Jacqueline Straub, kath.ch/traduction et adaptation: Lucienne Bittar
Que dit la Bible sur le sport?
Markus Lau: Les textes bibliques ne sont pas des écrits déconnectés du monde. Ils sont issus d’époques et de mondes culturels concrets, dont le sport fait partie. (…) Dans le Nouveau Testament, la course de Pâques entre Pierre et le disciple bien-aimé jusqu’au tombeau de Jésus est célèbre. Le disciple bien-aimé prend la tête de la course, avant de laisser Pierre l’emporter (Jn 20,4-6). Ce détail narratif «sportif» sert à caractériser les deux personnages du récit.
Pour citer un deuxième exemple, Paul joue avec la métaphore de la compétition sportive pour se mettre en scène en tant qu’«athlète de l’Évangile», selon le titre d’une étude de la spécialiste du Nouveau Testament Uta Poplutz (Athlet des Evangeliums), et pour motiver ses destinataires à réaliser eux aussi des performances «sportives» de haut niveau à la suite de Jésus (1 Co 9,24-27).
Quels étaient les sports connus à l’époque de Jésus?
L’Antiquité connaissait toute une série de sports individuels, dont nous avons pris connaissance par des textes anciens, des découvertes archéologiques et surtout des représentations picturales. Il y avait des compétitions de course, le saut en longueur, le lancer du disque, la lutte… Les sports équestres, sous la forme de différentes courses de chars, étaient aussi très prisés, pour ne citer que quelques sports. Les Anciens auraient également classé dans le monde du sport les compétitions artistiques (chant, théâtre ou poésie) qui se déroulaient dans les théâtres. En ce sens, les compétitions musicales faisaient partie des fameux Jeux panhelléniques, dont faisaient également partie les anciens Jeux olympiques.
Quelle était l’importance du sport à cette époque?
Elle était très grande. En témoignent non seulement les nombreuses œuvres d’art représentant des motifs sportifs et le prestige lié à la victoire dans le sport, par exemple aux Jeux olympiques, mais aussi les investissements très coûteux dans la construction d’installations sportives antiques – stade, cirque, arène.
Les courses de chars permettaient à certains d’assouvir leur passion pour les paris. Pour d’autres, c’est l’expérience du spectaculaire, voire de la brutalité, qui était recherchée avant tout, notamment avec les combats de gladiateurs et les courses d’animaux. En tant que phénomène de divertissement de masse – il suffit de penser à la célèbre expression «du pain et des jeux» -, le sport pouvait en outre générer des sentiments communautaires et tisser des liens de loyauté, par exemple entre l’élite et la population ordinaire.
Une question spéculative: quel sport Jésus aurait-il pu pratiquer?
C’est vraiment une question spéculative. On pourrait dire que le Jésus des évangiles du Nouveau Testament se débrouillerait plutôt bien dans le domaine des sports d’endurance, comme la marche olympique. Tous les évangiles, en effet, racontent que Jésus a beaucoup marché, et de manière endurante, en Galilée, en Samarie et en Judée. Il n’a pas hésité à faire de longues randonnées en direction de Tyr et de Sidon ainsi qu’en Décapole.
Jésus et son groupe n’ont pas seulement marché par monts et par vaux en Galilée. Ils se sont mis en route, de manière très consciente, avec un équipement clairement insuffisant. Ils ont adopté ce «radicalisme itinérant», comme certains l’ont nommé, comme expression corporelle de leur confiance en l’arrivée proche du Royaume de Dieu (Mt 10,7-10).
«Jésus et son groupe se sont mis en route, de manière très consciente, avec un équipement clairement insuffisant.»
Sinon je suppose que Jésus se serait plutôt intéressé aux sports d’équipe, car il n’était pas un combattant solitaire. La communauté était pour lui une valeur centrale. Il aurait cependant eu du mal avec le caractère parfois très compétitif de nombreux sports, qui connaissent des gagnants et des perdants. Il aurait préféré une victoire sans perdants.
Quel serait le message de Jésus aux JO aujourd’hui?
Différents leitmotivs, symboles et devises sont associés aux JO. Je pourrais très bien imaginer que Jésus les reprenne et relie leur signification à sa vision fondamentale du Royaume de Dieu. La flamme olympique symbolise une période de paix, les cinq anneaux sur fond blanc représentent les liens entre les différentes parties du monde et donc la communauté, des valeurs que nous retrouvons également dans la prédication de Jésus.
Jésus aurait-il apprécié la devise latine de base d’Olympie Citius, altius, fortius, plus vite, plus haut, plus fort?
Je n’en suis pas sûr. Le quatrième terme communiter, ensemble, ajouté en 2021, lui aurait sans doute davantage convenu. L’idée olympique «l’important, c’est de participer» correspond de manière frappante avec le contenu de certaines paraboles de Jésus. Prenez le récit des ouvriers de la dernière heure (Mt 20,1-16) Que l’on ait beaucoup ou peu travaillé aux vendanges importe peu. Ce qui compte, c’est d’y participer. Et à la fin, tous reçoivent le même salaire sous la forme d’une pièce d’argent. Ce n’est pas la quantité de travail qui compte, mais «d’être là». (cath.ch/kath.ch/js/lb)
Lucienne Bittar
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