A son arrivée, il a été accueilli par le cardinal Matteo Maria Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), l’évêque de Trieste Mgr Enrico Trevisi, par Mgr Luigi Renna, archevêque de Catane et président du comité d’organisation des Semaines sociales ainsi que par le président de la région Massimiliano Fedriga et le maire de Trieste.
La première étape de son voyage s’est déroulée dans le centre des congrès de Trieste, où il a prononcé devant des milliers de participants le discours de clôture des Semaines Sociales des catholiques italiens, un événement dont le thème est «Au cœur de la démocratie». Cette année, la ville du nord-est de l’Italie, située non loin de la frontière slovène, était le théâtre de ces rencontres, articulées autour du thème «Au cœur de la démocratie. Participer entre histoire et avenir».
Dans son discours, François a d’abord cité l’économiste et sociologue Giuseppe Toniolo (1845-1918) qui fut l’un des pionniers de l’Action catholique italienne et qui lança en 1907 la première édition des Semaines Sociales. Celui-ci définissait la démocratie comme «cet ordre civil dans lequel toutes les forces sociales, juridiques et économiques, dans la plénitude de leur développement hiérarchique, coopèrent proportionnellement au bien commun». Fort de cette définition, «il est évident que la démocratie n’est pas en bonne santé dans le monde d’aujourd’hui», a constaté François.
Le pape argentin a notamment salué «la contribution décisive des catholiques» dans le processus de maturation de l’ordre démocratique après la Seconde Guerre mondiale. Les évêques de la Péninsule ont poursuivi au fil des ans leur réflexion sur le sens d’une démocratie vertueuse, en particulier dans leur note pastorale en 1988, année au cours de laquelle les Semaines Sociales reprirent après 17 ans d’interruption: «donner un sens à l’engagement de chacun dans la transformation de la société; prêter attention aux personnes qui restent en dehors ou en marge des processus et des mécanismes économiques gagnants; donner de l’espace à la solidarité sociale sous toutes ses formes».
Cette vision, enracinée dans la doctrine sociale de l’Église, va bien au-delà du contexte italien, a poursuivi le pape François, qui a tenu à développer sa réflexion autour de deux axes: «la crise de la démocratie comme un cœur blessé», et «l’encouragement à la participation, pour que la démocratie ressemble à un cœur guéri».
La démocratie ne se limite pas seulement au droit de vote du peuple, a souligné le pape, mais exige que soient créées les conditions de l’expression et de la participation de tous. Une participation «qui ne s’improvise pas, a précisé François: elle s’apprend dès l’enfance, dès la jeunesse, doit être «préparée», y compris au sens critique «face aux tentations idéologiques et populistes». «La démocratie n’est pas une boîte vide, mais elle est liée aux valeurs de la personne, de la fraternité et de l’écologie intégrale».
La démocratie est un modèle en crise et les raisons sont multiples, a encore expliqué l’évêque de Rome, elles ne se limitent pas à la corruption mais se voient aussi à travers les différentes formes d’exclusion sociale. «Chaque fois qu’une personne est marginalisée, c’est l’ensemble du corps social qui souffre. La culture du rejet dessine une ville où il n’y a pas de place pour les pauvres, les enfants à naître, les personnes fragiles, les malades, les enfants, les femmes, les jeunes», a-t-il martelé.
Revenant sur son discours devant le Parlement européen et au Conseil de l’Europe en 2014 à Strasbourg, le pape a souhaité aussi rappeler combien la démocratie était enrichie par l’apport du christianisme, visible à travers la volonté de toujours recentrer les débats sur les questions liées à la vie humaine et à la dignité de la personne. «À cette fin, les principes de solidarité et de subsidiarité restent féconds», a dit François.
«Chacun doit se sentir partie prenante d’un projet communautaire, personne ne doit se sentir inutile. Certaines formes d’assistanat qui ne reconnaissent pas la dignité des personnes relèvent de l’hypocrisie sociale. Et l’indifférence est un cancer de la démocratie», a-t-il encore expliqué.
L’encouragement à la participation est donc un autre axe essentiel à promouvoir, a précisé François, «pour que la démocratie ressemble à un cœur guéri». Le pape a ainsi invité à regarder «les nombreux signes de l’action de l’Esprit Saint dans la vie des familles et des communautés» qui sont les signes à ses yeux d’une démocratie revivifiée, citant de nombreux exemples: ceux qui font la place aux personnes handicapées, aux travailleurs qui ont renoncé à l’un de leurs droits pour empêcher le licenciement d’autres personnes, aux administrateurs qui favorisent la natalité, l’emploi, les écoles, les services éducatifs, l’accès au logement, la mobilité pour tous et l’intégration des migrants.
Dans son discours, le pape a regretté que le sens du mot «peuple» se soit perdu dans la crise démocratique qui traverse de nombreuses sociétés. Selon lui, il est nécessaire de retrouver «un rêve collectif» qui dépasse la somme des individualités. Mais François a mis en garde aussi contre les populismes: «Ne nous laissons pas piéger par des solutions faciles. Engageons-nous plutôt pour le bien commun», a-t-il exhorté. «C’est notre devoir de ne pas manipuler le mot démocratie, de ne pas le déformer par des titres vides de contenus capables de justifier n’importe quelle action».
Face à la démocratie en crise, les catholiques sont ainsi invités à la responsabilité, ce qui «ne signifie pas tant de prétendre d’être entendu, mais surtout d’avoir le courage de faire des propositions de justice et de paix dans le débat public», a-t-il poursuivi. Plaidant pour «l’amour politique», il a ainsi invité les catholiques présents à Trieste (et au-delà) «à être une voix qui dénonce et propose dans une société souvent sans voix et où trop de gens n’ont pas de voix».
Concluant son discours, François a enfin invité à partager l’enseignement social de l’Église afin d’être force de dialogue et d’espérance dans la société. «Tel est le rôle de l’Église: impliquer dans l’espérance, car sans elle, on administre le présent mais on ne construit pas l’avenir». (cath.ch/vaticannews/be)
Jacques Berset
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