Dans ces situations, il m’arrive d’entendre des chrétiens se demander comment faire entendre leur voix dans un climat aussi lourd. Même si la question ne concerne pas seulement les périodes de fortes turbulences, elle se pose de manière particulièrement nette quand la météo politique n’est pas au calme plat.
Le sujet est vaste et il ne s’agit pas de prétendre en faire le tour en quelques lignes. Cependant, une belle expression passée trop vite inaperçue pourrait nous aider à penser un des rôles du chrétien dans un monde secoué par les soubresauts de l’histoire. Celle-ci nous vient de Benoît XVI. Dans son encyclique Caritas in veritate, le pape avait rappelé que la pensée chrétienne, dans le domaine politique et sociale, peut jouer le rôle d’une sagesse (n°31). Le chrétien devrait apporter de la sagesse au début public.
Être sage. Qu’est-ce à dire? D’après le psaume 89, la caractéristique de la sagesse est de donner à la personne qui l’acquiert «la vraie mesure de ses jours» (Ps 89,2).
«Le chrétien sait que les réalisations d’ici-bas, si elles sont importantes, n’écrivent jamais le dernier chapitre de son histoire»
Le chrétien peut être celui qui contribue au débat public en proposant des solutions inspirées de l’Évangile. Mais il est aussi celui qui, singulièrement, peut rappeler à ses concitoyens «la vraie mesure» de ce qui est vécu.
En effet, les textes et les témoignages dont il est le dépositaire sont vieux de plusieurs millénaires. Ils aident à porter sur l’actualité brûlante et immédiate un regard marqué par le poids des siècles passés. Cette mesure historique, c’est un aspect de cette sagesse dont le chrétien est porteur.
Le chrétien sait aussi que les réalisations d’ici-bas, si elles sont importantes, n’écrivent jamais le dernier chapitre de son histoire. Sa cité définitive est dans les cieux. Cette mesure d’éternité est un autre aspect du regard sage que le chrétien doit adopter.
Nous avons besoin de sages qui nous rappellent la mesure de ce que nous vivons. Le chrétien peut, singulièrement, être de ces sages. Dire cela ne devrait pas amoindrir l’engagement du chrétien dans le monde. Dire cela ne devrait pas l’empêcher de chercher avec celles et ceux qui l’entourent des voies pour sortir de certaines impasses. Mais demander au chrétien de retrouver sa vocation de «sage», de celui qui aide à «mesurer toutes choses», c’est réexplorer une vocation singulière du baptisé. Cette vocation qui invite non pas à prendre de la distance par rapport aux événements du monde, mais à prendre de la hauteur pour les traiter de manière juste.
«Donne-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la sagesse».
Jacques-Benoît Rauscher
19 juin 2024
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