Wolfgang Holz, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
La chapelle Saint-Pierre, située à côté du pont de la Chapelle, va proposer une approche pastorale futuriste: les visiteurs pourront s’entretenir avec un «cyber-Jésus». L’installation artistique est à découvrir du 23 août au 20 octobre 2024. Déployée à l’occasion du centenaire de la Société suisse de Saint-Luc, elle se dénomme «Deus in Machina» – en une référence ironique à la citation latine «Deus ex Machina». Dieu ne sort ainsi plus de la machine, mais «devient» machine.
Le «cyber-Jésus» est une démarche artistique expérimentale et limitée dans le temps, développée par l’Église catholique de Lucerne en collaboration avec l’Immersive Realities Research Lab de la Haute École de Lucerne (HSLU).
«Il ne s’agit pas d’une situation de confession»
Marco Schmid, collaborateur théologique de la chapelle Saint-Pierre, les informaticiens Philipp Haslbauer et Aljosa Smolic, font partie de l’équipe artistique. La chapelle Saint-Pierre coopère avec le Lab depuis des années. L’institut a par exemple déjà conçu une crèche virtuelle.
«Il ne s’agit pas, en tout état de cause, d’une situation de confession, tient à préciser Marco Schmid à kath.ch. Car personne ne peut se confesser à une intelligence artificielle.» Le but est plutôt d’observer la manière dont les visiteurs s’entretiendront avec l’avatar de Jésus. «Nous sommes curieux de voir quels sujets seront abordés, si les personnes se contentent de faire les idiots ou si elles posent aussi des questions existentielles plus profondes.»
Le «cyber-Jésus» est polyglotte. Il reconnaît la langue de son interlocuteur et répond en conséquence. Seul le suisse-allemand lui fait encore défaut. Le système, basé sur différents programmes similaires au robot conversationnel d’Open AI chatGPT, s’efforce de trouver des passages bibliques qui correspondent aux préoccupations des visiteurs. En se basant sur les connaissances qu’elle a acquises et sur ces passages bibliques, l’IA forme ensuite une réponse. La capacité intellectuelle de l’IA étant limitée, les réponses peuvent avoir formellement un sens, sans être nécessairement correctes.
L’installation, qui permet aux visiteurs de s’entretenir en privé dans un confessionnal avec le «cyber-Jésus», n’a pas été envisagée comme un divertissement ou une attraction touristique. Il s’agit bien plus de soulever des questions éthiques et de faire prendre conscience des problématiques posées par l’IA dans le domaine du soin de l’âme. Alors que ces systèmes pénètrent de plus en plus notre quotidien, «la manière dont l’IA prend ses décisions est souvent opaque, une boîte noire qui rend difficile, voire impossible, de comprendre pourquoi elle arrive à un certain résultat», relève Marco Schmid.
«L’IA n’a pas de conscience»
Un autre point critique est qu’il manque à l’IA le niveau de signification du langage. Elle ne reconnaît que des lettres alignées les unes à côté des autres et ne peut pas saisir le sens profond derrière les mots et les phrases. «De plus, les IA ne possèdent pas d’intelligence sociale et émotionnelle, ce qui est particulièrement important dans le domaine de la pastorale religieuse, même si elles sont capables de saisir les émotions de leur interlocuteur par vidéo en utilisant les expressions du visage ou par audio en utilisant les inflexions de la voix. Il leur manque également une capacité morale. L’IA n’a pas de conscience.»
Alors qu’il l’a déjà testé à plusieurs reprises, le responsable ecclésial reconnaît cependant au «cyber-Jésus» la capacité de l’étonner. «Je dois dire qu’il donne des réponses vraiment intelligentes. Je suis toujours surpris, parfois même touché, par ce que peut dire cette machine.»
Marco Schmid souligne que, dans les paroisses locales, la thématique est pratiquement inexistante. Il en va autrement au Vatican, qui s’empare fréquemment de ces enjeux. Le pape en a notamment parlé lors du sommet du G7 (du 13 au 15 juin 2024 dans les Pouilles), où il appelé à ce que l’IA respecte la dignité humaine. Pour Marco Schmid, il est important pour un lieu de culte tel que la Peterskapelle, situé au cœur du réseau urbain, d’appréhender des évolutions sociales spécifiques et d’expérimenter de nouvelles formes de présence de l’Église dans le monde. (cath.ch/kath/wh/rz)
Rédaction
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