La compassion…lieu de la Révélation?

Les gestes sont éloquents et impressionnants…Ceux d’Élisée, évoqués dans le passage du deuxième Livre des Rois à l’occasion d’une famine, …: «vingt pains d’orge et du grains frais…comment donner cela à cent personnes? On mangera et il en restera», repris magistralement chez St-Jean, par Jésus: «cinq pains d’orge et deux poissons…pour plus de cinq mille hommes…et ils remplirent douze paniers…restés en surplus.»

Comment tout cela résonne aujourd’hui pour nous? Au-delà de l’extra-ordinaire, n’avons-nous pas à comprendre autre chose? La compassion, n’est-elle pas ici le lieu de la Révélation?

C’est vrai que la Bible nous parle souvent de nourriture. Elle va même jusqu’à comparer le Royaume à un grand banquet…une noce…Et cela a du sens. C’est l’éveil à un «bonheur» qui se révèle à nous et dont les prémices nous sont déjà offertes maintenant dans l’ordinaire de nos vies…Alors, comment articuler ces paroles de l’Écriture, dans cet ordinaire du quotidien et dans notre quête de foi?

«Les disciples comprennent-ils le sens profond de ce qui est en train de se passer?»

Soyons clairs, ces prémices de «bonheur» ne sont pas non plus comprises par ses disciples et encore moins par la foule. Il y a là, comme une tragédie vécue par Jésus. Son geste est perçu comme compassionnel au sens le plus noble, mais il a une signification toute particulière. Il se veut révélation d’un Don plus grand que tout, celui de Sa vie.

Alors, que se passe-t-il après ce geste extra-ordinaire? Les disciples comprennent-ils le sens profond de ce qui est en train de se passer. En un mot, de ce qu’il y a derrière le signe de cette multiplication des pains. Pourrions-nous d’ailleurs le leur reprocher? N’avons-nous pas aussi à faire un chemin: mieux comprendre le sens du Don inconditionnel de Sa vie qui, par grâce, anime notre propre compassion à l’égard de notre prochain, puisée, entre autres, lors de nos eucharisties?

«Que Celui dont nous recevons le Pain de vie, nous aide à comprendre et à vivre ce ‘commandement nouveau’!»

Jésus, ici, vient nous aider à reconnaître nos limites pour aller plus loin au cœur de la compassion pour nos frères et nos sœurs. Oui, Il est attentif aux détresses de chacune et chacun. Oui, Il donne à manger aux affamés. Oui, Il guérit les malades…Mais, et c’est là le cœur de ce passage de saint Jean, il ne veut être en aucune manière prisonnier de sa compassion, de ce qu’il fait, de son action, de ses gestes, de l’amour qu’il témoigne. En se retirant tout seul dans la montagne, il nous montre le chemin: celui qui nous fait découvrir que tout acte d’amour pour l’autre se doit d’être un acte de vérité qui le respecte ainsi que son histoire et sa liberté. Nous touchons là le sens profond de ce qu’est «la charité» (1 Co 13, 13).

Prenons conscience que ce grand moment de compassion, que nous vivons dans cet évangile avec Jésus «…de l’autre côté de la mer de Galilée…», s’éclairera par les Adieux qu’il fera à ses disciples en leur donnant un «commandement nouveau: comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres, à ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples…» (Jn 13, 34-35).

Que Celui dont nous recevons le Pain de vie, nous aide à comprendre et à vivre ce «commandement nouveau»!

Frère Michel Fontaine OP | Vendredi 26 juillet 2024


Jn 6, 1-15

En ce temps-là,
    Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, 
le lac de Tibériade. 
    Une grande foule le suivait, 
parce qu’elle avait vu les signes 
qu’il accomplissait sur les malades. 
    Jésus gravit la montagne, 
et là, il était assis avec ses disciples. 
    Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
    Jésus leva les yeux 
et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. 
Il dit à Philippe : 
« Où pourrions-nous acheter du pain 
pour qu’ils aient à manger ? » 
    Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, 
car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. 
    Philippe lui répondit : 
« Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas 
pour que chacun reçoive un peu de pain. » 
    Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : 
    « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge 
et deux poissons, 
mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » 
    Jésus dit : 
« Faites asseoir les gens. » 
Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. 
Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. 
    Alors Jésus prit les pains 
et, après avoir rendu grâce, 
il les distribua aux convives ; 
il leur donna aussi du poisson, 
autant qu’ils en voulaient. 
   Quand ils eurent mangé à leur faim, 
il dit à ses disciples : 
« Rassemblez les morceaux en surplus, 
pour que rien ne se perde. » 
    Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers 
avec les morceaux des cinq pains d’orge, 
restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.

    À la vue du signe que Jésus avait accompli, 
les gens disaient : 
« C’est vraiment lui le Prophète annoncé, 
celui qui vient dans le monde. » 
    Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever
pour faire de lui leur roi ; 
alors de nouveau il se retira dans la montagne, 
lui seul.

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