Hong Kong: Un an après, qu’est-ce qui a changé?

APIC – Dossier

Les catholiques s’interrogent

Hong Kong, 6 juillet 1998 (APIC) Un an après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, qu’est-ce qui a changé dans ce territoire. En bien ou en mal? Reste que rien n’a vraiment changé aujourd’hui. Si ce n’est la diminution du tourisme, de l’argent en abondance pour une partie de la population, de l’opulence d’alors. Crise financière en Asie oblige. Les catholiques s’interrogent. Avec Fides, l’agence APIC publie ce dossier

Un an après le retour de Hong Kong à la Chine, les méthodes du gouvernement pour limiter les libertés civiles, pour saper les intérêts du travail et refuser une avancée plus rapide de la démocratisation, se sont introduites dans le territoire, même si aucune ingérence directe évidente de Pékin dans les affaires de Hong Kong n’a pu être vraiment ressentie. Cette manière conservatrice de comportement de la nouvelle administration de Hong Kong est préoccupante, estiment les catholiques et les observateurs. Et pourtant, font-ils remarquer, il est trop tôt pour conclure que Hong Kong va mieux ou plus mal après le passage de l’Angleterre à la Chine.

Le fait que de nombreuses personnes ont éprouvé le besoin d’élever la voix ou de participer à des manifestations pour défendre leurs droits et leurs intérêts, indique le deuxième aspect de la dynamique du territoire pendant la première année passée sous le régime chinois, qui a aussi été assombrie par la crise financière asiatique.

Beaucoup de gens à Hong Kong sont descendus dans la rue durant l’année écoulée pour faire entendre leur mécontentement et leurs griefs sur les questions qui vont de la régression du développement politique et des droits de l’homme, à la croissance du chômage, en passant par les faillites d’entreprises en raison du poids financier trop lourd, mais aussi à cause des taux élevés des banques.

Les protestataires du lieu sont aujourd’hui davantage soumis aux poursuites de la police que lorsque le territoire était sous domination britannique. Les catholiques relèvent que la nouvelle administration tend à faire passer les manifestants en justice dans le but de supprimer les libertés civiles.

Pas plus de condamnations

Ils citent les poursuites et la condamnation de quatre protestataires, dont un fonctionnaire de la Commission «Justice et Paix» du diocèse de Hong Kong, pour une manifestation contre la Banque Mondiale, en septembre dernier. Pendant ce temps, un syndicaliste a été accusé d’avoir troublé l’ordre public en utilisant un haut parleur pour diffuser des slogans en dehors d’un hôtel, pour protester contre le traitement injuste du personnel de l’hôtel, licencié. Mais il a été acquitté. Dans un autre cas, deux protestataires pro-démocrates ont été jugés coupables d’avoir profané le drapeau chinois pendant une manifestation du 1er janvier, alors que, auparavant, il n’y avait pas de peines contre ceux qui profanaient le drapeau britannique avant le «passage» (handover).

Apparemment, il n’y a pas eu plus de poursuites judiciaires contre ceux qui protestent en faveur des droits de l’homme, après le «passage» qu’auparavant relève cependant An Chung-yuk, secrétaire général de la Commission catholique de Hong Kong pour le Monde du travail. «La police ou le gouvernement sont intervenus plus pour des luttes de civils en faveur des droits des employés…»

La liberté de parole des gens a été sapée, estime pour sa part Mary Yuen, secrétaire d’une Commission sociale de l’Eglise catholique. Elle affirme que la police a abusé de ses pouvoirs en recourant à la violence contre les protestataires.

Selon Yuen, la police ne se sert pas nécessairement de l’Ordonnance sur l’Ordre Public controversée et amendée, approuvée en hâte dans la législation en juin de l’an dernier pour donner pouvoir à la police de présenter des objections au nom de la sécurité, en vue de contrôler la liberté de parole des gens. La réalité a montré que la police peut utiliser d’autres lois pour bâillonner l’opposition des gens, comme ce fut le cas pour les protestataires de la Banque Mondiale, accusés de faire obstruction à la police et de l’avoir attaquée.

Yuen note en outre que même si le problème des abus de pouvoir de la part de la police existait déjà avant le «passage», et si les victimes, à l’époque, étaient habituellement suspectes de menées criminelles, «à présent, ils (la police) ont pour but d’intervenir contre les protestataires et contre les participants à des manifestations».

Les catholiques et même quelques observateurs considèrent que le problème se rattache plus au contrôle fait par la nouvelle administration de Hong Kong qu’à une intervention de Pékin.

Interférences de Pékin et craintes de Hongkong

«Nous ne voyons aucune interférence directe du gouvernement central jusqu’à présent, fait de son côté observer le Père franciscain Stephen Chan. Mais Tung Chee-hwa (Chef de l’Exécutif), ses collaborateurs et la législature provisoire (à présent morte) ont pris apparemment la Chine en considération et essayé de voir ce qu’il y a dans l’esprit de Pékin. Ils ne veulent pas offenser la Chine», relève le Père Chan, professeur au séminaire de philosophie et de théologie du Saint-Esprit.

«Si cette pratique continue, les conséquences s’accumuleront et l’élément chinois deviendra plus évident». Cette coutume a déjà eu ses conséquences dans l’attitude quotidienne du gouvernement. Le refus d’entrée à un dissident chinois éminent, Yan Jiaqi, est un exemple pour Hong Kong. Yan, qui vit en exil aux Etats-Unis après avoir fui la répression du mouvement pro-démocratique de Tienanmen, a essayé d’entrer à Hong Kong depuis Macao où il se trouvait à l’occasion d’une visite récente. Il est évident que le gouvernement de Hong Kong ne voulait pas mettre dans l’embarras la Chine et a refusé l’entrée du dissident. Avant le «passage», les dissidents du continent en exil étaient rarement empêchés de rendre visite à Hong Kong.

Même si l’on ne sait pas si certaines décisions sont prises sur des interférences de Pékin ou simplement sur l’intention du gouvernement de Hong Kong de ne pas offenser la Chine, un membre haut placé du gouvernement à Hong Kong a déclaré à la presse que les personnalités officielles chinoises devaient avoir donné des consignes sur la manière de mettre en pratique les décisions politiques depuis le passage.

Une Eglise timide mais engagée

Côté Eglise, on n’a constaté aucun changement évident sur la liberté de religion à Hong Kong. Les habitants continuent à pouvoir jouir du droit de pratiquer leur foi. Toutefois, on a imposé aux religions la coopération avec le gouvernement pour le choix de leurs représentants au Comité d’Election, composé de 800 membres. Le Diocèse catholique a coopéré «passivement» même s’il s’est opposé au mode non démocratique d’élection qui passait par le Comité d’Election. La décision, cependant, fait craindre que cette concession politique ne place l’Eglise elle-même dans une situation difficile si, à l’avenir, le gouvernement continue à exiger de l’Eglise une coopération du même genre.

Pour le Père Chan, la coopération diocésaine passive avec le gouvernement aux élections, a été un incident isolé. L’Eglise a continué sa participation sociale après le «passage». L’Eglise, par ses commissions diocésaines, comme la JPC, la Commission pour les Affaires du Travail et d’autres, a lutté contre la législation et les politiques injustes comme l’Ordonnance sur l’Ordre Public, l’Ordonnance sur les Sociétés, la non-observation des lois du travail qui garantissaient les contrats collectifs et la loi anti-discrimination contre les syndicats, et le refus du droit de rapatrier les enfants de Chine continentale qui étaient arrivés illégalement à Hong Kong avant le «passage», même s’ils possédaient les droits de résidence sous la Loi fondamentale, ajoute le prêtre.

Le Père Chan fait aussi observer que l’Eglise a été plus active dans la propagation de la foi sous le gouvernement chinois «parce qu’il y avait un sentiment d’insécurité».

Sur les relations avec l’Eglise en Chine, le Père Chan constate que, après le passage, il a été plus difficile pour les prêtres chinois de se rendre à Hong Kong pour participer à des rencontres. Les autorités locales de Chine, dit-il, ont réduit le nombre des permissions de sortir de Chine pour les prêtres du continent. Il ajoute que ce problème relève du domaine de la politique de la Chine continentale plutôt que de celle pratiquée à Hong Kong. Le Père Chan insiste enfin pour dire que l’Eglise doit être plus ferme pour s’opposer à des choses déraisonnables… (apic/fides/pr)

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