«Face à la pression croissante pour retirer les œuvres créées par le Centre Aletti, nous nous sentons obligés d’exprimer notre grande inquiétude face à la diffusion de la soi-disant cancel culture et d’une pensée qui légitime la ›criminalisation’ de l’art», relève sa directrice Maria Campatelli dans une lettre aux amis de fin juillet 2024.
C’est la première fois que le Centre Aletti s’exprime publiquement sur la controverse sur la légitimité ou la nécessité de retirer des églises et des sanctuaires les œuvres de son fondateur, le Père Marko Rupnik, accusé d’abus sexuels sur des femmes adultes.
Dans l’attente de l’issue de la procédure en cours, le Centre Aletti avait décidé de s’abstenir de toute défense publique, «par respect pour les accusatrices, pour la procédure et pour les organes qui en sont chargés». Il avait ainsi évité de prendre part à un procès médiatique. Mais la pression de l’opinion publique a poussé ses responsables à s’exprimer.
Maria Campatelli rappelle d’abord que l’une des normes juridiques les plus fondamentales est la présomption d’innocence. «L’oublier conduit au paradoxe d’exiger une condamnation sans appel avant le procès et d’appeler au sacrifice d’un bouc émissaire, en se référant aux victimes dans un sens générique. Dans le cas précis du Père Rupnik, toute personne ayant été lésée ou violée par un représentant de l’Église est en droit de se sentir offensée par l’art créé par l’Atelier du Centre Aletti. Mais ce n’est pas par l’injustice que la justice peut être recherchée. Ce qui n’est pas issu de la bonté ne peut générer des fruits de bonté.»
Le deuxième argument est que l’art créé par l’Atelier du Centre Aletti ne porte pas la signature d’une seule personne, «mais a pour seul auteur la communion de prière et de créativité de dizaines d’artistes et de théologiens qui participent activement à chaque projet en synergie, dès le début, avec la communauté ecclésiale locale qui a désiré l’œuvre.»
Ainsi «le retrait d’une œuvre d’art ne doit jamais être considéré comme une punition ou un remède. Une telle mesure ne peut pas non plus être imaginée comme une ›punition’ publique d’une des personnes impliquées dans une œuvre commune.
«Si la sollicitude pastorale à l’égard des personnes qui souffrent est nécessaire et légitime, elle ne peut justifier l’enlèvement ou le recouvrement d’œuvres d’art, car cela crée une souffrance supplémentaire – non seulement pour les artistes et les théologiens qui ont participé à leur création, mais aussi pour tant de croyants qui, grâce à ces œuvres, ont pu contempler la Parole de Dieu, souvent à un moment difficile de leur vie», insiste Maria Campatelli. (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
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