Olivier Guyot et Julian James: sous la peinture, l’histoire

Olivier Guyot et Julian James sont à la tête de l’atelier Saint-Dismas de conservation et restauration, à Martigny (VS). Spécialisés dans la peinture murale, les tableaux et le bois polychrome, ils évoquent un métier qui leur fait «traverser les siècles» en redécouvrant des trésors picturaux.

Hormis une Vierge Marie sculptée dans une défense d’éléphant posée dans un coin, la grande table de travail blanche, centre de gravité autour duquel l’atelier semble être agencé, est nue et diffuse une douce clarté sous des tubes de néon et de puissants éclairages de chantier. Tout est calme dans cet atelier impeccablement rangé, situé dans la zone d’activité économique de Martigny (VS), où Olivier Guyot et Julian James, associés à la tête de l’atelier Saint-Dismas, reçoivent cath.ch.

Les deux compères, spécialisés dans la conservation-restauration de peintures murales, de bois polychromes et de tableaux, répondent posément aux questions chacun leur tour et s’écoutent attentivement comme s’ils ne se connaissaient pas. Pourtant, ils se sont rencontrés sur un chantier de restauration du cloître de l’abbaye d’Hauterive (FR) en 2002. «Nos caractères sont différents, assure Olivier Guyot, il y a avant tout du respect.»

Les deux conservateurs restaurateurs – ils insistent sur le terme «conservation» – évoquent une collaboration factuelle. «Travailler à deux, c’est l’idéal», précise Julian James qui ajoute qu’ils ne partagent pas leur vie privée. Si son accent indique ses origines anglaises, il s’exprime dans un excellent français.

Un stage de fin d’étude a amené Julian James en Suisse | © Bernard Hallet

De Londres à Martigny

Ce Londonien d’origine, né en 1958, le doit sans aucun doute à sa licence en littérature française obtenue durant ses études. La passion de la restauration lui est venue par la suite d’un stage de restauration de peinture murale effectué à la fin de ses études de français. Sans doute une vocation restée enfouie: «Quand j’étais enfant, mon père qui était architecte m’emmenait dans les églises et m’expliquait l’architecture en lien avec l’aspect religieux. J’aimais beaucoup cela.»

Au moment de boucler son diplôme de conservateur restaurateur, préparé durant quatre ans à l’institut Courtauld de l’Université de Londres, il cherche un pays francophone pour y effectuer un stage de perfectionnement. Ce sera la Suisse où il arrive en 1989.

Olivier Guyot avait une formation de peintre en bâtiment | © Bernard Hallet

Olivier Guyot est passé par un apprentissage de peintre en bâtiment, une sorte de filiation avec son beau-père qui était lui-même peintre. Le Neuchâtelois a découvert sa vocation par hasard. «J’étais à l’usine de Saint-Prex (VD) quand j’ai vu des restaurateurs travailler sur des peintures murales dans le hall de l’entreprise. J’ai beaucoup discuté avec eux.» Il a 20 ans et enchaîne à l’atelier de restauration Stähli à Neuchâtel. Il se lance dans l’apprentissage de sa vocation en cumulant un poste de stagiaire et une formation continue de trois ans. «J’ai toujours été attiré par l’art», détaille-t-il. Il suit finalement des cours à la Haute Ecole de Berne et en sort diplômé en 1998.

Pas d’exubérance dans le propos, mais on entrevoit la passion à l’évocation d’anecdotes. «En grattant les couches de badigeon, on traverse les siècles et on se retrouve parfois face à des apôtres d’un autre temps», explique Olivier Guyot. Il évoque un chantier à la chapelle Vers-Saint-Pierre à Treyvaux (FR) où une restauration débuta avec de la peinture «de la fin du XIXe siècle pour nous emmener en 1300». En évoquant ce souvenir, il sort son smartphone et fait défiler une galerie de photos d’un chantier récent montrant des restaurateurs s’appliquant à gratter le plafond d’une église.

«De blanc ‘sale’ à quatre évangélistes»

«Là, nous sommes passés de blanc sale à quatre évangélistes», résume-t-il en évoquant le dernier gros chantier que l’atelier a mené dans l’église Saint-Marie-Madeleine de Troistorrents (VS). «Au départ, nous devions repeindre le plafond blanc et restaurer les cinq autels en bois polychrome présents dans l’église». Or le président de paroisse, Jean-Michel Defago, a retrouvé dans les archives une photo ancienne de l’église. Le cliché montre une peinture murale représentant les quatre évangélistes et l’Agneau immolé dans un décor naturel, dans les voûtains situés au-dessus du chœur.

Un travail minutieux qui a consisté à dissoudre et gratter la couche de peinture superficielle a permis de retrouver la peinture originale | © Atelier Saint-Dismas

«Les échafaudages étant déjà montés, on nous a demandé d’effectuer des sondages pour voir ce qu’il en était. Au fur et à mesure que nous avons élargi les zones de travail, nous nous sommes aperçu que la peinture était encore présente et en relativement bon état de conservation». Décision a été prise de restaurer la peinture murale et de lui rendre son éclat d’antan. Le résultat est spectaculaire. L’ensemble est de Benvenuti et date de 1913, «et il n’est pas si fréquent d’avoir en plus la signature de l’auteur et la date», souligne Julian James.

Les travaux réalisés par l’atelier de restauration ont consisté à dissoudre et gratter la couche de peinture superficielle, nettoyer la couche remise à jour afin de supprimer un voile blanchâtre résiduel. Les divers lacunes et éléments manquants ont ensuite été comblés afin de redonner une cohérence à l’ensemble. Le chantier, qui comprenait également le relevage de l’orgue et la réfection de la toiture, a duré six mois.

Des évangélistes

Olivier Guyot et Julian James ont été impressionnés par le résultat final. Les travaux de restauration dans les églises représentent environ 70 à 80% de leurs mandats. On leur doit, entre autres, la restauration de la fresque de Severini à la basilique du Valentin, à Lausanne. Le restant se répartit entre les monuments historiques, des châteaux ou encore des bâtiments communaux dont la conservation représente un enjeu patrimonial important. De quoi développer une sensibilité spirituelle?

Sous le «blanc sale» se cachaient les quatre évangélistes et l’agneau | © Atelier Saint-Dismas

«Je me suis posé beaucoup de questions par rapport à la foi, j’y suis sensible», précise Olivier Guyot sans toutefois éprouver une vocation religieuse, ajoute-t-il. Il a eu des discussions avec des prêtres au sujet de la Bible, en particulier le Nouveau Testament. Au contraire de Julian James qui n’a pas eu ce questionnement spirituel.

Tous deux se rejoignent sur l’aspect primordial, selon eux, de l’éthique et de la déontologique de leur travail. Ils travaillent selon la charte de Venise et les recommandations de l’Office fédéral de la Culture. C’est leur credo. «Notre métier, ce n’est pas du business, relève Olivier Guyot, Nous travaillons en pensant aux artistes qui nous ont précédés, à leur geste et nous avons à cœur de restaurer leur travail et de le conserver pour les générations futures.» (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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