Les évêques sud-africains inquiets des activités de l'EI sur leur sol

Des enquêtes internationales indiquent que l’organisation djihadiste État islamique (EI) utilise l’Afrique du Sud comme plaque tournante financière, voire comme base arrière militaire. Face aux agissements terroristes croissants dans les pays voisins, les évêques d’Afrique australe ont tiré la sonnette d’alarme le 5 aout 2024.

«En ce qui concerne les récents rapports sur la présence et les opérations financières d’individus liés à l’EI en Afrique du Sud, je n’ai pas entendu beaucoup de réactions de la part du gouvernement à ce sujet», s’est exclamé Mgr Sipuka, président de la Conférence des évêques catholiques d’Afrique australe (SACBC). «Peut-être les considère-t-il comme insignifiants», a-t-il poursuivi, tout en affirmant sa propre inquiétude lors de l’Assemblée plénière de la SACBC (Afrique du Sud, Botswana et Eswantini – anciennement Swaziland), qui s’est tenue du 5 au 9 août.

Financement du terrorisme via l’Afrique du Sud

La présence de l’EI en Afrique du Sud se manifeste principalement via des opérations financières, a expliqué dans son discours Mgr Sipuka, évêque d’Umtata. En mars 2022, le Département du Trésor américain a identifié en Afrique du Sud des personnes et entités impliquées dans le financement du groupe djihadiste. Parmi elles, un intermédiaire basé à Durban, un certain Abubakar Swalleh, qui finance les activités de l’EI en République démocratique du Congo (RDC) par le biais des revenus d’activités criminelles (extorsion, enlèvement contre rançon). Selon le Département du Trésor, Swalleh facilite également le déplacement d’individus affiliés à l’EI de l’Ouganda vers l’Afrique du Sud et vice-versa, rapporte le journal en ligne Crux. Une autre personne basée à Le Cap formait au vol des recrues de l’EI.

Un rapport, encore plus alarmant de mars 2024 du Counter-ISIS Finance Group (CIFG), un organisme international dirigé par les États-Unis, l’Arabie saoudite et l’Italie, confirme cette présence financière de l’EI en Afrique du Sud, rapporte l’agence Fides. Il indique que des banques basées dans le pays sont devenues des intermédiaires pour les transferts de fonds de l’EI entre son siège continental en Somalie et ses cellules régionales.

Transfert technologique, recrutement et formation

Les enquêtes internationales indiquent en sus que la présence de l’EI en Afrique du Sud ne se limite pas à des transactions financières criminelles. Des cellules acheminent des fonds, des technologies et des biens matériels à des groupes du Mozambique et de Somalie. D’autres se chargent de recruter des sympathisants. Plusieurs Sud-Africains ont ainsi rejoint les djihadistes au Mozambique.

Le président de la SACBC a encore évoqué la découverte dans le Limpopo, à l’extrême nord-est du pays, d’un camp d’entraînement de 95 Libyens à titre d’«agents de sécurité». Selon la police, qui a fait une descente sur les lieux, il s’agirait plutôt d’un camp militaire des forces du général Haftar, qui contrôle depuis 2017  la Cyrénaïque, soit l’ouest de la Libye. Si des hommes de Haftar ont pu disposer d’un tel lieu d’entraînement sur le sol sud-africain sans que les autorités de Pretoria ne l’autorisent, on ne peut éliminer toute probabilité de présence de camps d’entraînement pour les djihadistes, a fait remarquer Mgr Sipuka.

L’Afrique du Sud pourrait être déstabilisée par l’EI

Le président de la Conférence des évêques catholiques d’Afrique australe a exprimé sa crainte que les conflits alimentés par l’EI dans les pays voisins, tels le Mozambique et le Nigeria, ne s’étendent à l’Afrique du Sud, rapporte Crux. Au Nigeria, où les chrétiens dénoncent l’islamisation du pays et où le groupe Boko Haram sévit depuis 2009, au moins 52’000 personnes ont été tuées en 14 ans selon l’ONG Société internationale pour les libertés civiles et l’état de droit, connue sous le nom d’Intersociety. Quant au Mozambique, il affronte depuis 2017 la violence terroriste du groupe Ansar al-Sunna, en particulier au nord, dans la province du Cabo Delgado. La déstabilisation de ces pays par l’EI entraîne beaucoup de souffrances parmi les gens ordinaires, a rappelé l’évêque d’Umtata.

Les élections d’Afrique du Sud évoquées

Au-delà des questions de sécurité, les évêques ont également évalué le déroulement des élections générales de mai 2024 en Afrique du Sud et la direction prise par le pays avec le gouvernement d’unité nationale formé par le président Cyril Ramaphosa. Le parti de celui-ci, le Congrès national africain (ANC), a en effet perdu la majorité des sièges et a dû faire alliance avec d’autres formations politiques.

Mgr Sipuka a déclaré que virage offre à l’Afrique du Sud «une bouffée d’air frais», car le gouvernement à parti unique était devenu le symbole de la stagnation. «Les Sud-Africains commencent à comprendre et à pratiquer la démocratie, en donnant la priorité au bien commun plutôt qu’à la loyauté envers les partis», a-t-il ajouté. (cath.ch/fides/crux/lb)

Lucienne Bittar

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