François Castella ne sourit pas, il est ému. Juché sur une grosse cylindrée noire, il attend le signal pour entrer dans la cathédrale au guidon de sa moto. «C’est quelque chose qui me restera à vie», souffle-t-il. Ce n’est pas tous les jours que l’on a l’honneur d’entrer dans une cathédrale au guidon de sa moto pour la messe de la Madone. Il est à peine audible dans le brouhaha généré par les badauds agglutinés autour des deux roues et des fidèles qui s’engouffreront dans la cathédrale à la suite des engins rutilants, pavoisés aux couleurs de leur club et du pays de leur propriétaire.
Le Fribourgeois fait partie des «premiers centaures» – un titre honorifique – de ce 22e rallye de la Madone des Centaures. Derrière François Castella, six motards dont des belge, français, italien et espagnol attendent avec leur marraine, la jeune femme qui les accompagne et déposera le bouquet de fleurs au pied de l’icône de la Madone. Alexandre, originaire de Mouscron en Belgique, se dit très honoré d’être là, il est tout aussi ému que son homologue suisse. «J’en ai la chair de poule». Pour lui, le rassemblement de la Madone des Centaures signifie d’abord l’entraide entre motards.
Les cloches se mettent à sonner. Le chanoine Jean-Jacques Martin, prévôt de la cathédrale de Fribourg, paraît sur le pas du portail sud de l’édifice – le parvis est inaccessible en raison des travaux sur la chaussée –, un homme de la sécurité fait un signe de la main et les moteurs vrombissent.
Des centaines de motards, présents au Mouret depuis vendredi pour cette 22e édition de la Madone des Centaures, ont convergé vers la cathédrale ce dimanche matin pour assister à la messe puis recevoir la traditionnelle bénédiction.
«’Pour vous qui suis-je?’, demande Jésus aux apôtres, et vous, motards, qui êtes-vous?», lance Jean-Jacques Martin. «Même si vous mettez les gaz, le motif suprême de votre engagement doit rester l’attention aux autres, à votre prochain. C’est une valeur incomparable», a insisté le prévôt de la cathédrale. «Vous, les motards vous êtes attentifs aux autres sur la route pour sauver des vies, vous vous arrêtez pour les autres. C’est une partie intégrante de votre manière de vivre. Conservez cette attitude!»
«Vous êtes ici pour prier Dieu, quelle signification cela a-t-il pour vous? Ce n’est pas de la magie. La bénédiction de Dieu ne vous dispense pas d’être prudent ni de respecter le code de la route. La bénédiction de Dieu ne vous dispense pas d’être intelligent», a souligné Jean-Jacques Martin. «Que la Madone des Centaures vous guide sur le chemin de votre vie», a-t-il conclu dans un silence recueilli. La prière est fervente.
Appelés un à un, les Premiers Centaures et leur marraine sont venus déposer un bouquet de fleurs au pied de l’icône de la Madone des Centaures et s’incliner. Après l’eucharistie, Jean-Jacques Martin a adressé la bénédiction aux motards, aux mécaniciens, aux ingénieurs et ceux pour qui ils étaient venus prier. De mouvements amples, il a béni les motards et leur motos posées autour de l’autel.
Les grosses vestes, les blousons, gilets en cuirs bardés d’écussons bigarrés, foulards, tenues de route rembourrées et bottes tranchent avec le style de l’assemblée que l’on croise habituellement le dimanche matin. «Je viens tous les dimanches à la messe, mais je ne savais pas qu’il y avait ce rassemblement de motards, c’est incroyable!», confie une fidèle étonnée à une amie en suivant le flot de routiers qui s’apprêtent à enfourcher leur engin pour recevoir la bénédiction un peu plus loin.
Lentement, les premiers centaures quittent la cathédrale sourire aux lèvres, détendus. Ils rejoignent le flot de leurs camarades qui reçoivent la bénédiction à l’angle de la Grand-rue et de la rue de la Poste. Klaxons et vrombissements de moteurs saluent le prévôt et son concélébrant. Visières relevées, les visages sont souriants. Certains motards se signent en passant sous le goupillon, d’autres esquissent un geste de remerciement ou inclinent la tête et s’éloignent en accélérant. (cath.ch/bh)
Le rallye de la Madone des Centaures
La Suisse a accueilli le rallye avec un an de décalage. En raison du covid, la France n’a pas pu organiser l’événement, Fribourg a donc attendu une année de plus. En 1943, un pharmacien italien motocycliste lance l’idée de réunir tous les «Centaures» (en référence à la créature de la mythologie, mi-homme, mi-cheval) du monde. Ainsi est fondé le Moto Club international de la Madone des Centaures (MC-MCI) en 1946. L’année suivante, le Vatican lui consacre la basilique de Castellazzo Bormida, près d’Alessandria, et sa Madone, qui deviendra dès lors la patronne des motards. La section suisse voit le jour en 1947 dans le canton de Fribourg. Elle accueille le premier rallye de la Madone des Centaures en 1952.
A chaque édition, des motards sont désignés Premiers Centaures. C’est un honneur. Ils entrent dans la cathédrale avec leur moto. Le Rallye de la Madone des Centaures a lieu une fois par année en Italie à Castellazzo Bormida près d’Alessandria, et une seconde fois dans l’année dans un des autres pays concernés, en alternance tous les cinq ans: France, Belgique, Allemagne, Espagne, Suisse. BH
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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