Le 16 août 2024, le Comité de la Verkhovna Rada [le parlement de Kiev] pour la politique humanitaire et de l’information a recommandé aux députés d’adopter le projet de la loi No 8371 qui prévoit une interdiction sur son territoire des activités de l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU), anciennement affiliée au Patriarcat de Moscou.
«Le Comité recommande que la Verkhovna Rada d’Ukraine adopte en seconde lecture le projet de loi ›Sur les modifications de certaines lois de l’Ukraine sur les activités des organisations religieuses en Ukraine’», peut-on lire sur le site du parlement ukrainien.
Le communiqué indique que «en particulier, le Comité a soutenu la proposition d’énoncer le titre du projet de loi comme suit: ›Sur la protection du système constitutionnel dans le domaine des activités des organisations religieuses’». En première lecture, le projet de loi du gouvernement interdisant l’EOU au Parlement a été adopté en octobre 2023. On s’attendait à ce qu’il soit débattu en deuxième lecture en juin 2024, mais cela ne s’est pas produit. Le 23 juillet, certains députés ont bloqué la tribune de la Rada, exigeant de mettre le projet aux voix, mais ils n’ont pas réussi pour le moment.
Le gouvernement de Kiev met en doute la séparation avec le Patriarcat de Moscou décidée par l’EOU. Les autorités accusent en outre régulièrement les ecclésiastiques de collaboration avec l’ennemi russe. La direction ecclésiastique de l’EOU a toujours rejeté ces accusations. Environ 10’000 paroisses et la plupart des monastères du pays appartiennent à l’EOU, une Église riche en traditions. Du fait de la guerre, l’EOU entretient désormais également des communautés à l’étranger, dont plus de 20 en Allemagne.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré qu’il avait rencontré des membres du Conseil panukrainien des Églises et organisations religieuses (CPUEOR) et les a remerciés d’avoir soutenu l’initiative sur «l’indépendance spirituelle». C’est ce qu’il a rapporté dans son message vidéo du 16 août. «Un projet de loi a été proposé à la Verkhovna Rada qui peut réellement garantir qu’il n’y aura pas de manipulation de l’Église ukrainienne» par l’agresseur russe et l’Église orthodoxe russe.
Le Service d’État ukrainien pour l’ethno-politique et la liberté de conscience a révélé le nombre de communautés religieuses qui ont déjà été «transférées» à l’Église orthodoxe d’Ukraine pendant la guerre. Selon ce service, en 2024, 159 communautés religieuses sont passées de l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU, sous l’omophore du métropolite Onuphre) à la juridiction de l’Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine (sous l’omophore du métropolite Épiphane).
Les autorités donneront 9 mois aux organisations religieuses «pour rompre leurs liens avec l’Église orthodoxe russe de Moscou». Les organisations religieuses disposeront d’un certain délai pendant lequel elles pourront accomplir un certain nombre d’actions indiquant qu’elles n’ont plus d’affiliation ou de lien avec l’Église orthodoxe russe.
Sa rivale, la nouvelle Église orthodoxe d’Ukraine fondée en 2018 à la demande du président ukrainien d’alors, Petro Porochenko, et de la Rada, une juridiction autocéphale dont le primat est le métropolite Épiphane, est favorisée par le gouvernement de Kiev et apparaît comme une «Église d’État».
L’EOU estime que le statut de l’Église orthodoxe d’Ukraine, reconnue comme autocéphale par le Patriarcat de Constantinople, présente des lacunes en matière de droit canonique. Le métropolite Épiphane a demandé au métropolite Onuphre des «discussions sans conditions préalables» pour «l’unification et la réconciliation nécessaires» entre les chrétiens orthodoxes d’Ukraine. Jusqu’à présent, l’EOU a conditionné les discussions à la fin des occupations d’églises par l’Église orthodoxe d’Ukraine proche du gouvernement de Kiev.
Des observateurs occidentaux mettent en garde l’Ukraine contre une violation massive de la liberté religieuse en cas interdiction complète de l’EOU, a rapporté samedi l’agence de presse allemande Katholische Nachrichten-Agentur (KNA).
Les membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont été informés des poursuites contre les fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne lors de la 56e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui s’est déroulée du 9 au 11 juillet. Pendant l’examen du rapport d’activités de la mission de suivi de l’ONU en Ukraine, présenté par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, plusieurs intervenants ont décrit la situation des hiérarques, des prêtres et des communautés de l’Église orthodoxe ukrainienne, «soumis à des persécutions de la part des autorités de ce pays», relève dans un communiqué le Patriarcat de Moscou, dont le patriarche Cyrille est un soutien de Vladimir Poutine et de sa politique. (cath.ch/kathpress/parlonsd’orthodoxie/mospat/be)
Jacques Berset
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