Le président Volodymyr Zelensky a promulgué cette loi d’interdiction le 24 août 2024. Il a donné neuf mois aux paroisses pour «couper les liens avec l’Église orthodoxe russe».
L’Église orthodoxe ukrainienne, la plus importante d’Ukraine, liée historiquement au Patriarcat de Moscou, s’en est détachée après l’invasion russe de l’Ukraine. Alors que les puissances occidentales qui soutiennent Kiev sont restées silencieuses, l’ONU a immédiatement exprimé son inquiétude, estimant que «la loi soulève de sérieuses inquiétudes quant au respect du droit international en matière de droits humains, en particulier la liberté de religion», selon Ravina Shamdasani, une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, à Genève.
Le pape François a condamné le dimanche 25 août l’interdiction par Kiev de l’Église orthodoxe ukrainienne, demandant «qu’on laisse prier qui veut prier dans ce qu’il considère son Église» et affirmant qu’«on ne fait pas de mal parce qu’on prie». Et de préciser: «si quelqu’un fait du mal contre son peuple, il sera coupable pour cela, mais il ne peut pas faire de mal parce qu’il a prié». François a clairement exprimé ses craintes en matière de liberté religieuse en Ukraine.
Le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE), le pasteur Jerry Pillay, et le président du COE, l’évêque Heinrich Bedford-Strohm, exhortent à la prudence concernant la loi adoptée par le Parlement ukrainien, la Rada, interdisant les activités des organisations religieuses liées à la Russie en Ukraine.
«Le gouvernement ukrainien a le droit souverain et la responsabilité de défendre l’intégrité territoriale de la nation et de protéger ses citoyens et ses citoyennes, ce qui est d’autant plus vrai dans le contexte de l’invasion illégale et de l’agression armée de la Russie», déclarent le pasteur Pillay et l’évêque Bedford-Strohm.
Le Conseil œcuménique des Églises n’a cessé de condamner la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, et «nous maintenons notre position inchangée», précisent-ils. «Les autorités ukrainiennes ont le droit de protéger la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et de poursuivre toute personne ayant commis des crimes contre les intérêts de l’Ukraine».
Dans le même temps, poursuivent-ils, «le COE est très alarmé par les risques de punitions collectives injustifiées visant toute une communauté religieuse et de violations des principes de la liberté de religion ou de croyance inhérents à la nouvelle loi adoptée par la Rada ukrainienne le 20 août 2024». «Nous appelons le gouvernement ukrainien à faire preuve de prudence quant aux mesures qui risqueraient de violer le droit fondamental à la liberté de religion ou de croyance et d’éroder la cohésion sociale en cette période d’urgence nationale», indiquent le pasteur Pillay et l’évêque Bedford-Strohm.
Depuis 2018, date de création de la nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine, dirigée par Mgr Epiphane, 1’502 communautés religieuses sont passées de l’Église orthodoxe ukrainienne du métropolite Onuphre – désormais interdite par les autorités de Kiev – vers l’Eglise de Mgr Epiphane, selon le Service d’État ukrainien «pour l’ethnopolitique et la liberté de conscience».
Selon le rapport du Service national d’ethnopolitique sur le réseau des organisations religieuses, au 1er janvier 2024, l’Église orthodoxe ukrainienne de Mgr Onuphre contrôle 10’919 organisations religieuses en Ukraine, dont 51 centres/administrations religieux, qui réunissent 10’586 communautés, ainsi que 214 monastères (104 femmes et 110 hommes), 34 fraternités et17 établissements d’enseignement religieux (11 secondaires et 6 supérieurs).
Soutenue par les autorités ukrainiennes, l’Eglise de Mgr Epiphane, au 1er janvier 2024, comprenait 8’295 organisations religieuses en Ukraine, dont 56 centres/administrations religieux, réunissant 8’075 communautés et 87 monastères, 16 fraternités et 26 établissements d’enseignement religieux (13 secondaires et 13 supérieurs).
Le métropolite Epiphane a appelé le métropolite Onuphre à un dialogue sur l’unification «sans conditions». Victor Elensky, chef du Service d’État de l’Ukraine «pour l’ethnopolitique et la liberté de conscience» (SEUELC), a déclaré que, comme le disent les lois ukrainiennes, s’il y a eu une véritable rupture entre l’Église orthodoxe ukrainienne et l’Église orthodoxe russe de Moscou, les responsables de l’Église orthodoxe ukrainienne dirigée par le métropolite Onuphre, «devraient faire des déclarations officielles».
«La loi stipule qu’il leur est possible de soumettre une déclaration indiquant que la structure de Mgr Onuphre, l’Église orthodoxe ukrainienne (l’EOU-PM/Patriarcat de Moscou) quitte l’Église orthodoxe russe de Moscou, que tous ses évêques et métropolites quittent l’épiscopat, le synode et les commissions synodales» du PM. «Alors tout sera clair», affirme Victor Elensky dans une interview à l’agence de presse nationale ukrainienne «Ukrinform».
Citant une analyse de la Charte de l’Église orthodoxe ukrainienne, commandée par les services d’État d’Ukraine, il affirme que l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU), dirigée par le métropolite Onuphre, entretient un lien canonique avec l’Église orthodoxe russe de Moscou, bien que l’EOU elle-même affirme qu’il n’y a plus un tel lien. Soulignons que lors de la réunion annuelle du clergé du diocèse de Kiev, le métropolite Onuphre a rappelé les résultats du Concile, qui s’est tenu le 27 mai 2022 à Kiev. Le Concile a décidé d’introduire dans la Charte sur la gestion de l’Eglise d’Ukraine des dispositions concernant son indépendance du Patriarcat de Moscou. Des modifications majeures ont été apportées aux statuts de l’Église «indiquant la pleine autonomie et l’indépendance de l’Église orthodoxe ukrainienne». Selon ceux qui ont assisté au Concile, les amendements comprenaient la suppression de tout lien avec l’Église orthodoxe russe de Moscou.
Kiev affirme que jusqu’à présent, l’EOU n’a pas le statut d’Eglise autonome et n’est donc pas reconnue par d’autres Eglises orthodoxes comme autonome. L’EOU a une certaine indépendance, mais reste une subdivision structurelle de l’Église orthodoxe russe. L’EOU n’aurait pas proclamé pas sa propre autocéphalie et ne l’aurait pas demandée à Moscou. Un responsable de l’État ukrainien qui a examiné les nouveaux statuts de l’Église orthodoxe ukrainienne confirmait pourtant que le document ne mentionnait plus aucun lien avec l’Église orthodoxe russe. Après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, plusieurs prêtres et évêques de l’EOU ont été soupçonnés de collaboration avec la Russie et des sanctions leur ont été appliquées. Kiev accuse toujours l’EOU de soutenir l’agression russe. (cath.ch/vaticannews/parlons’orthodoxie/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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