Comment expliquer ce retour du sourire? Il y a en premier lieu la fin d’un ras le bol de la politique. Les Français n’en pouvaient plus de voir défiler à la télévision des politiciens qui s’invectivent et se coupent la parole. Ils ont découvert qu’ils pouvaient participer ensemble à de grands évènements sans agressivité mais au contraire en dialoguant et en partageant des émotions. Ils ont redécouvert un «vivre ensemble» à travers le sport alors que la politique les avait excessivement opposés.
Il y a en second lieu la fierté d’avoir organisé un évènement mondial sans perturbation. Paris a réussi sa démonstration et s’est offert une publicité qui aura des retombées positives ces prochaines années. Les experts estiment ces retombées équivalentes au coût des jeux (environ 9 milliards d’euros).
Il y a enfin le peu d’intérêt que les Français portent à la dette publique. Pour l’État, ces jeux vont creuser la dette de 5 milliards d’euros. Imaginons le feuilleton que cela créerait à Berne: des discussions sans fin entre les chambres et une séance spéciale du Conseil Fédéral. Rien de tel en France. Le déficit budgétaire a été de 154 milliards en 2023 mais le gouvernement n’a toujours pas pris de mesures pour le réduire. Il n’y a pas eu d’équilibre budgétaire en France depuis plus de 40 ans.
«La culture française s’oppose à celle du peuple suisse qui met l’accent sur la prévoyance et le futur»
Comment cela est-il possible? La cause s’appelle l’euro. Si la France avait gardé sa monnaie, elle aurait été obligée de dévaluer au moins deux fois depuis le début des années 2000. Mais dans la zone euro, elle bénéficie, comme l’Italie, de la sagesse budgétaire des pays d’Europe du Nord et de l’Allemagne. Cela n’aura qu’un temps. L’ex-président Giscard d’Estaing disait que «les déficits commencent dans l’euphorie et finissent par la facture». L’euphorie ne durera pas au-delà de l’automne et du vote du budget, car le futur gouvernement sera au pied du mur de la dette (3100 milliards d’euros). Il devra augmenter les recettes et réduire les dépenses.
En attendant, les Français goûtent intensément ce moment. Leur culture s’oppose à celle du peuple suisse qui met l’accent sur la prévoyance et le futur. La Suisse est un pays où règnent les règles comptables d’équilibre et les assurances. La France est un pays de bons vivants où règnent l’instant présent et la consommation. En témoignent l’amour de la bonne cuisine et du vin.
Il est possible de rêver d’un équilibre entre les deux. Une Suisse plus encline au lâcher- prise et une France plus responsable dans ses choix économiques. Mais cet équilibre est illusoire. Nous devrons encore longtemps vivre avec nos différences sans émettre de jugement sur nos voisins. C’est aussi cela être européen.
Jean-Jacques Friboulet
21 août 2024
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