Cette fois, Jésus ne parle pas en parabole: sa chair n’est pas comme du pain qu’on mange. Elle n’est même pas comme la manne, ce pain descendu du ciel au temps de l’Exode où Dieu s’est fait boulanger pour son peuple. Jésus parle «en sacrement» ou en langue des signes, pourrait-on dire! Sa chair est le pain, ce qui signifie qu’elle nourrit. Son sang est une boisson, ce qui signifie qu’il abreuve: vraie nourriture et vraie boisson. Pas facile à avaler comme affirmation!
Les Juifs se demandent en effet, au point de se quereller: «Comment cela peut-il se faire?» Serait-ce un nouveau miracle? Non. Pas sûr que Dieu aime tant que ça faire des miracles d’ailleurs. Ce qu’il aime faire c’est «symboliser», parler par signes (ses miracles sont d’ailleurs d’abord des signes). Un signe ou un symbole, ce n’est pas une image, une façon de parler.
C’est une réalité concrète, matérielle souvent, qui en appelle, en désigne une autre, non accessible aux sens, intérieure à l’esprit et au cœur humains. Le pain désigne le corps de Jésus, mais pas dans sa matérialité. Dans le dynamisme, plutôt, du don qu’il en fait: don de sa communion avec le Père, don de sa propre vie qui nous ouvre la vie éternelle laquelle est vie du Père, du Fils et de l’Esprit en nous. Plus tard, au soir du Jeudi Saint, Jésus va instituer ce symbole. Un symbole institué par Jésus c’est ce que l’Église appelle un sacrement.
«Les sacrements sont la continuation de la chair du Christ comme pivot du salut»
L’abbé Zundel dit qu’un sacrement, c’est comme la tendresse dans les relations entre les personnes: il prend le dehors par le dedans. Il prend le corporel et le matériel par l’esprit, par le spirituel. C’est bien ce que fait Jésus dans son discours du Pain de vie. Il parle de notre communion à la vie divine en termes de chair à manger et de sang à boire.
Ses auditeurs – c’est-à-dire nous – auront à apprendre cette nouvelle langue car c’est la langue de Dieu: il part du dehors pour joindre et signifier le dedans. Il parle et agit ainsi car il nous a créés ainsi: en dehors de lui pour être en lui. C’est le grand dessein, la grande audace de son amour. Et cela éclate dans l’humanité de Jésus-Christ: il est sorti du sein du Père pour y retourner et nous y conduire par sa chair. Tertullien a cette belle formule: «La chair du Christ est le pivot du salut». Par elle, on passe du «en dehors de Dieu» au «en dedans de Dieu». Par elle, on passe aussi du dehors de l’homme en son dedans. Et c’est un même et seul passage opéré dans et par la chair de Jésus-Christ.
Les sacrements sont la continuation de la chair du Christ comme pivot du salut. Par eux, sa chair qui est passée par les souffrances et la mort, et qui a ressuscité d’entre les morts au matin de Pâques, touche la nôtre. Sa résurrection rend sa chair atteignable dans le pain et le vin consacrés en tout lieu et en tout temps: chair investie par l’Esprit, apte à se communiquer, apte à transformer ceux qui la touchent. Les transformer en quoi? En d’autres Christs, livrés à leur tour, vidés d’eux -mêmes, nourris de lui, vivants en lui, «pivots» et «sacrements» comme lui.
Sr Anne-Sophie, op | Vendredi 16 août 2024
Jn 6, 51-58
En ce temps-là,
Jésus disait à la foule :
« Moi, je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel :
si quelqu’un mange de ce pain,
il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c’est ma chair,
donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux :
« Comment celui-là
peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors :
« Amen, amen, je vous le dis :
si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme,
et si vous ne buvez pas son sang,
vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang
a la vie éternelle ;
et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture,
et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang
demeure en moi,
et moi, je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé,
et que moi je vis par le Père,
de même celui qui me mange,
lui aussi vivra par moi.
Tel est le pain qui est descendu du ciel :
il n’est pas comme celui que les pères ont mangé.
Eux, ils sont morts ;
celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
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