Quel échange entre les Eglises et le monde du tourisme?

L’association ‘Églises + Tourisme Suisse’ est engagée dans la collaboration entre le tourisme et les institutions chrétiennes. Une démarche d’autant plus d’actualité que les voyages ‘porteurs de sens’ et le tourisme spirituel ont le vent en poupe.

Regula Pfeifer, kath.ch/ traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Le 5 juin 2024, a eu lieu à la Paulus-Akademie de Zurich, une réunion du projet de recherche «Religion-Culture-Tourisme», en coopération avec ‘Églises + Tourisme Suisse’. Le thème en était: «Entre culture et spiritualité. La religion en tant que phénomène dans le tourisme». Le président de l’association ‘Églises + Tourisme Suisse’, le pasteur réformé Michael Landwehr, explique les enjeux des discussions.

Quel est le but de votre association?
Michael Landwehr: Il s’agit d’encourager le développement de projets et de produits communs aux Eglises et au tourisme. Nous voulons faire découvrir aux milieux ecclésiastiques des expériences et des modes de pensée touristiques. Et inversement, intégrer des valeurs chrétiennes et éthiques dans le monde du tourisme. Nous encourageons le travail en réseau et les échanges entre les Églises et le tourisme.

Comment se passe le travail de réseautage?
En avril dernier, nous étions présents à la ‘Journée des vacances’, organisée par Suisse Tourisme à Genève. Nous avons également des contacts avec l’Association suisse des managers en tourisme (ASMT). Ou encore avec l’association ‘Sakrallandschaft Innerschweiz’ et l’Église réformée de Zurich. Toutes sont membres de notre association.

Le pasteur Michael Landwehr est président de l’association ‘Eglise + Tourisme Suisse’ | © Vera Rüttimann

L’association a actuellement une utilité particulière…
Les voyages porteurs de sens et le tourisme spirituel sont en effet à la mode. Les services religieux dans la nature, les chemins de pèlerinage ou les parcours à vélo s’inscrivent dans cette tendance. En outre, la Suisse est appréciée comme pays de mariage. Nous nous en occupons parce que les gens le demandent. Quoi qu’il en soit, la Suisse est un pays touristique par excellence. La manière dont nous associons les Eglises et le tourisme est, à ma connaissance, unique au monde.

Avez-vous lancé de nouveaux projets depuis la création de l’association en 2020?
En 2022, nous avons organisé un congrès à Viège (VS). Selon ‘l’Église en formation’ (Bildungkirche – la plate-forme de formation initiale et continue de l’Église réformée), il s’agissait de l’événement le plus fréquenté de toute son offre de formation continue. Nous prévoyons une offre de formation continue comparable pour 2025 dans l’Oberland bernois.

«Lorsqu’une personne éloignée de l’Église assiste à un service religieux intéressant en montagne (…) cela provoque quelque chose en elle»

Notre plus grand projet est un projet Innotour dans le cadre du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui s’intitule ‘Swiss Religious Heritage’. Il s’agit de collecter des données sur le patrimoine religieux. Ensuite, nous ferons une analyse des besoins en matière de tourisme culturel et religieux dans notre pays. Ces deux éléments seront intégrés dans des projets concrets. ‘Églises + Tourisme Suisse’ et EBP, un institut de recherche socio-économique, travaillent ensemble sur ce projet. Si nous parvenons à mettre cela en œuvre, nous disposerons pour la première fois en Suisse d’un matériel basé sur des données et d’une plate-forme proposant des offres intéressantes.

Avez-vous d’autres projets?
Il y a toujours de nouvelles idées, plus que ce que nous pouvons faire avec notre petite association. Par exemple le Grand Tour: qui serait un voyage en Suisse en voiture, en train ou en e-mobility, qui a été fortement poussé par Suisse Tourisme. Les responsables du Grand Tour sont prêts depuis longtemps à organiser une manifestation avec nous, ce que nous n’avons pas encore pu réaliser. Il s’agirait d’inciter les paroisses situées sur le parcours du Grand Tour à s’impliquer à leur manière. Par exemple en organisant une bénédiction en chemin ou toute autre action qui suscite la réflexion.

Qu’est-ce que les Eglises ont appris du tourisme?
Nous avons appris comment créer des concepts efficaces. Et ce à quoi il faut faire attention en matière de marketing. Qu’il est possible d’alléger et d’accélérer les processus de décision. Et aussi que l’on peut générer plus d’intérêt par le biais de l’influence et comment mettre cela en œuvre.

Inversement, qu’est-ce que le tourisme a appris des Eglises?
Qu’au-delà du volume de personnes atteintes, il peut y avoir de la créativité. Une fois que j’ai créé une attention, je peux aussi gagner en profondeur. Et les gens aspirent à cette profondeur, c’est ce que j’ai observé. Lorsqu’une personne éloignée de l’Église assiste à un service religieux intéressant en montagne, où tout est parfait, cela provoque quelque chose en elle. Elle en retire quelque chose pour sa propre vie, qu’elle apprécie de raconter aux autres.

«Il y a encore un manque de conscience que les initiatives des Eglises peuvent générer une plus-value touristique»

C’est ce que vous voulez enseigner aux professionnels du tourisme de la part de l’Église?
Les professionnels du tourisme ont déjà constaté qu’il ne s’agit pas seulement d’influencer, mais aussi d’aller en profondeur. Ils vont déjà dans cette direction. Et cela coïncide avec ce que proposent les Eglises. Et les voyages porteurs de sens sont le lieu où nous nous rencontrons. Ces expériences atteignent tout le monde. Lors des cultes que je célèbre en montagne, des habitants de la région, des vacanciers suisses et des personnes venues de loin participent. Les gens sont en route ensemble.

Quels sont les points faibles dans la relation entre les Eglises et le tourisme?
Il y a encore un manque de conscience que les initiatives des Eglises peuvent générer une plus-value touristique. Si, en tant que pasteur, je propose quelque chose de particulier dans une paroisse, il n’est pas évident que les gens s’y rendent pour réserver un hôtel ou un restaurant. Et si je réaménage le chemin de la Réformation sur les rives du lac de Zurich, il se peut que cela ne soit pas perçu du côté touristique.

Que faites-vous pour y remédier?
Je m’engage pour une collaboration entre les Eglises et le tourisme. C’est pourquoi on me qualifie souvent de Monsieur Tourisme des Eglises suisses. Mais il y a beaucoup à faire. En Bavière, par exemple, les Eglises catholique et protestante sont devenues membres de l’association touristique. En Suisse, ce serait comme si la Conférence des évêques et l’Eglise évangélique réformée devenaient membres de Suisse Tourisme. Nous n’en sommes pas encore là. Mais ce serait l’expression d’une estime mutuelle. Cela permettrait de prendre conscience que nous, les prestataires de services, sommes actifs ensemble pour les personnes en voyage – au sens propre comme au sens symbolique.

Ce serait aussi le cas si nous mettions en place un département œcuménique du tourisme à l’échelle de la Suisse, financé par les Églises et les milieux du tourisme. (cath.ch/kath/rp/rz)

A noter que l’association ‘Églises + Tourisme Suisse’ possède une antenne romande, basée à Genève.

Rédaction

Portail catholique suisse

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