Par Camille Dalmas au Timor oriental, I.MEDIA
Beaucoup étaient arrivés la veille sur la grande esplanade de terre battue de Taci Tolu, immense terrain situé à la sortie ouest de Dili, entre le littoral et un lac protégé par une réserve naturelle. C’est là qu’en 1989, à l’époque où le Timor oriental était occupé par l’Indonésie, Jean-Paul II avait célébré la messe, un choix symbolique puisque de nombreux Timorais y avaient été massacrés.
Trente-cinq ans plus tard, « les fruits de cette visite ont porté », témoigne ›sister Maria’, une religieuse de 52 ans en charge d’une des nombreuses «chapelles», des tentes qui ont été dressées sur l’esplanade pour permettre des temps d’adoration eucharistique et pour conserver les hosties consacrées. Elle confie avoir voulu devenir religieuse après être venue voir le pape polonais.
Une chapelle a depuis été construite à l’entrée de l’esplanade, sur le modèle de l’uma lulik, lieu de culte traditionnel du pays, reconnaissable par sa construction sur pilotis et son toit pointu. Ce mardi, des dizaines de milliers de Timorais sont passés devant ce monument emblématique de l’histoire du pays pour venir voir le pape François.
Les fidèles, venus en nombre, ont été répartis parmi les 26 immenses zones délimitées par l’organisation, devant une grande estrade couverte d’un dais blanc.
Sous un soleil de plomb et une chaleur amplifiée par l’humidité, les vagues de fidèles sont venues remplir le vaste terrain munis de provisions pour résister aux longues heures d’attente. L’impression de marée humaine s’est accentuée avec le déploiement de milliers de parapluies aux couleurs blanc et or du Vatican.
L’espace manquant, de nombreux Timorais ont investi des terrains environnants, quand bien même ils n’offraient de vue ni sur l’autel ni sur les rares écrans géants. Dans les arbres, sur les toits des voitures ou les remorques de camions, des grappes de fidèles se sont hissées pour apercevoir le pontife argentin jaillir de la foule.
Le pape François est arrivé directement à l’autel sous les chants joyeux de la chorale, repris largement par la foule, et rythmés par les tam-tams traditionnels. Comme à son habitude, le pontife de 87 ans a présidé la messe en laissant le cardinal cardinal Virgílio do Carmo da Silva, archevêque de Dili, réciter la prière eucharistique à l’autel.
Dans son homélie prononcée en espagnol, le pape François a salué la jeunesse du pays. «Au Timor oriental, c’est magnifique parce qu’il y a beaucoup d’enfants : vous êtes un pays jeune où l’on sent partout la vie palpiter, exploser», s’est-il réjoui, assurant que cette jeunesse «renouvelle constamment la fraîcheur, l’énergie, la joie et l’enthousiasme» de ce peuple.
Dans une longue improvisation en fin de messe, le pape encore insisté sur ce thème. «Une ville qui apprend à ses enfants à sourire est une ville d’avenir», a-t-il lancé avant une mise en garde : «Mais attention, car on m’a dit que des crocodiles viennent sur certaines plages […] Faites attention à ces crocodiles qui veulent changer votre culture, votre histoire… ».
Ce n’est pas la première fois durant son périple en Asie et en Océanie que le pape insiste sur l’importance de la vitalité démographique. En Indonésie, devant les autorités du pays, il était sorti de son texte pour fustiger les politiques malthusiennes qui visent à limiter les naissances. Il avait donné comme «exemple pour tous les pays» l’Indonésie où les familles ont « trois, quatre ou cinq enfants », y opposant les familles qui préfèrent avoir un chien ou un chat.
« Dans toutes les parties du monde, la naissance d’un enfant est un moment lumineux de joie et de fête », a encore confié le pape dans son homélie, commentant une parole du prophète Isaïe – « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ». « Dieu fait briller sa lumière qui sauve à travers le don d’un fils » a-t-il poursuivi, confiant que « la fragilité d’un enfant porte en soi un message si fort qu’il touche même les âmes les plus endurcies ».
Faisant l’éloge de la petitesse, le pape a lancé aux catholiques timorais cet encouragement : « N’ayons pas peur de nous faire petits devant Dieu et, les uns devant les autres, de perdre notre vie, de donner de notre temps, de revoir nos programmes ».
Remerciant à la fin de messe le pape pour sa présence au Timor oriental, le cardinal Virgílio do Carmo da Silva a confié que ce jour marquait « une étape fondamentale dans le processus de construction du pays, de son identité et de sa culture », et ce 35 ans après la venue de Jean-Paul II qui avait selon lui était une « étape décisive de notre processus d’autodétermination ».
À la nuit tombée, après un tour en papamobile sur l’esplanade immense, le pape devait se retirer pour rejoindre la nonciature où il loge depuis son arrivée lundi au Timor oriental. (cath.ch/imedia/cd/hl/mp)
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