans. Peur que le son soit trop fort, peur de ne pas supporter l’ambiance. Peur des changements.

Est arrivé au hasard d’une après-midi de zappette l’interview d’un humoriste français qui s’amusait à parodier et caricaturer tendrement la Suisse. Il s’appelle David Castello-Lopes. Si vous avez l’occasion, il est vraiment facétieux et surprenant à écouter.

Cet humoriste est spirituel. Singulier que cet adjectif «spirituel» qualifie à la fois une chose divertissante et une chose relevant de l’esprit, autrement dit de la croyance ou de la foi. Dans nos cultes réformés, l’habitude n’est pas de faire rire l’assemblée.

Étonnamment l’hilarité serait reçue comme un écart, une perte de solennité et de respect envers l’Église. Cependant la Bible n’exclut pas l’humour. Et nombre de commentaires ont mis en exergue la présence de plaisanteries dans les livres bibliques. Tout est abordé lorsqu’il est question de foi. L’être humain et tous ses aspects sont traités dans la Bible. De sorte que l’humour a également sa place.

D’où viennent cette retenue et cet interdit de l’humour dans nos célébrations? Une vidéo avait circulé, créant le buzz, d’un prêtre jouant presque le clown lors d’une messe. Une levée d’indignation considérait que cela revenait à ne pas prendre au sérieux Dieu, l’Église et la foi.

«Les évènements qui nous touchent revêtent un visage et une saveur autre lorsqu’ils sont enluminés par la foi»

Il est vrai que l’humour face à une personne ayant reçu une mauvaise nouvelle quant à son diagnostic médical ou l’humour face à des endeuillés s’avérerait entièrement inconvenant. Tout ne serait-il pas avant tout question de mesure? J’ai entendu des veuves et des veufs glisser des traits d’humour dans les entretiens de préparation aux services funèbres. Vous connaissez sûrement des personnes atteintes de maux incurables qui badinent avec leur état de santé. Le problème ne tire-t-il pas sa source de nos conceptions sous-jacentes. Un culte, une messe est le lieu où l’on rencontre le Christ mort et ressuscité. Sa Passion, sa crucifixion ne doivent pas, à nos yeux, prêter à sourire. L’imminence de la mort ou le déchirement de la séparation définitive ne sont pas sujets non plus à la frivolité. Les choses de Dieu ne tolèrent aucune désinvolture, sous peine d’être taxées de dérisoire.

Mais une vie n’est-elle pas dérisoire au regard de sa fragilité et de sa brièveté ?

Il me semble que la foi en Dieu est une lucide analyse de sa propre situation existentielle. Elle s’accompagne d’une espérance que malgré le caractère éphémère et négligeable de la vie, Dieu la magnifie et la rend incessible et unique. Le message évangélique appelle aussi à vivre pleinement libre sans l’entrave de la mortalité ou la peur de la décrépitude. Cette légèreté dans la vie devrait façonner des moments de joie où nos éclats de rire tiendraient la majeure partie de nos journées. De surcroît dans nos cultes et nos messes, lorsque nous célébrons la chance et le bonheur de connaître le contenu de ce message de libération.

Le spectacle de David Castello-Lopes a pour titre «Authenticité». Il nous transporte de manière irrésistiblement cocasse vers le rire et la détente en revisitant des épisodes personnels de son existence. La foi n’entreprend-elle pas d’accomplir le même chemin en nous? Les évènements qui nous touchent, fortunes et périls, revêtent un visage et une saveur autre lorsqu’ils sont enluminés par la foi. L’humoriste se moque de lui-même. Il fait preuve de finesse au sujet de situations jugées généralement malaisées. Le ressort de la foi en la vie, cadeau de Dieu, appelle à une mission analogue: goûter l’assurance de la grâce. Alors sourions!

Nadine Manson

11 septembre 2024

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