Le 3 juillet 2024, en Inde, des centaines de prêtres auraient pu être exclus d’un seul coup de l’Église catholique. Alors que les vocations ne sont pas florissantes dans le monde, un tel exode aurait certainement été embarrassant pour le Vatican. C’est pourquoi Rome, et le pape François lui-même, se sont beaucoup investis dans le règlement de la querelle empoisonnant la vie de l’Église syro-malabare. Le pontife avait lui-même publiquement appelé les prêtres réfractaires à rester dans la communion catholique.
Les motifs de la dispute ont pourtant pu sembler quelque peu dérisoires. Il s’agissait en effet d’une mésentente sur un détail liturgique concernant la position du prêtre pendant la messe. Les ecclésiastiques syro-malabars célèbrent traditionnellement face à l’est (ad orientem). La réforme de Vatican II a cependant amené les prêtres à célébrer face au peuple. Afin de préserver l’unité de la seconde plus grande Église orientale, le synode a opté, en 1999, pour un compromis dénommé (50/50), où la moitié de la messe est célébrée face aux fidèles et l’autre vers l’orient.
Ayant remarqué que ce compromis était peu suivi, le synode syro-malabare a demandé en 2021 aux 35 diocèses de se mettre en conformité. Alors que la plupart l’on fait, une forte résistance a surgi dans le diocèse d’Ernakulam-Angamaly, le plus important de cette Église. La plupart des 655’000 membres de cette éparchie ont souhaité conserver la liturgie entièrement versus populum.
Une querelle qui a dégénéré jusque dans des violences physiques. Le Vatican a tenté de régler le problème en envoyant plusieurs délégués et en renouvelant les dirigeants, mais sans réel succès. Les tensions ont connu un paroxysme le 9 juin 2024, lorsque l’archevêque majeur Raphaël Thattil a publié une lettre circulaire commune avertissant que les prêtres qui refuseraient d’adopter le compromis liturgique avant le 3 juillet seraient excommuniés.
Une démarche radicale qui n’a pas fait l’unanimité au sein de l’Église indienne et du synode. A partir du 9 juin, des réunions de responsables se sont succédé. Et dans une note explicative du 1er juillet, l’archevêque majeur acceptait finalement que les prêtres d’Ernakulam-Angamaly continuent à célébrer face au peuple après le 3 juillet, à condition que les paroisses proposent au moins une liturgie 50/50 lors des dimanches et des fêtes importantes, rapporte The Pillar. Une transigeance qui permet d’éviter le schisme.
Le site catholique américain souligne que cet apaisement ne signifie pas forcément la fin de la crise au sein de l’Église syro-malabare. Car la querelle liturgique n’aurait été que le catalyseur de griefs plus anciens et plus profonds. Pour le journaliste de The Pillar Luke Coppen, la dispute «porte également sur la manière dont l’autorité est exercée dans une Église synodale, sur la tension entre l’uniformité et la diversité, et sur les conséquences profondes d’une rupture de confiance». Des différends fonciers à l’intérieur de l’Église, toujours en suspens, ont envenimé la situation depuis des années.
Mais surtout, les tensions seraient liées à des questions «identitaires». A l’instar d’autres communautés orientales, les chrétiens se trouvant dans des situations de minorité ont en effet un taux élevé d’émigration, notamment vers les pays occidentaux. Il en résulte une communauté très disparate et particulièrement soumise à l’influence latine. L’Église syro-malabare serait ainsi divisée entre l’envie de retrouver son ancienne identité orientale et la tentation d’accepter son «empreinte occidentale». Pour Luke Coppen, ce sont principalement les partisans des deux «factions» qui se sont opposés lors de la crise liturgique. (cath.ch/pillar/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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