«C’est une spiritualité qui peut parler aux personnes d’aujourd’hui», assure à cath.ch Joseph Demierre. L’abbé fribourgeois est l’une des chevilles ouvrières de la relance d’une Fraternité séculière Charles de Foucauld en Suisse romande. Le prêtre est fasciné depuis très longtemps par l’ermite français, canonisé par le pape François le 15 mai 2022.
Lui-même pendant des années missionnaires en Colombie, il appartient à la Fraternité sacerdotale Charles de Foucauld. Il existe également une Fraternité religieuse, qui réunit les Petites Sœurs de Jésus et les Petits frères de l’Évangile. Tous ensemble, ils forment la ‘famille spirituelle’ du saint.
Des Fraternités séculières réunissant les laïcs, existaient bien à une certaine époque en Suisse romande. Elles ont cependant disparu, faute de relève. Mais la nouvelle médiatisation de Charles de Foucauld, dans le sillage de sa canonisation, a réveillé l’intérêt de nombreuses personnes.
«Car Charles de Foucauld est toujours actuel», insiste Joseph Demierre. Tout d’abord, l’histoire de cet ermite est celle de la profonde conversion d’un homme en perte de repères, comme le sont de nombreuses personnes aujourd’hui. Charles de Foucauld est né à Strasbourg le 15 septembre 1858 dans une famille d’aristocrates. Après avoir mené une carrière de militaire, marquée par une vie dissolue, il se rapproche petit à petit de la religion. C’est lorsqu’il décide pour la première fois de se confesser, à Paris en 1886, que la foi le saisit totalement. Il dit alors: «Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de vivre uniquement pour Lui.»
Suite à sa conversion, Charles de Foucauld a vécu d’abord comme moine trappiste, en France puis en Syrie, à Nazareth, en Palestine, et enfin comme ermite au milieu des Touaregs dans le Sahara algérien, où il sera assassiné en 1916.
Joseph Demierre a été l’un des initiateurs de la pièce de théâtre La Lumière du désert, qui a été jouée près de 40 fois en Suisse romande, depuis novembre 2022. L’acteur fribourgeois Jean Winiger y incarne Charles de Foucauld, principalement dans sa période d’ermitage dans le désert algérien.
«On ressent aujourd’hui un réel besoin de spiritualité, que ce soit chez les hommes, les femmes, les jeunes, remarque l’abbé Demierre. Le désert évoqué dans la pièce de théâtre, c’est le monde dans lequel nous vivons, qui se désertifie, autant au niveau écologique que spirituel, la vie-même y est menacée. Et nous croyons que la spiritualité de Charles de Foucauld, cette ‘Lumière du désert’, peut aider à faire resurgir la vie, là où il n’y a plus d’espoir.»
Cette quête de sens accomplie est susceptible d’inspirer de nombreux contemporains, estiment les personnes intéressées à relancer une fraternité séculière en Suisse romande. Ils ne sont pour l’instant qu’une dizaine, des personnes de différents âges, venant des cantons du Valais et de Vaud.
Le projet vise ainsi à reformer non pas une, mais ‘des’ Fraternités séculières dans les cantons romands. «Le but est de créer des groupes qui n’auront pas besoin de faire trop de route pour se rencontrer», précise Joseph Demierre. Avec un noyau de trois personnes à Sion, une Fraternité est déjà envisageable là-bas. Des approches sont faites actuellement dans les autres cantons, notamment à Fribourg.
Mais les Fraternités religieuse et sacerdotale existant actuellement en Suisse romande étant quelque peu vieillissantes, l’idée de Fraternités «mixtes», réunissant les prêtres, religieuses, religieux et laïcs, fait son chemin.
La nouvelle Fraternité s’est réunie tous les premiers samedis du mois depuis déjà un an, à la paroisse St-Joseph de Lausanne, pour une formation. Outre la coordination des démarches visant à créer des groupes dans d’autres cantons, les participants ont approfondi la spiritualité de Charles de Foucauld. «Nous avons un cahier fait par les Fraternités séculières d’Afrique, qui passe en revue les différents aspects de sa spiritualité», explique l’abbé Demierre.
Le groupe s’est penché sur les cinq aspects principaux de la spiritualité du saint du désert: Nazareth, la re-vision de vie à la lumière de l’Évangile, l’Eucharistie et l’adoration, le désert et la fraternité. Avant sa vie publique, Jésus a passé 30 ans caché à Nazareth, ce qui a fasciné Charles de Foucauld. «Nazareth, c’est là où nous vivons et travaillons ou étudions, selon nos divers états de vie, ou dans des situations parfois complexes ou douloureuses, telles que la maladie ou le handicap, dans la simplicité et le dépouillement», explique Joseph Demierre.
«Charles de Foucauld peut certainement aussi inspirer le monde catholique dans le contexte du Synode»
Lors des rencontres, les participants passent également en revue leur vie à la lumière de l’Évangile, pour y déceler les joies et les difficultés de leur parcours de foi individuel. L’Eucharistie étant au centre de la vie chrétienne, les fidèles prennent un temps d’oraison et de prière silencieuse devant le saint sacrement.
«La spiritualité de Charles de Foucauld était intimement lié au désert, rappelle l’abbé. Une fois par mois, nous vivons une journée de désert: nous nous retrouvons dans la nature, dans un endroit calme, où nous pouvons être davantage conscients que ce n’est pas nous qui travaillons, mais Dieu qui travaille en nous.»
«Mais l’aspect le plus important qui est au cœur de la spiritualité de Charles de Foucauld reste la fraternité. Il y a la fraternité entre nous, que nous tentons de renforcer, et la fraternité universelle. Charles de Foucauld était appelé le ‘frère universel’. Il nous amène à nous rendre frères des plus petits, des plus pauvres.» Alors que l’aspect ‘désert’ est principalement lié à l’encyclique Laudato si’ (2015) du pape François, l’approfondissement de la fraternité nous renvoie à Fratelli tutti (2020).
Alors que les démarches pour créer des Fraternités séculières en Suisse romande se poursuivent, le groupe continuera à se rencontrer en 2025. Les sessions se feront sur le même modèle, avec cette fois une focalisation sur les écrits de Charles de Foucauld.
Sa proximité avec les «périphéries» humaines, chères au pape François, son modèle d’évangélisation par la simple présence pleine d’humilité, peuvent aussi éclairer un monde actuel où les inégalités augmentent et où les «petits» dont parle l’Évangile peinent à trouver une place. «Le succès rencontré par la pièce de théâtre nous a montré que la figure de Charles de Foucauld rejoignait les gens, note Joseph Demierre. Y compris les jeunes. Ce qui nous a été confirmé lors de représentations dans des Lycées en France.»
Charles de Foucauld peut certainement aussi inspirer le monde catholique dans le contexte du Synode sur la synodalité qui scrutera l’avenir de l’Église en octobre prochain à Rome. «Il a été un pionnier dans le renouveau de l’Église, relève Joseph Demierre. Il a beaucoup inspiré le Concile Vatican II, notamment dans le sens de l’inculturation de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui.» (cath.ch/arch/rz)
Deux événements en lien avec Charles de Foucauld auront lieu prochainement en Suisse romande: le samedi 30 novembre 2024, une Fête de la fraternité universelle aura lieu à la paroisse St-Joseph de Lausanne, de 15h à 22h.
Une représentation de la pièce de théâtre La Lumière du désert est proposée le 7 et 8 février 2025 à l’église St-Nicolas de Flüe de Chailly-Lausanne, à 20h, à l’occasion de la Journée mondiale de la fraternité humaine, le 4 février. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/charles-de-foucauld-la-lumiere-du-desert-revient-en-suisse-romande/