A Gaza, à la Sainte-Famille, la vie continue sous les bombes

Alors qu’il reste moins de 400 catholiques dans la bande de Gaza, complètement dévastée par les bombardements israéliens qui ont déjà fait plus de 40’000 morts et près de 100’000 blessés, les enfants réfugiés dans les locaux de l’église de la Sainte-Famille continuent de recevoir une éducation de base.

Malgré la poursuite des frappes sur Gaza et la peur qui règne constamment dans cet univers de ruines, le Père Gabriel Romanelli, curé catholique de la Sainte-Famille,  dans la ville de Gaza, s’efforce de transmettre un sentiment de normalité à travers l’éducation. Le religieux argentin s’est donné pour priorité de veiller à ce que les enfants hébergés dans sa paroisse continuent de recevoir une éducation de base.

Deuxième année sans éducation appropriée

Malgré le climat d’incertitude absolue, l’Église catholique est déterminée à préparer l’avenir, en particulier en ce qui concerne l’éducation, déclare Sami El-Yousef, administrateur général du Patriarcat latin de Jérusalem, lors d’une visite en Terre Sainte d’une délégation d’«Aide à l’Eglise en Détresse ACN».

«Depuis son retour, le Père Gabriel a donné la priorité à l’éducation. Notre plan est de fournir une formation scolaire de base, étant donné que le mois d’août marque le début d’une nouvelle année scolaire, ce qui sera déjà la deuxième année sans éducation appropriée. Il reste encore quelques enseignants, mais d’autres sont partis et nous avons perdu le contact avec ceux qui sont restés dans le nord. Nous cherchons à louer le terrain en face de la paroisse, et peut-être à trouver des conteneurs à utiliser comme salles de classe temporaires».

«Nous continuons à prier pour la paix»

Le Père Gabriel explique ses tentatives pour ouvrir des classes pour les enfants, malgré toutes les difficultés auxquelles il est confronté: «Nous avons commencé à donner des cours aux enfants avec l’aide d’enseignants, de la maternelle jusqu’à la première année du lycée, en leur enseignant au moins l’arabe, l’anglais, les mathématiques et les sciences. Nous avons dû suspendre ces cours parce qu’il y avait beaucoup de roquettes qui atterrissaient à proximité, mais entre-temps, nous en avons repris quelques-uns», dit-il. Il ajoute, en soulignant l’engagement spirituel de l’Eglise: «Ce que nous n’avons jamais suspendu, c’est l’adoration, le chapelet ou la messe, et nous continuons à prier pour la paix».

Le complexe catholique abrite actuellement 416 chrétiens, catholiques comme orthodoxes, ainsi que 63 enfants avec un handicap, pris en charge par les Missionnaires de la Charité de Mère Teresa. 204 autres personnes, toutes orthodoxes, se trouvent dans le complexe orthodoxe adjacent.

Le Patriarcat latin gérait également une deuxième école à Gaza, qu’il a transformée en refuge. Il y avait des espoirs qu’elle pourrait reprendre ses activités lorsqu’un cessez-le-feu serait établi. Mais malheureusement elle a récemment été touchée par des missiles et rien ne garantit qu’elle soit à nouveau opérationnelle à l’avenir.

Gaza Sœur Nabila devant les ruines de l’école catholique des Sœurs du Saint Rosaire bombardée par les Israéliens | © Photo ACN

«Chaque semaine, nous perdons quelqu’un»

George Akroush, directeur du bureau de développement des projets du Patriarcat latin de Jérusalem, explique à ACN que les conditions de vie dans le complexe catholique sont difficiles pour cause de surpopulation, avec jusqu’à trois familles installées par salle de classe. «Il n’y a pas d’intimité pour les familles ou pour les couples. Certaines familles sont logées aux étages inférieurs, près des fosses septiques, mais comme ce n’est pas hygiénique, elles changent toutes les deux semaines. Évidemment, dans cette situation, les tensions augmentent et des disputes peuvent éclater».

Des personnes abattues par des snipers ou mortes faute de soins

Bien que les complexes chrétiens de Gaza soient relativement sûrs par rapport au reste de la région, il y a déjà eu plusieurs victimes. Certaines personnes ont été tuées par des tireurs embusqués ou des tirs de roquettes sur les enceintes, d’autres alors qu’elles tentaient de récupérer leurs affaires dans leurs maisons, mais la plupart sont mortes faute de soins médicaux.

«Chaque semaine, nous perdons quelqu’un, pas forcément à cause d’une opération militaire, mais à cause du manque de médicaments», explique Sami El-Yousef. «Des personnes âgées meurent alors qu’en temps normal, elles seraient encore en vie. Nous estimons qu’environ 35 personnes sont mortes et qu’environ 300 autres ont quitté la bande de Gaza. Plusieurs familles, lorsque la situation s’est calmée, ont décidé de rentrer chez elles, si elles avaient des maisons où retourner, mais avec la reprise des opérations militaires dans le nord, elles sont revenues dans le complexe», a déclaré l’administrateur général à la délégation de ACN.

En Egypte, 48 heures pour quitter le pays

Actuellement, le seul moyen de quitter Gaza est de passer par la frontière avec l’Égypte, lorsqu’elle est ouverte. Mais pour ce faire, il faut soit avoir un passeport étranger, soit verser un pot-de-vin aux fonctionnaires, sans parler de l’immense danger qu’il y a à atteindre la frontière. Une fois en Égypte, les réfugiés ont 48 heures pour quitter le pays. «Il y en a beaucoup qui veulent partir mais qui ne le font pas, parce qu’ils ne peuvent pas emporter leurs affaires, et parce que c’est dangereux», explique Mgr William Shomali, vicaire patriarcal pour la Palestine et Jérusalem-Est, tandis que Sami El-Yousef ajoute que «beaucoup de familles chrétiennes sont profondément enracinées à Gaza». (cath.ch/acn/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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