Le conseil de saint Dominique pour être un bon évangélisateur

Comment annoncer l’Évangile? Saint Dominique, le fondateur de l’Ordre des prêcheurs, répond à cette question par un conseil clair: «Si tu veux annoncer l’Évangile, choisis d’être un mendiant, de demander ta subsistance à ceux que tu rencontres». Réponse surprenante… mais message précieux et moins anachronique qu’il n’y paraît!

Attendre quelque chose de celui que l’on évangélise

Proclamer l’Évangile c’est évidemment transmettre une parole à quelqu’un qui ne l’a pas reçue. C’est aussi être prêt à prononcer parfois un propos tranchant qui ne plaira pas à tous. Prêcher c’est donc prendre le risque que la parole soit rejetée. Mais le prédicateur ou l’évangélisateur (peu importe comment on l’appelle) court un autre risque plus pernicieux: celui de mettre la main sur la parole qu’il annonce. Ce faisant, il peut transformer la parole en outil de domination sur les autres ou en faire une idole qui le dispense de chercher Dieu («C’est moi qui suis chargé de proclamer l’Évangile; c’est moi qui possède la Vérité de Dieu»).

La mendicité est là pour préserver l’évangélisateur de ces travers. Mendier quand on annonce la parole consiste, en effet, à se placer volontairement dans une position de nécessité à l’égard de l’autre. Non pas pour dire à l’autre ce qu’il souhaite entendre. Mais pour se rappeler que la personne à qui j’annonce l’Évangile peut être constituée par Dieu instrument de sa Providence pour moi. J’ai une Parole à lui porter au nom du Christ; mais j’attends aussi que l’autre me donne quelque chose, même si c’est un simple verre d’eau.

Une attitude à imiter aujourd’hui

Nous ne sommes pas tous appelés à partir sur les routes sans pain ni sandales. Mais nous pouvons tous adopter une attitude de mendicité en annonçant la Parole. Une attitude qui consiste à attendre quelque chose de l’autre à qui nous parlons du Christ.

Deux disciples éminents de saint Dominique l’ont bien compris. Le premier est saint Thomas d’Aquin, à la fin du XIIIe siècle. Il affirmait à propos de ceux qui l’approuvaient comme de ceux qui le combattaient: «Il faut aimer les deux à la fois, à savoir ceux dont nous suivons les opinions et ceux dont nous rejetons les opinions. Les deux, en effet, se sont appliqués à rechercher la vérité et nous ont aidé sur ce chemin». Le second est plus près de nous: il s’agit du bienheureux Pierre Claverie (1938-1996). Il déclarait quelques jours avant sa mort comme martyr en Algérie: «On ne possède pas Dieu. On ne possède pas la vérité et j’ai besoin de la vérité des autres».

Ces disciples de saint Dominique l’ont compris: annoncer l’Évangile ce n’est pas s’enfermer dans une chaire dorée ou délimiter les critères d’accès à un groupe de «purs». C’est tendre deux mains. Une main pleine pour prêcher les trésors de sa Parole. Une main vide pour mendier les surprises que la Providence a préparées en l’autre pour nous faire progresser dans notre recherche de Dieu.

Jacques-Benoît Rauscher OP

7 août 2024

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