Contrairement aux plantes vivantes, souvent cultivées en serre, avec un besoin constant de soins et une durée de vie limitée à quelques années, les plantes artificielles et les stabilisées offrent une longévité exceptionnelle et ne nécessitent pas d’entretien. Elles sont en vogue, tant auprès des particuliers que des entreprises, assure Maëlle Adobati, chargée de projet à Végétal Tendance. La création de l’olivier de l’église du Sacré-Cœur de Genève a cependant été un défi à part entière pour cette petite entreprise artisanale, spécialisée dans ce domaine.
Ravagée par un incendie en juillet 2018, l’église du Sacré-Cœur de Genève a rouvert ses portes à Plainpalais le 1er juin 2024, après trois années de rénovation sous l’égide de sa paroisse et de l’Église catholique romaine – Genève (ECR), marquant ainsi le retour des communautés francophone et hispanophone dans ce lieu historique. Nouveau siège de l’ECR, le bâtiment accueille aussi dorénavant une partie de son personnel à l’étage.
Jean-Marie Duthilleul, spécialiste du réaménagement et de la modernisation des églises, et l’agence Ribo+, représentée par Christian Rivola et Sara Anzi, ont conçu l’architecture des lieux autour d’un espace central sacramentel. La Maison d’Église de Genève est aujourd’hui à la fois un lieu de vie spirituelle et d’enracinement de l’Église dans la ville. Ce lien entre le Ciel et la Terre est notamment symbolisé par la présence d’un grand olivier en son cœur, un arbre qui a donné son nom au restaurant qu’elle abrite aussi, «L’Olivier du Sacré-Cœur».
Impossible pourtant d’assurer la survie d’un olivier en pot dans un tel espace. «Un olivier ne peut pas vivre en intérieur. Il a besoin de beaucoup de lumière et de changement de températures», précise Maëlle Adobati. Et de place pour étendre ses racines!
La société Végétal Tendance s’est donc chargée de la création d’un olivier sur mesure, composé du tronc d’un arbre mort, sans racines donc, sur lequel une composition de feuillage a été fixée à l’aide de vis. Le tout garanti «100% stabilisé ».
«Le tronc, les branches et le feuillage ont été préalablement trempés dans un bain de glycérine végétale, un produit naturel, pour assurer leur conservation. Les feuillages ont absorbé cette glycérine et se retrouvent ainsi figés dans le temps», explique la paysagiste.
Seules deux entreprises dans le monde possèdent le brevet de cette glycérine végétale et effectuent ce travail de stabilisation, précise-t-elle encore.
Le défi, dans le cas du Sacré-Cœur, était de répondre aux demandes précises de Ribo+ en ce qui concerne la forme de cet olivier et ses dimensions. «Les demandes pour les oliviers d’intérieur sont de plus en plus fréquentes, d’autant plus que toutes les plantes ne sont pas stabilisables, en particulier celles qui contiennent beaucoup de sève. Nous travaillons généralement sur des tailles standards. La demande des architectes du Sacré-Cœur a été un challenge au vu de ces dimensions inhabituelles et de l’architecture de ce lieu d’exception. Il n’a pas été facile de trouver un tronc si grand, en bon état, non rongé de l’intérieur.»
Le photomontage imaginé à l’origine par les architectes représentait un gros olivier âgé et tordu. «Nous n’arrivions pas à trouver un tronc répondant totalement à ces vœux. Nos arbres proviennent d’une pépinière espagnole. Ce sont des troncs d’oliviers morts.» Végétal Tendance essaye en effet de récupérer au maximum des troncs d’arbres déjà morts, pour ne pas avoir à en abattre.
Maëlle Adobati a ainsi eu plusieurs échanges avec Ribo+ en ce qui concerne la conception du tronc et le calibrage de l’arbre, afin que le résultat final corresponde le plus possible au projet. Il a fallu aussi répondre aux contraintes de sécurité contre les incendies, car ces arbres ne sont pas traités contre le feu.
L’équipe de l’entreprise vaudoise, formée de techniciens et créateurs spécialisés dans le végétal, a alors fait une première proposition, avec un tronc naturel mais un feuillage artificiel. Cela n’a pas plu aux architectes qui souhaitaient un ensemble plus naturel.
L’entreprise générale EDIFEA s’est alors entendue avec la police du feu pour installer les sprinklers* nécessaires autour de l’arbre. «Cela nous a permis de suggérer un tronc naturel et un feuillage stabilisé, et c’est cette solution qui a été retenue.»
Plusieurs troncs récupérés disponibles ont été proposés à Ribo+ dont le choix s’est porté sur celui présent aujourd’hui dans le Sacré-Cœur. Des visuels présentant le repiquage de branchage ont été présentés ensuite dans un deuxième temps aux architectes. Et c’est sur place que le branchage a été posé, suite à la mise en place, non aisée, de cet arbre de 350 kg!
«C’est de la reconstitution d’arbre. Il serait possible, par exemple, d’accrocher une nouvelle branche à l’avenir», précise Maëlle Adobati, illustrant ainsi la flexibilité et l’adaptabilité de ces créations. «C’était la première fois que nous œuvrions dans un espace sacré», souligne la chargée de projet, qui dit espérer renouveler l’expérience dans d’autres églises. (cath.ch/lb)
*Appareil d’extinction se déclenchant en cas de chaleur excessive dans un local ou un site lors d’un incendie.
Le paradoxe des plantes stabilisées
Société spécialisée dans la végétalisation d’intérieurs, Végétal Tendance propose des œuvres uniques, des murs ou tableaux végétaux, artificiels ou stabilisés, qui ne demandent ni arrosage ni rempotage, etc. «Les gens ne veulent pas nécessairement du vivant, car ils n’ont pas tous la main verte, mais ils souhaitent aussi avoir du naturel chez eux. Et tant pis si les avantages du ›vivant’ se perdent, comme la dépollution de l’air permise par certaines plantes, ou une hydrométrie plus importante. Ce que cherche les clients, c’est l’impression que la nature a élu domicile chez eux, sans ses inconvénients comme de possibles insectes.
L’arrivée d’un couple venu découvrir le tableau végétal conçu pour eux par la petite entreprise confirme ces dires. Composé de lichens et de mousses en provenance de forêts nordiques stabilisées, il représente une forêt primaire vue de dessus. «C’est tout à fait comme ça que je l’imaginais», explique la cliente. «J’ai beaucoup voyagé, en Malaisie notamment. Je voulais une œuvre végétale qui me rappelle la jungle et qui ne se dégrade pas sur le long terme. Je retrouve ces dégradés de verts qui m’ont tant transportée là-bas.» LB
L’ECR abrite sur son site une page spéciale consacrée à l’église du Sacré-Cœur, avec notamment des articles consacrés à la signification symbolique de l’olivier et aux travaux d’autres artisans ayant œuvré à sa restauration. LB
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
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