Abus: un an après l’étude de Zurich, au moins 270 signalements reçus

Présenté le 12 septembre 2023 à Zurich, le rapport du projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans l’Église catholique en Suisse dénombrait 1002 cas d’abus sexuels sur 921 victimes pour 510 auteurs entre 1950 et 2022. Un an plus tard, selon les données compilées par cath.ch, le nombre de signalements d’abus sexuels se monte à au moins 273 cas.

Même si plusieurs études historiques ponctuelles avaient été publiées depuis des années, le projet constituait la première démarche scientifique nationale commanditée par la Conférence des évêques suisses (CES), l’Union des supérieurs majeurs (KOVOS) et la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ).

A la différence d’autres études menées à l’étranger, les historiens se sont penchés non seulement sur les diocèses, mais aussi les corporations ecclésiastiques (Églises cantonales), les congrégations religieuses, les institutions catholiques, les mouvements de jeunesse ou les missions linguistiques.

Selon une compilation de cath.ch, au moins 273 signalements supplémentaires ont été enregistrés par les différents organismes d’accueil et les diocèses suisses depuis le 12 septembre 2023. Les résultats obtenus ne sont pas exhaustifs, mais ils complètent notre enquête parue en décembre 2023 et donnent une bonne idée de l’étendue du phénomène des abus. Les signalements sont venus des victimes, mais aussi de tiers pour des proches parfois décédés. Certaines victimes ont tenu à se signaler, mais ne demanderont pas d’indemnisation.

Au-delà des chiffres, se joue un élément très important. Des hommes et des femmes osent s’exprimer auprès des instances officielles après des décennies de silence. «Les victimes d’abus sexuels ne parlent pas du ‘jour au lendemain’», expliquait en 2023 à cath.ch Marie-Jo Aeby, ancienne vice-présidente du Sapec. Souvent, l’appel téléphonique ou le mail que la personne envoie est l’aboutissement d’un long cheminement. Les personnes s’en sont parfois ouvertes à des proches qui leur conseillent de s’annoncer, précisait-elle, «et vous n’imaginez pas l’énergie qu’il faut pour franchir le pas!»

Tous les organismes n’ont pas communiqué leurs données. Il faut admettre une marge d’erreur, l’une ou l’autre victime ayant pu s’annoncer auprès de différents organismes. Les données entre parenthèses renvoient à notre enquête parue le 14 décembre 2023.


Commission «Abus sexuel en contexte ecclésial» du diocèse de Sion:
La commission annonce avoir reçu 12 signalements (7 en décembre 2023). «En partie de la part des victimes présumées elles-mêmes, en partie de la part de tiers», précise son président Claude Bumann. Quatre cas ont déjà pu être clos après que la commission de réparation morale a versé aux victimes une somme à titre d’indemnisation sur la base des rapports de l’organe spécialisé. Dans les huit cas restants, les enquêtes de l’organe spécialisé sont encore en cours, mais toutes les victimes ont déjà été entendues. Tous les cas sont prescrits sur le plan pénal. Dans un cas, les faits se sont déroulés dans le diocèse, mais le prêtre étant d’origine étrangère, le dossier est instruit à l’étranger.

Commission «Abus sexuels en contexte ecclésial» du diocèse de LGF:
La commission annonce 20 signalements (13 en décembre 2023), dont huit cas ont été transmis ou sont suivis par la justice. Au moins 8 personnes mises en cause sont décédées. Les abus signalés se sont étendus de 1953 à 2003. Au 27 août, deux cas sont en cours de traitement par la commission diocésaine.

Diocèse de Bâle (inclus le Jura Pastoral):
Depuis la publication de l’étude-pilote, le 12 septembre 2023, le service indépendant d’annonce des abus sexuels dans le diocèse de Bâle, l’étude d’avocats Hess Advokatur AG, a reçu 120 signalements. Ce chiffre englobe les données pour le Jura Pastoral – la région francophone du diocèse de Bâle. Le diocèse de Bâle n’a pas souhaité communiquer sur la seule région du Jura pastoral où l’on dénombrait déjà 8 signalements en décembre 2023.
105 dossiers relatifs à du personnel, des personnes victimes, des paroisses et des ordres religieux ont été examinés avec, dans 76 dossiers, des recommandations détaillées à l’intention de Mgr Felix Gmür. Le diocèse de Bâle a suivi intégralement ces recommandations d’action. A la date du 27 juin, 44 dossiers sont actuellement en traitement. 95% des signalements déposés qui relèvent de la compétence diocésaine concernent des personnes accusées déjà décédées, des abus sexuels prescrits de la période 1930-2010 – soit avant l’entrée en fonction de Mgr Felix Gmür – ainsi que des signalements pour lesquels ni la personne accusée, ni la victime présumée ni le déroulé des événements ne sont connus ou identifiables.

Diocèse de Lugano:
Après la publication du rapport de l’Université de Zurich et l’invitation de l’évêque aux victimes à signaler les cas d’abus, il y a eu entre 10 et 15 signalements dans le diocèse de Lugano. «Nous ne savons pas combien de signalements sont parvenus au centre LAVI cantonal», précise le diocèse. L’administrateur apostolique, Mgr Alain de Raemy, avait invité les victimes qui ne souhaitaient pas s’adresser directement à l’Église à utiliser ce service de signalement externe.

La CECAR:
La Commission Écoute Conciliation Arbitrage Réparation a reçu 36 requêtes (il y en avait 18 en décembre 2023) de 17 femmes et 19 hommes qui avaient entre 6 et 17 ans au moment des faits, indique Brigitte Ansermet. Concernant les faits: 10 abus se sont produits en Valais, 7 dans le canton de Fribourg, 6 dans le canton de Vaud, 5 dans le canton de Genève, 4 dans le Jura, 2 dans le canton de Neuchâtel et 2 en Suisse allemande. Selon les témoignages, la majorité des auteurs sont des prêtres, précise Brigitte Ansermet. «Nous observons que chaque nouvelle annonce dans les médias (comme pour l’Abbaye de St-Maurice) a un impact et génère l’arrivée de nouvelles requêtes», ajoute Brigitte Ansermet.

Diocèse de St-Gall:
Depuis la publication de l’étude pilote, l’évêché de Saint-Gall a reçu, à la date du 20 août, environ 30 signalements d’abus. Le nombre de signalements concernant des accusés décédés ne peut pas être déterminé avec certitude. «Ce qui est sûr, c’est que dans six cas, l’auteur présumé est encore en vie, et qu’il s’agit quatre fois du même auteur présumé», précise le diocèse. Cela signifie que trois auteurs présumés sont encore en vie.

Diocèse de Coire:
Depuis septembre 2023, 21 personnes concernées se sont annoncées auprès du diocèse, rapporte le service de communication du diocèse de Coire. Les personnes concernées se sont adressées à l’organe diocésain spécialisé dans les abus sexuels mis en place dans le cadre de l’Église. Dans certains cas, les victimes ont directement contacté l’évêque.
Tous les cas ne concernent pas le diocèse de Coire. En raison de la responsabilité ministérielle de Mgr Bonnemain au sein de la CES, des victimes d’autres diocèses se sont également adressées à lui.
Tous les signalements concernent des abus sexuels, du harcèlement au viol. Dans presque tous les cas, les faits remontent à 70 ans. Un seul cas est récent. Trois cas concernent des mineurs. Un soutien, un accompagnement et une réparation morale sont proposés aux victimes.
Dans tous les cas où un délit a été commis, une plainte a été déposée auprès de la police ou des autorités judiciaires concernées, sauf si l’auteur présumé est déjà décédé, ce qui rend les poursuites pénales caduques. (cath.ch/ag/bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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