Lucas Vuillemier/Protestinfo
Un sondage. C’est grâce à cette méthode que l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) pourrait à son tour enquêter sur les abus commis en son sein. Lors du synode prévu du 9 au 11 juin à Neuchâtel, les délégués des Églises cantonales réformées du pays voteront, en effet, pour ou contre la proposition de l’exécutif de leur faîtière d’interviewer par téléphone plus de 20’000 personnes, de tous milieux et cantons confondus.
Les résultats de cet impressionnant sondage devraient ensuite être analysés par des employés de l’Université de Lucerne, pour un coût total de 1,6 million. En se basant sur un panel de personnes choisies au hasard, un tel sondage suffira-t-il à faire la lumière sur cette épineuse question? Précisions avec Pierre-Philippe Blaser, vice-président du Conseil de l’EERS.
Pourquoi avoir fait le choix d’un sondage pour enquêter sur les abus au sein des Églises réformées de Suisse?
Pierre-Philippe Blaser: Les archives des Églises réformées de Suisse auraient été très difficiles à rassembler en raison de notre fonctionnement fédéraliste. On y aurait peut-être trouvé quelques éléments sommaires sur des cas d’abus et sur les décisions qui ont été prises pour y donner suite, mais cela n’aurait pas permis d’aller suffisamment loin. Grâce à une enquête représentative, il est possible de comprendre quelles sont les constellations qui rendent possibles les abus dans nos milieux ecclésiaux réformés. Cette méthode pourrait révéler des cas inconnus jusqu’ici et permettre d’évaluer leur étendue.
En quoi consisterait ce sondage?
Un questionnaire très précis devrait être mis sur pied par le personnel académique du Centre pour la religion, l’économie et la politique (ZRWP) de l’Université de Lucerne, en collaboration avec une Commission consultative des parties prenantes, composée de personnes issues des mondes évangélique réformé et catholique, et d’adultes abusés au sein de ce dernier. Le questionnaire comporterait également des questions subsidiaires à propos d’autres milieux, comme les clubs de sport et les associations. Le but est d’inscrire l’EERS dans un tissu social composé notamment d’autres groupes de personnes, et de déterminer certaines spécificités propres à un milieu donné.
Cela permettrait-il vraiment de comprendre comment des abus ont été commis au sein des Églises réformées de Suisse?
En principe, oui. Cette méthode d’étude ne se limite pas à relever les cas signalés et poursuivis pénalement, mais elle appréhende de manière globale les abus sexuels, favorisant ainsi une estimation plus fiable du nombre minimal de personnes concernées. De plus, un deuxième volet de l’étude consisterait à permettre aux personnes interrogées de décrire, le cas échéant, les violences subies, et à d’autres personnes de se faire connaître pour faire de même.
Quelle serait la plus-value de cette méthode par rapport à une enquête sur les archives? Ne risque-t-on pas de manquer l’essentiel?
Elle serait réelle, car cette méthode aidera à connaître le profil psychologique des abuseurs, les contextes à risque, les séquelles psychologiques sur les personnes abusées, leurs moyens de résilience et les conséquences pour leur entourage… Au contraire du seul enregistrement quantitatif, cette enquête offrira un regard d’ensemble d’une plus haute précision. Nous obtiendrions ainsi une base de données qui rendra possible une vigilance ciblée et une amélioration de nos normes en matière de prévention.
Reste que les 20’000 personnes sondées, choisies au hasard, ne seront pas toutes réformées…
Non, mais un tel nombre de personnes représentera forcément un échantillon représentatif de la population suisse, c’est mathématique. Et même si toutes les personnes ne seront pas réformées, elles auront peut-être vu ou entendu des choses dont elles pourront témoigner, ce qui serait également déterminant pour l’avenir. (cath.ch/protestinfo/lv/lb)
Rédaction
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