La lourde facture des abus dans le diocèse de Sion

En marge du rapport d’audit sur les abus dans le diocèse de Sion publié le 11 juin 2024, cath.ch a interviewé Mgr Lovey, évêque dudit diocèse, sur la question des lourds coûts humains et financiers découlant de ces affaires.

La question des abus sexuels en Église entraîne pour les diocèses un coût financier important: compensations, audit externe, personnel formé à l’écoute, comme annoncé aujourd’hui… Cela va-t-il réduire chez vous la part dévolue à la pastorale?
Mgr Jean-Marie Lovey: Tout cela a un coût bien sûr. En France, le diocèse de Nanterre (en région parisienne, ndlr)a dû vendre certains de ses biens pour payer les frais d’enquête, de recherche, de compensation, d’indemnisation, etc. Chez nous, on n’a diminué aucun poste, au contraire. On a créé de nouveaux postes, au niveau de la communication notamment, grâce à nos réserves.

Des coûts financiers supplémentaires d’un côté, de l’autre, des sorties d’Église consécutives aux questions d’abus?
Il y en a peu et elles sont rarement motivées par les abus. Du moins à ma connaissance. Ces sorties d’Église ne vont pas nous impacter directement sur le plan financier, puisque la loi Église-État du canton prévoit que les communes politiques assurent les budgets des paroisses.

Il existe différentes instances d’aide aux victimes d’abus en Église. Avez-vous l’impression que l’évêque reste LA personne de référence encore pour elles?
J’ai rencontré beaucoup de personnes concernées par les abus. Je n’ai pas le sentiment que celles qui choisissent le créneau «Église» évitent de s’adresser à l’évêque. A contrario, j’entends très souvent des gens me dire, «ça doit être difficile, on prie pour vous, continuez», et ça m’aide.

En dehors des personnes directement concernées, la question des abus sexuels ferait des victimes collatérales parmi les membres du clergé?
Je ressens cela parfois. J’étais sur le perron de l’évêché, avec deux personnes. Arrivent deux gamins de dix ans, et le premier nous pointe du doigt en disant: ‘Il ne faut pas aller dans cette maison, parce que c’est dangereux, il y a des curés’. Alors oui, c’est dur.»

Il faut dire que la communication de l’Église à ce sujet est souvent lacunaire et même mauvaise. D’où le fait que vous avez renforcé l’équipe communication?
Oui, bien sûr.

Vous avez réintroduit le chanoine de l’Abbaye de St-Maurice Gilles Roduit dans sa fonction de curé de St-Maurice (VS). Une décision mal comprise, par le groupe SAPEC notamment. La justice pénale a prononcé un non-lieu, mais votre diocèse peut-il s’en tenir à une approche légaliste? Ne serait-ce pas là un cas type dont pourrait se charger un tribunal pénal ecclésiastique interdiocésain (dont la création est assujettie à l’autorisation du Vatican)?
Vos questions sont contradictoires. Un tel tribunal réglerait la question juridique. Or, comme vous l’avez dit, l’aspect pastoral est aussi extrêmement important. Que faire en cas d’abus sur mineurs quand les faits sont prescrits sur le plan de la justice civile? La justice canonique peut prendre le relais et décider de l’imprescriptibilité du crime.
Dans le cas que vous soulevez, reconduire la personne dans sa fonction est une décision qui relève du plan juridique, c’est-à-dire d’un non-lieu et du refus des autorités judiciaires d’accepter le recours. Pastoralement parlant, il faudrait pouvoir clarifier les raisons présentées par la plaignante. Il faudrait assurer un accompagnement et pour elle et pour l’auteur présumé. (cath.ch/lb)

Lucienne Bittar

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