Dans un rapport de 2004, Amnesty International s’alarmait déjà. L’organisation de défense des droits humains montrait que la peine de mort est prononcée à Singapour de manière souvent dissimulée, disproportionnée et arbitraire contre les membres les plus marginalisés ou vulnérables de la société. «Nombre de personnes exécutées sont des travailleurs migrants, des toxicomanes, des indigents ou des illettrés.» Amnesty citait encore un rapport des Nations Unies indiquant que Singapour exécute proportionnellement trois fois plus de personnes que le deuxième pays sur la liste, l’Arabie Saoudite.
Depuis, aucun changement n’a eu lieu et les exécutions capitales continuent à battre des records dans ce pays. Seule une interruption de deux ans a eu lieu entre 2020 et 2022, pour cause de Covid-19. Le ›retard’ sur les exécutions a vite été comblé: 11 exécutions capitales ont eu lieu en 2022, puis cinq en 2023 avec, en juillet 2023, ce qui semble être la première exécution d’une femme dans cette cité-État depuis deux décennies, et toujours pour des infractions liées aux stupéfiants. Le trafic de plus de 15 grammes d’héroïne est passible de la peine de mort en vertu des lois strictes de Singapour sur les drogues.
Pour Chiara Sangiorgio, spécialiste de la peine de mort à Amnesty International. «il n’existe aucun élément prouvant que la peine de mort ait un effet dissuasif particulier ou qu’elle ait un impact sur l’usage des stupéfiants et leur disponibilité. En réalité, elle a pour effet de sanctionner de manière disproportionnée les personnes désavantagées d’un point de vue socio-économique ou appartenant à des catégories de population marginalisées et de leur faire subir encore plus de discriminations.»
Le pape François, qui se rendra à Singapour le mois prochain, est lui aussi favorable à l’abolition de la peine de mort, une peine tout à fait injustifiable à ses yeux. Il a fait modifier en aout 2018 le Catéchisme de l’Église catholique pour que le «non» sans exception à la peine de mort y figure et devienne un élément de foi catholique. La version de 1992 du catéchisme de l’Église catholique, en effet, n’excluait pas explicitement la peine capitale dans des cas extrêmes.
«Aujourd’hui on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens de sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir. C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne.»
Le Catéchisme indique encore que «l’Église s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde», peut-on lire dans la version française du texte modifié par le pape François (n°2267).
La peine de mort est contraire à l’Évangile car «elle met fin à la vie d’un homme; or toute vie humaine est sacrée aux yeux de Dieu, qui est en définitive le seul vrai juge», avait argumenté le pape en 2017 dans un discours aux participants d’une rencontre organisée par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.
Dans l’État pontifical aussi, les juges ont longtemps prononcé la peine de mort. La dernière exécution a eu lieu sous le pape Pie IX en 1870. «La priorité de la miséricorde sur la justice a été négligée», avait alors souligné le pape. «Assumons la responsabilité du passé et reconnaissons que ces moyens étaient déterminés par un esprit plus légaliste que chrétien.» (cath.ch/lb)
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
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